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Hervé Rony (Snep) : "Télécoms et FAI se rémunèrent sur le dos de ceux qui fabriquent des contenus"
Lundi 29 septembre 2003
 
          
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L'industrie musicale française, qui fait face actuellement à une baisse significative des ventes de disques et à la concurrence du téléchargement gratuit est en difficulté. En première ligne, les producteurs, qui réfléchissent aux solutions pour enrayer cet engrenage. Hervé Rony, directeur général du Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), qui regroupe la majorité des producteurs de disques français, a répondu à vos questions sur le piratage, la RIAA, l'implication des FAI, les modifications du cadre législatif et les nouveaux business models envisagés par les producteurs.



Invité : Hervé Rony, directeur général du SNEP (Syndicat National de l'Edition Phonographique)
Date : jeudi 25 septembre, 18h-19h
Nombre de questions retenues : 28

Le SNEP, kézako ?
Hervé Rony : Le SNEP est le syndicat qui regroupe à la fois les majors du disque et une trentaine de producteurs indépendants. Il est affilié à l'IFPI, fédération mondiale de l'industrie dont est aussi membre la RIAA, équivalent du SNEP aux USA.

Ne pensez-vous pas que les téléchargements "illégaux" ne soient les prémices d'un changement de business model dans votre secteur ?
Si, vous avez raison, le modèle peer to peer amène l'industrie à évoluer. Tout le problème, on va sûrement en reparler, est de sortir du tout gratuit qui n' a aucun avenir pour la création musicale, et de trouver de nouveaux business models.

Pour vous qu'est-ce que le mp3, en 1 mot ?
Le MP3 n'est qu'une norme rien de plus. Ce qui est intéressant, c'est ce qu'on peut en faire

Le mp3 pour vous, ange ou démon ?
Ni ange ni démon, juste un progrès technique qu'il faut appréhender sous cet angle. L'économie de la musique de demain, voilà le vrai débat.

Si vous contrôliez la distribution de musique sur Internet, quelle serait votre politique de prix ? Répercuter les gains en diffusion sur le prix, augmenter la part des auteurs, ou obtenir un niveau de marge exceptionnel en gardant un prix équivalent à la distribution actuelle ?
La politique du prix, c'est prendre en compte les paramètres suivants : coûts de l'enregistrement, de sa promotion, royalties auteurs-artistes et, car c'est vital, définir le seuil de rentabilité donc le prix final consommateur. Aujourd'hui, il faut trouver l'équilibre entre l'attractivité de l'offre, son prix, et la rémunération des artistes, des auteurs et des producteurs qui investissement économiquement.

Qu'elle est l'activité principale du Syndicat national de l'édition phonographique ? Mène t'elle des actions répressives ?
Le SNEP agit pour défendre les intérêts de ses membres comme tout syndicat. Nous ne menons pas en tant que tel des actions répressives. C'est le rôle des producteurs eux-mêmes et des sociétés civiles, SCPP et SPPF ainsi que la SACEM. Le SNEP agit surtout au niveau des textes de loi de nature à nous aider à agir.

L'action de la RIAA, vous en pensez quoi ?
Je pense qu'on ne peut pas faire de comparaison avec la situation française. En fait, la RIAA a prévenu depuis de longs mois des risques encourus et pénalement, il faut bien comprendre que ceux qui téléchargent à outrance (des milliers de titres) ne respectent pas la loi. Ceci étant, pour reprendre une image un peu facile mais compréhensible, les plus exposés à d'éventuelles poursuites en France, ce sont les "dealers", ceux qui mettent à disposition. Pour l'instant nous ne menons pas d'action du type de celle de la RIAA. Nous préférons obtenir la coopération des fournisseurs d'accès et d'hébergement.

Etes vous prêt à engager des procédures contre les particuliers, comme cela s'est fait aux USA ?
Pas à ce stade. Nous ne nous interdisons rien mais ce n'est pas notre objectif premier. Il faut d'abord chercher à obtenir des FAI la coupure des sites illégaux. Pour le peer to peer, il faut cependant être conscient que des actions seront possibles si rien d'autre ne l'est.

N'est il pas trop tard pour le "un peu payant" ?
Non, je crois, sans naïveté, que les amateurs de musique peuvent payer un abonnement pour des services à valeur ajoutée : écoute en streaming + téléchargement + extraits promotionnels + infos sur les artistes, etc...C'est en tout cas ce que disent les consommateurs quand on les interroge, ceux qui ne sont pas définitivement perdus !

Quels nouveaux business models envisagez vous pour lutter contre le piratage, sans pour autant poursuivre en justice les consommateurs ?
Nous pensons que les modèles d'abonnements payants comme je viens de le dire ont un certain avenir dès lors qu'évidemment, ils ont un prix adapté et qu'ils sont à la fois riches en contenus et faciles à utiliser. Aujourd'hui, iTunes marche aux USA parce qu'il est simple à utiliser.

Comment expliquez-vous que les titres les plus téléchargés en P2P ne correspondent pas aux charts ? Cette clientèle vous échappe-t-elle ?
Tout dépend, c'est de moins en moins vrai, de nombreux artistes placés en haut des charts sont de plus en plus souvent téléchargés. Dernièrement Universal s'en est rendu compte avec Matt. Ceci étant, beaucoup de téléchargements se portent aussi sur des répertoires spécialisés, des artistes moins connus. La clientèle qui nous échappe est probablement plus jeune plus urbaine que la moyenne et donc plus portée à la découverte.

Avez-vous des exemples d'artistes dont les revenus ont baissé à cause du téléchargement ?
Telle quelle, la question ne peut pas faire l'objet d'une réponse évidente artiste par artiste. Il faut savoir que les revenus générés par l'industrie baissent de 10% par an au niveau mondial. Et les artistes n'y échapperont pas puisque, mécaniquement, moins de disque vendus c'est moins de revenus. En toute hypothèse, les revenus des artistes et des auteurs vont baisser dans la suite logique de la baisse du chiffre d'affaires des maisons de disques.

A combien estimez-vous le prix qu'est prêt à mettre un internaute pour télécharger un morceau de musique payant ?
Bonne question. A votre avis ? Je crois qu'il ne faut pas aller au-delà d'1 euro. Mais je crois surtout, je l'ai dit, à l'abonnement qui vous garantit un nombre déterminé de téléchargements et/ou d'écoutes.

Maintenant que les gens se sont habitués à la gratuité, comment comptez-vous les convaincre de payer ?
En leur proposant une offre à forte valeur ajoutée, facile à dire, plus difficile à faire mais on y travaille. J'ai répondu à cela tout à l"heure. Il faut intégrer à la fois du streaming, des téléchargements, des infos artistes etc... Aujourd'hui, KaZaa c'est peut-être génial mais ce n'est pas très "folichon".

Mais aucun site payant ne marche en Europe, pourquoi ?
Parce-qu'il y en a encore très peu. Le démarrage s'est fait aux Etats-Unis. J'espère que l'Europe va par exemple bientôt pouvoir accéder à iTunes. Mais d'ores et déjà, avec E-compil en France par exemple ou OD2, des offres existent. Et n'oublions pas que pour avoir des sites licites il faut résoudre énormément de problèmes techniques et juridiques (négociations des droits auteurs-artistes) et cela ne se fait pas en un jour.

iTunes n'ouvre pas en Europe à cause des accords de distribution avec les labels. C'est un peu honteux de votre part, non ?
Je n'y suis pour rien ; je suis personnellement favorable à une large diffusion de la musique en ligne. Simplement, ne croyez pas que c'est simple. Il y a de nombreuses négociations juridiques et financières comme dans toute activité économique.

Aux USA, Universal a annoncé une baisse de 20 à 30% du prix des CD... Pensez-vous que cette mesure peut réduire le piratage ou bien faites-vous partie de ceux qui pensent qu'entre le gratuit et le pas cher les gens iront toujours vers le gratuit ?
Je penche en effet pour la dernière analyse. Ceci étant, nous allons vers une tendance baissière du prix en magasin, c'est inéluctable. Il faut juste, petit détail qui a son importance, que nous puissions conserver des marges de réinvestissement.

Que pensez-vous vraiment des FAI français ?
Je pense qu'ils se sont moqués du monde, voilà. Télécoms et FAI sont les seuls qui se rémunèrent sur le dos de ceux qui fabriquent des contenus. Je pense que les choses vont évoluer positivement mais nous sommes déterminés à obtenir un changement d'attitude. A terme, de tout façon, si on veut qu'Internet se développe, il faudra que nous puissions, tous les intervenants, gagner notre vie. Il faut enfin comprendre qu'Internet a besoin d'une chaîne de valeur gagnante pour tous.

Ce seraient donc les FAI qui détiendraient les ficelles de la musique en ligne ??? Ca fait peur !
Mais oui, en tout cas les FAI se sont éperdument moqués des contenus culturels. Ils commencent maintenant à comprendre que l'utilisation de la bande passante en ADSL pour du peer to peer n'est pas une fin en soi.

Les parlementaires français ou européens sont-ils suffisamment sensibles au problème du piratage selon vous ? Quels sont les moyens de les mobiliser ?
Dans l'ensemble, les parlementaires européens ont pris des positions favorables aux titulaires de droits de propriété intellectuelle, notamment lors de la directive sur les droits que va transposer la France d'ici quelques mois. En France, justement, nos parlementaires sont eux aussi plutôt favorables à des mesures qui protègent les contenus. Ceci étant il existe aussi des partisans de l'Internet vu comme un outil d'échange gratuit (car alors supposé démocratique) et comme une avancée technologique. Ces élus là ont alors tendance à s'imaginer, à tort, que les créateurs et les producteurs seraient des empêcheurs de tourner en rond. Enfin, le Parlement européen prépare une directive sur la lutte contre la contrefaçon.

Le marché du disque pourrait-il être contraint de s'orienter vers la production d'objets plus complets ou plus séduisants (ex : packaging, bonus, clips offerts, etc.) afin d'attirer à nouveau le consommateur ?
Certainement et nous avons commencé. De plus en plus de disques ont des digipacks, de nouveaux supports apparaissent comme le SACD, le DVD audio. Et surtout, je crois que désormais, l'attrait pour le consommateur proviendra de l'association du son et de l'image. Nous allons vers des produits multimédia.

Vous utilisez quoi ? Kazaa, Grokster, iTunes, un autre ?
J'utilise la Fnac et les mégastores, et j'attends iTunes. J'adore ma discothèque vieillotte et je téléchargerai quand j'aurai le temps à ma retraite ! Promis !

Seriez-vous disposé à faire participer les artistes, afin qu'ils sensibilisent leur auditoire en matière de piratage ?
La participation des artistes est évidemment souhaitable. C'est à eux de voir comment agir. Je crois que les artistes, certains d'entre eux en tout cas, n'ont pas encore pris conscience des ravages que pourra leur faire l'accès gratuit à leur musique. Au-delà des producteurs, leurs managers sont, j'en suis certain, à même, de les mobiliser.

Franchement, vous trouvez que la production discographique d'aujourd'hui est aussi bonne qu'avant ?
Alors ça, c'est la question, pardon, à laquelle je suis infichu de répondre. En littérature, on n'a plus Sartre, Camus, Gide, Hugo, en cinéma on n'a plus Hitchcock, Carné, Truffaut etc. En musique, on n'a plus ????? En fait je crois que la situation n'est pas mauvaise en termes de création, sinon il n'y aurait pas autant de monde aux concerts. Et depuis des années de nombreux artistes sont apparus, une scène chanson française par exemple, une scène techno, une scène rap, world etc. Non, je crois que le problème vient non pas du contenu du disque (ce qui est chanté) mais du contenant (la rondelle), qui perd son aura.

Que pensez-vous de la concentrations des majors en cours de discussion actuellement ?
Les concentrations par elles-mêmes sont le fruit d'un mouvement général de l'économie qu'on peut évidemment regretter. Mais pour autant, dans la production phonographique, je ne crois pas que concentration = paupérisation de l'offre musicale. Les majors investissent beaucoup sous diverses formes dans la création. Et les concentrations peuvent paradoxalement laisser un espace aux indépendants car 1+1 ne fait jamais deux. Ceci étant, ces concentrations sont contrôlées par Bruxelles et nul doute qu'il ne faut pas aboutir, avec ces phénomènes, à la disparition d'un secteur indépendant dynamique.

Après le fisc, Florent Pagny va-t-il à votre avis faire une chanson sur le P2P ?
Pourquoi pas, si vous lui téléphoniez ? Ou alors proposez lui le texte d'une chanson. Pascal Nègre lui transmettra !

Peut-être la RIAA arrivera-t-elle à faire fermer Kazaa... mais quid des P2P privés et cryptés ? Ppas besoin de logiciels de P2P pour s'échanger des fichiers !
Oui, je sais les difficultés d'agir, il faut rester réaliste. Nous n'avons pas, à ce stade, la certitude d'éradiquer la piraterie. Nous pensons, c'est déjà beaucoup d'efforts, la marginaliser, la rendre plus compliquée, plus risquée, etc. Et ce sera d'autant moins difficile que, parallèlement, nous mettrons en place des sites légaux de qualité.

Que pensez-vous des positions défendues par David Bowie, qui se déclare prêt à renoncer aux droits d'auteurs, la lutte semblant perdu d'avance, et la créativité se nourrissant de cette forme de liberté qu'est le piratage (mix, remix, etc.) ?
Ecoutez, je suis douloureusement compatissant de savoir que David Bowie pourrait se passer de ses droits alors qu'il les a valorisés en Bourse. Je n'ai pas la prétention de résister à l'intelligence de Bowie ni à son talent mais je pense que ce genre de position ne mène nulle part. Qu'il faille laisser libre court à la créativité, oui, mais que l'on ne vienne pas nous dire qu'il n y a pas lieu d'être rémunéré.

 

 
Propos recueillis par [Rédaction, JDNet]


 
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