Après deux ans d'existence en France, le bilan est
globalement positif pour l'i-Mode, le portail multimédia de
Bouygues Telecom. Mais, si l'offre du troisième opérateur
national a été la première à connaître
un succès commercial, elle risque, à terme,
de souffrir de l'arrivée des offres de troisième génération (3G) chez ses concurrents Orange et SFR.
Des transformations sont donc à attendre dans les mois
qui viennent, Bouygues Telecom ayant notamment annoncé
qu'il se lancerait dans l'UMTS à la fin de l'année
ou en début d'année prochaine.
L'i-Mode, technologie propriété de l'opérateur
japonais NTT DoCoMo, a été lancée au
Japon dès 1999. Il a fallu attendre
novembre 2002 pour la voir arriver en France, sous la forme
d'un partenariat exclusif avec Bouygues. A la fin de l'année
dernière, l'opérateur a annoncé avoir
franchi le cap du million d'abonnés, conformément
aux objectifs affichés au moment du lancement.
Le premier succès de l'i-Mode pourrait être d'avoir créé
un usage. Après l'échec retentissant du Wap, peu
de monde était prêt à parier sur le multimédia
mobile. La tendance s'est inversée (lire l'article
du 26/01/2005). Et si les parts de marché des services
multimédia de Bouygues sont encore inférieures à
celles des offres des autres opérateurs, les études
réalisées montrent que les deux tiers des abonnés
i-Mode sont des utilisateurs réguliers. Un chiffre à
rapprocher de ceux du Wap, qui peine à atteindre les
15 % d'utilisation régulière.
En termes de notoriété, l'i-Mode, grâce
à une politique active de communication, a réussi
à pallier sa relative faiblesse en nombre d'abonnés,
par rapport à Orange World ou à Vodafone, qui
revendiquent plus de 2 millions d'abonnés.
Pour Benoît
Louvet, directeur multimédia de Bouygues Telecom, "il
s'agissait de créer un service simple, qui marche parfaitement
et accessible à tous. Aucun site ne propose un abonnement
supérieur à 3 euros par mois. Nous sommes un peu les Michel-Edouard
Leclerc du multimédia mobile."
Aujourd'hui, le portail regroupe plus de 300 sites officiels,
ainsi que 3.000 sites indépendants. Les éditeurs
de contenus sont regroupés en 16 rubriques, dont le
shopping, les news-météo, la musique, les annuaires
ou les messageries et chats. L'opérateur indique ne
réaliser aucune marge sur la souscription aux sites,
90 % des revenus allant directement à l'éditeur
de contenu, le reste ne servant qu'à couvrir les frais
de transport.
News,
jeux et sonneries parmi les services les plus populaires |
Parmi les secteurs les plus populaires chez les utilisateurs,
les sites d'information, Bourse et météo notamment,
les jeux ou les services de personnalisation de mobiles. A
titre d'exemple, 10 millions de sonneries ont été
téléchargées en deux ans sur l'ensemble
des sites i-Mode. Les interfaces d'123 Multimedia, leader
sur ce secteur, comptent 100.000 abonnés.
Pour Franck
Deville, directeur du développement chez 123 Multimedia,
la recette consiste en un contenu riche et actualisé
régulièrement. "L'abonné vient,
en général, plusieurs fois par mois. S'il retrouve
toujours la même chose, il ne reviendra pas. Notre deuxième
force, c'est le catalogue, grâce aux nombreuses licences
obtenues. Enfin, il faut des services simples d'utilisation",
résume-t-il.
D'autres services sont prometteurs, comme celui des petites
annonces. L'accès aux annonces immobilières
en temps réel et en mobilité pourrait en effet
séduire de nombreux utilisateurs. Pour l'instant, Seloger.com
s'est engouffré dans la brèche en ouvrant son
portail i-Mode.
Chez les commerçants, en revanche, le terrain reste
à explorer. Parmi les grandes marques présentes
sur i-Mode, entre autres la Fnac, les Galeries Lafayette,
Marionnaud ou Interflora, peu ont réussi à faire
décoller les ventes via le mobile.
Cdiscount, arrivé sur le portail en octobre dernier,
bénéficie de résultats encourageants,
en revendiquant quelques centaines de commandes par mois.
Pourtant, le directeur commercial et marketing du site, Antoine
Lamarche, qualifie ces ventes d'"embryonnaires".
"Mais la base d'abonnés est importante, le marché
a du potentiel et devrait croître avec la diffusion
des équipements", estime-t-il.
La croissance du marché et le développement
des autres portails (Vodafone, Gallery, World), notamment
avec l'arrivée des offres 3G, devrait amener Bouygues
à faire évoluer l'i-Mode. Mais chez la filiale
du groupe de BTP, on ne s'inquiète pas trop. Au contraire.
"Nous avons intérêt à ce que le multimédia mobile se
développe, à ce que le gâteau grossisse. Les débuts de la
3G ne nous empêchent pas de dormir car l'i-Mode fonctionnera
quel que soit le débit", assure Benoît Louvet.
Pour l'instant, l'opérateur attend donc l'enrichissement
de la gamme des terminaux.
Autre objectif : achever la diversification
de la clientèle. Celle-ci s'est déjà
féminisée : autour de 40 % des
abonnés i-Mode sont des femmes, l'opérateur visant
l'équilibre à terme, comme c'est déjà
le cas au Japon. Le vieillissement des clients a, lui, déjà
commencé puisque la moitié des "i-Modeurs"
a plus de 30 ans. A l'origine, la cible se situait plutôt
sur les 15 - 30 ans.
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