La version numérique du "choc des civilisations" ? Le combat entre les éditeurs de presse traditionnelle et Google News témoigne bien d'une incompréhension grandissante entre les deux parties. L'Association Mondiale des Journaux (AMJ) a annoncé son intention de réclamer des dédommagements à Google et à tous les moteurs de recherche reprenant leurs contenus. Elle a, pour cela, formé un groupe de travail chargé de réfléchir aux différents moyens, pour les journaux, magazines et livres, de faire valoir leurs droits.
Principal argument de l'AMJ : l'exploitation des contenus fait partie intégrante du modèle économique des moteurs et agrégateurs. "Google, Yahoo et les autres moteurs de recherche ne sont pas une nouvelle race quelconque de bienfaiteurs sociaux qui distribuent gratuitement de l'information : ce sont bel et bien des organisations commerciales - à but très lucratif - et pas de nouveaux Robins des Bois", affirme son président Gavin O'Reilly dans un communiqué de presse.
L'association insiste sur le fait que la législation n'est pas précise en France, à la différence des Etats-Unis, où un jugement a reconnu à Google le droit d'utiliser les premières lignes et le titre d'un article. L'an passé, l'AFP avait ainsi attaqué Google News en justice, lui réclamant près de 15 millions d'euros pour la reprise de ses dépêches (lire l'article du 25/03/2005). Le moteur de recherche avait alors retiré l'agence française de son index. Aujourd'hui, les autres organes de presse semblent donc emboîter le pas à l'AFP. "Nous ne sommes pas dans une logique de conflit, répond un porte-parole de Google en France. Nous allons essayer de leur expliquer l'intérêt de figurer dans Google News."
Un intérêt que ne nie pas l'AMJ, qui reconnaît que l'agrégateur d'informations est générateur de trafic sur les sites des journaux. "Mais il faudrait aussi déterminer quelle est la part des lecteurs qui cliquent réellement et ceux qui se contentent de lire les premières lignes sur Google News", souligne Larry Kilman, rerprésentant de l'AMJ en France.
En fait, il semble que ce sont davantage les projets futurs de Google qui inquiètent les éditeurs.
"A l'avenir, il semble que Google ait l'intention de vendre de la publicité sur Google News, ce qui les ferait entrer en concurrence frontale dans ce domaine avec les journaux, explique Larry Kilman. Et les journaux paient leurs journalistes, pourquoi Google ne les paierait-il pas ?"
Chez le moteur de recherche, on reste confiant quant à la suite de l'histoire. "En aucun cas, il ne s'agit de plagiat, indique-t-on chez Google France. Nous ne faisons qu'agréger du contenu, notre vocation n'est pas d'éditer du contenu nous-mêmes." Dans l'immédiat, l'AMJ a sollicité un entretien avec les commissaires européens Charlie McCreevy, commissaire en charge du marché intérieur et des services, et Viviane Reding, chargée de la société de l'information et des médias. Elle devrait leur réclamer de nouvelles normes européennes pour définir la responsabilité de chacun et, éventuellement, partager le butin de Google. |