C'est le grand gagnant
du Web. Le tout premier "pure player" du commerce
électronique à avoir réussi à
s'imposer chez les grands de la distribution et à
atteindre -enfin- la rentabilité et, du coup,
à valider son modèle économique.
Oui, on peut vendre en ligne. Et oui, on peut dégager
des bénéfices même si pour cela,
il a fallu, et il faudra encore, fortement investir
sur la marque. Sur le quatrième trimestre 2001,
Amazon a donc dégagé pour la première
fois de son histoire un modeste bénéfice trimestriel
"pro forma" de 5 millions de dollars.
Pour comprendre le parcours
du géant américain, il faut remonter en
1995 et au pari un peu fou de Jeff Bezos, alors spécialiste
chez Bankers Trust, qui décide de se lancer dans
l'aventure de l'Internet marchand. Depuis, Amazon, du
pionnier à la légende, symbolise le e-commerce
au même titre que Yahoo est le portail par excellence.
La
trajectoire d'Amazon est jalonnée par trois étapes
majeures : la construction de la marque, l'élargissement
de l'offre et la fidélisation de la clientèle.
C'est avec une idée toute simple qu'Amazon a
commencé à se faire connaître aux
Etats-Unis : permettre aux internautes de donner
leur avis sur les livres. Mais il a aussi fallu des
investissements colossaux pour imposer la marque auprès
du grand public. Entre 1997 et 2001, les dépenses
marketing du groupe se sont élevées à
près de 586 millions de dollars, dont 494 uniquement
sur les trois dernières années. Cette
stratégie, très gourmande en cash, a fini
par porter ses fruits. Amazon a su profiter au bon moment
d'une "fenêtre de tir" finalement très
étroite pour financer la construction de sa marque.
Pari réussi : le site américain qui enregistrait
un peu plus de 9 millions de visiteurs uniques par mois
fin 99, atteignait les 15 millions à la mi-2000,
pour dépasser les 30 millions en novembre 2001
(source : Jupiter MMXI).
Entretemps, Amazon a évolué.
De la simple librairie, il s'est mué en un véritable
supermarché en ligne proposant des produits culturels
(livres, DVD, CD) mais aussi des produits high-tech,
de l'électroménager, du vin ou encore
des voyages. Après s'être fait connaître
comme cyber-libraire, Amazon s'est transformé
prgressivement en distributeur généraliste,
soit en passant des partenariats (avec Toys 'R Us, par
exemple), soit en investissant des secteurs à
forte valeur ajoutée et intimement liés
à Internet. C'est le cas pour les produits high-tech
que sont les assistants personnels, les lecteurs MP3,
les ordinateurs ou les caméras et appareils photos
numériques. "Il est vrai que le positionnement
initial d'Amazon.com s'est doucement déplacé
d'un site de ventes de livres, vers un site de produits
culturels, puis aujourd'hui vres une plate-forme de
e-commerce", résumait Philipp Humm, vice-président
Europe d'Amazon dans une interview au JDNet en novembre
2001.
Troisième étape
de cette aventure : la fidélisation des
clients. Une étape délicate puisque rien
n'est plus facile pour un internaute que de passer d'un
site à l'autre pour comparer les prix, que la
marque était encore relativement jeune et que
les concurrents distancés au départ ont
fini par se multiplier. Sur ce terrain, Amazon a encore
une fois profité de sa précocité
et a parié très tôt sur le rôle
essentiel de la relation-clients et du service dans
le commerce en ligne. Cartons logotisés et emballage
soigné, petits cadeaux joints aux envois, multiplication
des partenariats avec d'autres sites, ergonomie parfaitre,
innovations technologiques (le "one-click shopping")
et logistique impeccable ont permis à Amazon
de devenir le site marchand de référence
de bon nombre d'internautes.
Tous ces "détails"
ont eu un coût non négligeable pour la
société qui a pu s'appuyer sur les fonds
levés lors de son introduction en Bourse sur
le marché américain en mai 1997 pour financer
un "cash burning" extrêmement élevé.
Mais les résultats sont là : 60% des commandes
proviennent des clients fidélisés. Sur
la période de Noël 2001, près de
38 millions de produits ont été vendus,
permettant ainsi à la firme américaine
de réaliser 1,12 milliard de dollars de chiffre
d'affaires au quatrième trimestre, un résultat
en hausse de 15,2% par rapport à la même
période en 2000.
Ces résultats proviennent
pour partie du site américain mais aussi des
filiales internationales. Depuis octobre 1998, Amazon
a engagé son expansion internationale en ouvrant
deux filiales en Grande-Bretagne et en Allemagne, deux
filiales qui ont dégagé un résultat
opérationnel positif sur le quatrième
trimestre 2001. La filiale française a, elle,
été lancée le 31 août 2000,
suivie de la version japonaise en novembre. Aujourd'hui,
ce sont 220 pays qu'Amazon est capable de livrer et
les sites non-américains génèrent
maintenant 23 % du chiffres d'affaire du groupe.
Et les ventes sur les quatre sites internationaux se
sont accrues de 81% entre 2000 et 2001, preuve que les
USA ne sont plus le seul moteur de croissance de la
firme. Amazon prévoit d'ailleurs que l'international
représentera la moitié de son chiffre d'affaires en
2005.
Reste maintenant à
Amazon à transformer l'essai marqué au
quatrième trimestre. Charge au cybermarchand
de réaliser en 2002 un profit opérationnel sur l'année
entière cette fois. Amazon vise une hausse de 10 %
de son chiffre d'affaires annuel par rapport aux 3,1
milliards de dollars réalisés en 2001.
Il est vrai que la société américaine
n'a plus vraiment le droit à l'erreur : elle
accumule depuis 1997 une dette de plus de 800 millions
de dollars. Si le marché boursier a accueilli
favorablement avant-hier les premiers bénéfices
(l'action a gagné plus de 24 % sur la séance),
les doutes des analystes ne se sont pas totalement envolés.
Car si les clients peuvent être satisfaits, la
plupart des actionnaires risquent de faire encore longtemps
la grimace : entrée en Bourse à 20 dollars,
l'action Amazon a culminé à 170 dollars
en 1999 pour tourner aujourd'hui autour des 12 dollars.
Merci qui ?
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