Seulement 27,9 % des abonnés à une offre de téléphonie
mobile utilisent l'Internet mobile, selon l'Arcep. Quand il s'agit d'expliquer
ce désintérêt relatif, de chercher les moyens de faire progresser
les usages et de développer l'ensemble du secteur, les regards se tournent
naturellement vers les Orange, SFR et Bouygues Telecom, qui à travers leurs
portails et Gallery sont le passage obligé vers l'Internet mobile.
Gallery, un passage obligé et semé d'embûches
De
fait, le "off portal", c'est-à-dire l'accès direct à un site
via son url ou un moteur de recherche, n'est pas développé et surtout pas
rentré dans les habitudes des mobinautes, contrairement au portail Gallery. Pour
Xavier Marvaldi, directeur général de M6 Web, "l'Internet mobile
n'est pas suffisament ouvert en France." Les
trois opérateurs contrôlent en effet le service Gallery, à travers l'Association
française du multimédia mobile (AFMM). Par l'intermédiaire
d'une charte de parution imposée aux éditeurs, ils sélectionnent
les sites présents, notamment pour la protection des utilisateurs. "C'est dans
notre intérêt et celui des éditeurs", affirme Laurent Herbillon, directeur du
développement des services et innovations de Bouygues Telecom.
Mais les éditeurs se plaignent des lourdeurs administratives
liées à cette charte, chaque fois qu'ils proposent un site Wap ou
i-mode aux opérateurs. L'un d'entre eux, intervenant au Forum Benchmark, faisait
part de son expérience difficile, évoquant le choc du service juridique de son
entreprise lorsqu'il a pris connaissance des trois énormes contrats différents
pour chacune des versions de Gallery. Quand le passage obligé se mue en
saut d'obstacles, les annonceurs ont toutes les raisons de grincer des dents.
Les abonnés restent la propriété des opérateurs
Si au moins la contrepartie du filtrage des portails consistait à partager
une partie de l'information sur les clients détenue par les opérateurs,
la pilule serait moins difficile à avaler. Mais agences et annonceurs déplorent
le fait de ne pouvoir obtenir les informations nécessaires pour déployer
des campagnes de marketing mobile. "D'une manière générale, les opérateurs
ne nous communiquent pas le numéro de leurs clients, mais un alias temporaire
sur SMS+ en particulier, regrette Franck Deville, directeur du développement
d'Index Multimedia. Cela ne favorise pas la constitution de bases opt-in qualifiées
d'utilisateurs qui nous permettrait de mieux cibler les clients, par centres d'intérêt,
âge, critère géographique, etc. Au contraire, cela nous oblige à continuellement
ré-acquerir les mêmes clients avec de la publicité généraliste, moins ciblée et
donc moins efficace." Une demande d'ouverture que réclame également
Marc Montaldier, de la Marketing Mobile Association (lire l'interview).
Au coeur des enjeux : les moyens d'accès au consommateur
La publicité semble être au cur de la problématique du développement des services
mobiles. Les opérateurs sont plutôt sceptiques sur cette question, soucieux de
ne pas rebuter leurs abonnés. "On ne peut pas faire de la publicité sur mobile
comme sur un autre média, affirme Laurent Herbillon de Bouygues Telecom. Si l'on
apporte les mêmes formats, cela sera perçu comme intrusif." La publicité
ne trouve grâce aux yeux des opérateurs que si elle s'accompagne d'un "bénéfice
clients identifié". Exemple : le sponsoring de contenus pour en faire baisser
le prix d'accès (le modèle totalement gratuit n'est pas à l'ordre du jour,
en raison justement de la taille limitée du marché de la publicité mobile). Les
opérateurs estiment donc nécessaire d'inventer et de tester de nouveaux formats.
Le
sponsoring pour diminuer le coût d'accès aux contenus |
De leur côté, les fournisseurs de services, annonceurs et agences en
appellent à plus d'ouverture sur la publicité. "Cela serait une étape importante
vers le développement de services, en permettant l'émergence de nouveaux modèles
économiques", explique Frédéric Campart, directeur marketing de Jet Multimédia,
qui fournit des solutions de marketing mobile. Il cite notamment le portail Gallery,
dans lequel la commercialisation de publicités n'est pas autorisée. "Pour faire
de la publicité aujourd'hui sur mobile, il faut passer par le portail opérateur." Les budgets consacrés à la publicité sur mobile sont aujourd'hui limités, puisque les annonceurs interrogés par Benchmark Group indiquent un budget moyen de 11.500 euros par campagne.
Avec l'arrivée de moteurs de recherche sur mobile, la publicité sous forme
de liens sponsorisés - moins intrusive que des bannières, par exemple - devrait
toutefois se développer. En partenariat avec Microsoft, Bouygues expérimente cette
solution, qui apporterait selon l'opérateur plus de pertinence à
la publicité.
Les MVNO dans l'impossibilité de tirer
le marché
Parallèlement aux difficultés rencontrées
par les éditeurs de services et les annonceurs face aux trois opérateurs
principaux, les opérateurs virtuels (MVNO), qui utilisent les réseaux des
opérateurs et se multiplient actuellement (ils auraient représenté 40 % des ventes
au troisième trimestre, selon l'Arcep), participent peu au développement du marché
des services multimédias. Orange, SFR et Bouygues Telecom, qui considèrent les
MVNO comme leur co-propriété, rendent par exemple très cher l'accès au réseau
de données. "Pour les MVNO, la TV mobile est un marché fermé pour l'instant, affirme
Jean-Louis Constanza de Ten. Les opérateurs bradent la bande passante au grand
public mais la vendent très cher aux MVNO."
Les signes d'ouverture
et les pistes de coopération
Face à toutes ces critiques,
certains prennent la défense des opérateurs. "Ils ont des coûts
d'acquisition gigantesques, affirme Laurent David, directeur de Nokia Multimédia,
qui explique par ailleurs que les opérateurs français ne sont pas
des opérateurs 'tuyaux', mais à valeur ajoutée, avec fourniture de services."
D'autres rappellent la responsabilité juridique des opérateurs pour
expliquer le contrôle des contenus mobiles. Par ailleurs, les opérateurs
joueraient un rôle positif dans l'arrivée de nouveaux services sur le Wap
ou l' i-mode, en conseillant les éditeurs. Ainsi, quand Meetic a voulu
décliner son service de rencontre sur l'Internet mobile, l'entreprise a suivi
les conseils des opérateurs pour proposer un tarif entre 2 et 4 euros, et non
les 30 euros demandés sur le Web.
Les
moteurs de recherche mobiles ont un rôle à jouer |
D'une manière générale, les opérateurs semblent prêts
à ouvrir les règles du jeu. "Nous savons que le rôle des portails d'opérateurs
va diminuer", affirme Emmanuel Vacher, directeur des services multimédias mobiles
d'Orange. Chez Bouygues, on explique avoir toujours été pour l'ouverture. "Dans
notre portail, tous les éditeurs sont les bienvenus, affirme Laurent Herbillon.
Il n'y a pas de présence exclusive." Autre signe du changement, des opérateurs
se disent prêts à ouvrir Gallery à la publicité.
Comme cela se passe sur le Web, la visibilité des sites mobiles dépend
beaucoup des moteurs de recherche. Pour ne pas "enfermer l'utilisateur", Bouygues
a ainsi fait de Windows Live Search son moteur officiel. Celui-ci recherche dans
l'ensemble de l'Internet mobile, en commençant par les sites de son portail, puis
ceux de Gallery, avant de renvoyer vers des sites conçus pour le mobile, mais
hors portail. Google, avec lequel l'opérateur est partenaire depuis plus d'un
an, n'est plus que moteur non officiel, limité au hors portail.
Enfin,
le développement annoncé de nouveaux moyens d'accès à
l'Internet mobile, comme le code barre 2D (voir le diaporama)
ou le Bluetooth notamment, devraient également faire baisser le poids des
portails d'opérateurs et de Gallery. |