(article modifié le 03/03/2005) C'était fin janvier, à Cannes. Lors du Midem,
le rassemblement des professionnels de la musique, les majors
et les labels indépendants annonçaient la signature
d'un accord. Au menu, la lutte contre la piraterie sur Internet
qui passe, selon le texte, "par l'information du grand
public, par une nécessaire répression et par la promotion des
offres légales de musique en ligne". Derrière cette
union, de circonstance, les fractures qui divisent majors et
indépendants sur le dossier de la musique en ligne restent
nombreuses.
Mal organisés sur le Net, les petits labels sont pourtant
obligés de suivre le tempo imposé par les plus
gros acteurs. A l'Ufpi, l'Union des producteurs phonographiques
français indépendants, on ainsi maintient le cap choisi par
les majors pour imposer l'offre payante, à savoir la
logique répressive. "Nous sommes en phase avec
les représentants des grandes maisons de disque, notamment
le Snep, pour affirmer qu'il n'y a pas de solution alternative
crédible aux plates-formes payantes, affirme Jérôme
Roger, directeur général de l'Upfi. La répression
est un mal nécessaire." A ce jour, l'Upfi a une
dizaine d'actions en cours devant la justice. Officiellement
donc, les indépendants se rangent aux côtés
des majors.
Sur
le plan commercial également, la plupart des maisons
de disques indépendantes, faute d'alternatives crédibles,
ont choisi de signer avec les offres des majors ou des grandes
plates-formes de distribution. Sony Connect a réussi,
par exemple, à affilier 150 indépendants sur
son offre. Quant à la plus grosse maison de disque
indépendante, Wagram Music (3 % de parts de marché),
elle distribue son catalogue à Virgin Mega, Fnac.com et e-Compil.
Reste que ce rapprochement avec les majors et les grandes
plates-formes est vécu par d'autres indépendants
comme une preuve d'allégeance. Un rapprochement qui, en outre,
institue de nouveaux intermédiaires et amoindrit les
perspectives de revenus directs. Plusieurs labels tentent
donc de s'organiser et de constituer des réseaux de
distribution en ligne en partant d'un principe élémentaire :
l'union fait la force.
"Le
maître-mot est devenu maîtrise" |
C'est le cas, par exemple, de Neo Music Store, qui fédère
près de 2.000 labels indépendants dont 40 en
vente directe. A la fin du mois de mars, plus de 120 labels
devraient suivre ces quarante pionniers. Pour Sylvain Corvaisier,
responsable de Neo Music Store France, "les indépendants
sont de plus en plus en phase avec ce que souhaite le public.
Pour eux, le maître-mot est devenu maîtrise. Maîtrise
des tarifs, du catalogue et du support de vente".
Pour l'instant, les ventes en ligne des indépendants
restent limitées, les offres s'adressant à des
cibles précises. Pour sortir de cette ornière,
et attirer des grands noms de la musique capables de tracter
les ventes, les labels indépendants proposent des rémunérations
plus avantageuses aux artistes. Neo Music Store affirme que
sur la vente d'un titre à un euro, l'artiste touche
environ 20 centimes d'euro. Sur une plates-forme généraliste,
le cachet tombe à 7 centimes.
Du côté de Brique Rouge, un label de musique
électronique, l'idée de la mutualisation fait
également son chemin. La petite maison de disques n'a
pas hésité à mettre en ligne tout son
catalogue, "au prix d'un investissement minimal",
précise David Duriez, son responsable. "Maintenant,
le but est de convaincre d'autres indépendants de faire
de même et de linker les sites pour créer
un réseau et une large offre de musique que l'on ne
trouve pas chez les majors."
Loin du discours de l'Ufpi, ces petits labels comptent profiter
de l'impopularité des attaques des majors contre les
internautes pour tirer leur épingle du jeu. Certains
indépendants se montrent très critiques envers
la position du syndicat. D'autres vont même jusqu'à
réclamer le dialogue avec les réseaux de peer-to-peer.
Des revendications que ne rejette par Jérôme Roger.
"Nous n'avons aucune animosité à l'égard
du peer-to-peer, cette technologie pourrait même être
utilisée intelligemment, affirme-t-il. L'initiative Snocap,
qui rapproche maisons de disques et peer-to-peer (lire l'article
du 16/11/2004) est par exemple tout à fait intéressante,
et nous regrettons qu'il n'y ait pas de projet pilote comparable
en France." |