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Ce
qui a changé depuis l'e-krach
Financement, stratégie,
perspectives...
La correction boursière du printemps a déstabilisé
les "jeunes pousses" du Web. Enquête en
cinq volets sur les nouvelles règles du jeu de
l'Internet business. |
Il n'est pas loin le temps où
des start-up emmenées par une poignée d'étudiants
osaient se payer des managers de multinationales. L'Eldorado
du Net, ses stock-options et sa cure de jouvence, marchaient
alors à plein. Mais, depuis l'e-krach de mars, un vent
de méfiance s'est levé parmi les séniors.
A leurs yeux, la Net économie a perdu son image paradisiaque,
pour devenir un casino. Voire un piège. "En juillet
dernier nous voulions recruter un directeur général
et nous avions pressenti un sénior, explique le fondateur
d'une start-up française très en vue. Mais lorsqu'il
a vu que eToys aux Etats-Unis repoussait son introduction
en Bourse, il a décliné notre offre pour rester
en poste au sein de son groupe."
Le
jackpot n'est plus garanti |
Aujourd'hui dans l'Internet,
les histoires de consultants venus de grands cabinets internationaux
pour goûter aux joies de l'Internet à la fin
de l'année 1999 et repartis vers leur fonctions premières
après l'e-krach ne sont pas rares. "Les stocks
options ne suffisent plus à attirer les gens expérimentés,
constate un autre PDG de start-up. Il faut qu'ils aient confiance
dans le projet et dans la viabilité de l'entreprise
pour accepter de nous rejoindre". Jusqu'en
mars dernier, l'appât du gain rapide était souvent
le seul critère pour franchir le pas de la Net économie.
Mais, depuis les reculs boursiers et l'affaire Boo.com,
un certain goût pour
l'aventure s'avère à nouveau indispensable.
Or, les semaines à 60 heures et plus font réfléchir
les séniors si le jackpot n'est plus garanti à
la sortie. "Il faut une vraie motivation, insiste Jacques
Birol, 49 ans, HEC et vice président de Keljob.com.
Moi je me régale, c'est un vrai plaisir d'entreprendre.
Mais il n'y a rien de plus aléatoire, j'en suis conscient..."
Malgré
tout, les start-up ont besoin de ces séniors. Seuls
des cadres expérimentés, souvent issus de l'économie
traditionnelle, savent gérer la croissance exponentielle
des jeunes pousses qui découvrent, parfois amèrement,
les lois du marché. Une réalité que la
plupart des investisseurs obligent désormais à
respecter. "On ne fonctionne pas à 100 personnes
comme on le faisait à 15, souligne Philippe Vallach,
directeur administratif et financier de CanalWeb, qui a fait
une partie de sa carrière chez Vivendi.
Il faut structurer les activités et avoir des gens
qui font référence." Bref, la séniorisation
de la Net économie est en marche.
"Il
nous faut maintenant des spécialistes..." |
Mais l'âge n'est pas le
seul critère. Les start-up ont aussi besoin de spécialistes.
Le paradis des avant-gardistes polymorphes, souvent jeunes
et férus d'informatique, s'éloigne à
grands pas. "On ne peut plus recruter des gens qui sont
simplement intéressés par Internet et qui surfent
beaucoup, indique-t-on chez Business Interactif. Il nous faut
maintenant de vrais professionnels." La polyvalence indispensable
aux débuts de la "nouvelle économie"
n'est donc plus le premier critère de sélection.
Ce qui complique encore un peu plus le recrutement des start-up.
Pour dénicher les talents, des sociétés
comme Luckyvillage.com n'hésitent pas à solliciter
leurs abonnés afin
de drainer des candidatures. Car les spécialistes sont
rares. "Nous offrons 5.000 francs à ceux de nos
100.000 adhérents qui nous permettront de trouver les
4 profils que nous cherchons", explique
Ouriel Ohayon, un des fondateurs du site.
Cette difficulté dans
le recrutement n'est pas une nouveauté pour la Net
économie.
En particulier dans le domaine technique. "On note une
véritable tension sur le marché des ingénieurs
informatiques, souligne Philippe Vallach. Ce n'est même
pas une question d'argent puisqu'il y a une véritable
pénurie de main d'oeuvre". Développeurs
et spécialistes des bases de données sont en
effet des espèces rares sur le marché du travail.
Alors, pour empêcher que ces employés ne soient
débauchés, les start-up rivalisent d'imagination
afin de garantir un cadre convival à leurs troupes
: sauna chez Spray.fr, massages au bureau, parties de foot
dans les couloirs... Une évolution indispensable notamment
face à des grands groupes qui montent leur propre filiale
Internet. Or, ces filiales, adossées à une grande
marque et qui se donnent des apparences de start-up, séduisent
de plus en plus les spécialistes et les séniors.
Pour s'en convaincre, il suffit de voir les enjeux internes
qui naissent aujourd'hui pour nommer le "monsieur Internet"
de tel ou tel grand compte...
Les
start-up doivent donc inventer leur propre culture d'entreprise.
L'ambiance décontractée, le "sans cravate",
l'appât du gain semblent avoir fait leur temps. Cette
mutation devient un enjeu central pour la Net économie
afin de brider les vélléités de départ,
limiter le turn-over et attirer les talents. Mais qui dit
culture d'entreprise dit "vrai projet". Ce qui est
peut-être le signe de la maturité de l'Internet.
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