En japonais, "docomo" signifie
"partout". Un concept que l'opérateur a su mettre
à profit dans sa stratégie d'expansion.
Créée en
1992, NTT DoCoMo est la filiale mobile de l'opérateur
historique japonais NTT. La société, cotée
à Tokyo, à Londres et à New York,
affiche une capitalisation boursière d'environ 115 milliards
de dollars, la première d'Asie. Sur son dernier
exercice, clos fin mars, NTT DoCoMo a publié
un chiffre d'affaires de 41,5 milliards de dollars,
en progression de 3,2 %, pour un résultat net part
du groupe de 1,83 milliard.
Aujourd'hui, DoCoMo compte
au Japon près de 44 millions
de clients sur la téléphonie mobile. Parmi eux, 37,7
millions sont abonnés à l'i-mode, le service
d'Internet mobile mis au point par NTT DoCoMo et lancé
dans l'Archipel en février 1999. Un concept repris
depuis sous licence par trois autres opérateurs
mobiles, les Européens Bouygues Télécom
et KPN Mobile et le Taiwanais KG Telecom. Depuis octobre
2001, l'opérateur japonais s'est également
lancé dans la 3G avec son service Foma. Une offre
dont le lancement commercial a été des
plus laborieux. Retour
sur ces différentes étapes avec Toru Hinata,
le directeur de la communication de NTT DoCoMo, l'un
des rares interlocuteurs autorisés à s'exprimer
sur l'ensemble des activités du groupe.
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JDN. Avec
plus de quatre années de recul, comment expliquez-vous
le succès de l'i-mode au Japon ?
Toru
Hinata. Avant
tout par la simplicité d'usage : l'i-mode
est un outil qui permet de se connecter partout au réseau.
Vous pouvez envoyer et recevoir des e-mails, effectuer
une recherche d'information où vous voulez, quand vous
voulez. L'i-mode ne demande pas de manipulation complexe.
Le terminal est conçu pour être utilisé naturellement,
grâce à une interface simple pour les personnes qui
ne sont pas habituées à l'informatique. C'est
une révolution comparé à l'Internet fixe sur
PC où il faut commencer par allumer l'ordinateur,
se connecter au réseau puis activer un logiciel de messagerie
pour recevoir ses e-mails. Le téléphone
portable permet en plus de mélanger les médias. Si un
numéro de téléphone est affiché sur une page d'un site
i-mode, l'utilisateur peut enchaîner un acte d'appel
sans changer de média. Enfin,
le fait que l'i-mode applique une facturation par paquets,
et non pas à la durée de connexion, diminue le
stress des utilisateurs concernant le niveau de dépense.
Il ne faut pas oublier qu'à
l'époque du lancement de l'i-mode, l'Internet fixe et
les tarifs téléphoniques étaient très chers au Japon.
In
fine, l'i-mode ne se résume-t-il pas pour les
Japonais à un outil de communication par e-mails ?
Les chiffres disent exactement le contraire : aujourd'hui,
85 % du trafic de paquets sur le réseau i-mode
se fait sur la consultation des sites. Seuls 15 %
des paquets sont consommés pour l'échange d'e-mails.
Cette tendance montre que la demande en nouveaux contenus
est très importante sur i-mode. Un utilisateur
consulte en moyenne 9,5 pages par jour, envoie 5,2 e-mails
et en reçoit 4,2. Mais en phase de lancement, il est
normal que les nouveaux abonnés se focalisent
sur l'e-mail : c'est par cette fonction que l'univers
i-mode commence. Puis, petit à petit, les abonnés
commencent à visiter les sites et les services proposés.
Quels
rapports NTT DoCoMo entretient-il avec les fournisseurs
de contenu présents sur i-mode ?
NTT DoCoMo traite les fournisseurs de contenu comme
de véritables partenaires. Avec 3 462 sites officiels
et plus de 64 000 sites particuliers au Japon,
l'i-mode offre une dimension très large. Le site portail
i-mode, baptisé i-menu, répertorie ces sites
par genre. Et nous sommes conscients de la valeur ajoutée
offerte par ces sites et ces services. Pour cette raison,
nous ne demandons aux fournisseurs que 9 % de commission.
Aujourd'hui,
négociez-vous avec d'autres opérateurs étrangers
l'exploitation de la licence i-mode ?
Tout à fait. L'exploitation de l'i-mode à l'étranger
n'est pas terminée...
Comment
jugez-vous le lancement i-mode réalisé
en France par Bouygues Télécom ?
C'est un lancement très réussi et les
stratégies marketing utilisées par Bouygues
Télécom sont très intéressantes.
Nous suivons de près l'expansion de l'i-mode
en France car Bouygues Télécom est le
premier opérateur totalement indépendant
de NTT DoCoMo à se lancer dans l'i-mode. Nous
sommes en effet présents au capital de KPN et
de KG Telecom, les deux autres opérateurs qui
disposent déjà d'une offre i-mode.
Comment
analysez-vous le démarrage de votre offre 3G Foma ?
Avant tout, il faut comprendre qu'il a fallu dix ans
pour installer le réseau 2G au Japon, c'est-à-dire
le PDC, l'équivalent du GSM européen. Avec Foma,
nous en sommes à moins de deux années
d'existence. Il faut donc laisser du temps au temps
et ne pas chercher à comparer l'i-mode et Foma.
L'i-mode est une plate-forme de services qui fonctionne
sur PDC et sur Foma. En revanche, Foma est un nouveau
réseau mobile à part entière avec
toutes les complications technologiques que cela suppose.
Pourquoi
dans ces conditions NTT DoCoMo s'était-il fixé
sur Foma des objectifs initiaux très élevés
avec 150 000 abonnés captés en six mois
et 6 millions prévus pour le printemps 2004 ?
L'attente était
énorme pour le lancement du premier réseau 3G
au monde. A l'époque, on nous avait même dit
qu'il manquait un zéro à nos objectifs !
En fait, nous sommes restés très prudents
car nous savions par expérience que le rythme
d'abonnement à un nouveau réseau mobile n'est
pas rapide.
Aujourd'hui,
seize mois après son lancement, Foma compte un
peu plus de 200 000 abonnés. Quelles sont
les causes de ce décalage par rapport à
vos objectifs initiaux ?
Avant tout, la faiblesse de la couverture du réseau.
Lors du lancement, 22 % de la population japonaise
était couverte. Il est inacceptable d'utiliser un réseau
qui ne permet pas d'appeler partout alors que le réseau
2G fonctionne sur tout l'Archipel. En second lieu, les
performances des premiers terminaux laissaient à
désirer avec seulement cinquante heures d'autonomie,
ce qui est faible comparé à un téléphone PDC. En plus,
le choix dans les terminaux était très
réduit : seuls trois modèles sont sortis
en 2001. Il était évident que pour les abonnés
habitués à une zone de couverture large, à des
terminaux sophistiqués dotés d'une importante
autonomie, revenir en arrière était impossible.
Pour
quelles raisons
NTT DoCoMo a-t-il subventionné à hauteur de 10
milliards de yens (76,7 millions d'euros) chacun des
trois constructeurs des terminaux Foma ?
Normalement, le rapport entre NTT DoCoMo et les constructeurs
de terminaux est comparable aux liens qui unissent un
commerçant et ses grossites. A l'époque du PDC,
les terminaux 2G ne coûtaient pas très chers et ont
été vendus à de quantités supérieures
aux estimations. En revanche, les terminaux Foma nécessitent
le développement de logiciels très pointus pour
des volumes de vente encore très étroits.
Pour accélerer et faciliter le développement des nouveaux
terminaux Foma, et accumuler un savoir-faire dans leur
fabrication, nous avons donc décidé d'aider les constructeurs.
Pourquoi
ne pas avoir repoussé le lancement commercial
de Foma en attendant que ces différents problèmes
ne soient résolues ?
Il était important pour nous d'être l'opérateur
pionnier de la 3G. Le système W-CDMA, sur lequel repose
Foma, demande un savoir-faire technologique très
important afin de fournir un service de qualité. En
octobre 2001, au moment du lancement commercial de Foma,
nous avions atteint la maîtrise de ce savoir-faire.
Dès lors, il était stratégique
de prendre rapidement position sur le marché japonais
afin de jouer un rôle clef dans la standardisation
de cette technologie au plan mondial. Dans ces conditions,
nous ne considérons pas que le lancement de Foma a été
précipité. Nous bénéficions aujourd'hui d'une place
de pionnier alors que tous les réseaux mobiles du monde
se lanceront un jour ou l'autre dans la 3G. La technologie
W-CDMA appartient à NTT DoCoMo et nous pourrons à
ce titre bénéficier de la vente
de licences.
Quel
est l'Arpu (Ndlr : Average revenue per user, Revenu
moyen par abonné) d'un abonné Foma ?
Pour le quatrième trimestre 2002, l'Arpu de Foma était
de 7 750 yens (58,77 euros) par mois. En comparaison,
l'Arpu sur le réseau PDC est de 8 200 yens (62,18 euros)
par mois, dont 1 770 yens (13,42 euros) sont consacrés
à l'i-mode. Sur Foma, nous n'avons pas encore séparé
l'Arpu voix de l'Arpu data car beaucoup d'abonnés 3G
utilisent parallèlement un terminal PDC. En décembre
dernier, 34 % des abonnés Foma étaient
abonnés à notre service Dual Network qui
permet d'avoir un terminal PDC et un Foma sur le même
numéro.
Combien
NTT DoCoMo a-t-il investi pour le lancement de Foma
?
L'investissement initial pour le lancement de Foma a
été de 1 000 milliards de yens (7,7
milliards d'euros) sur trois ans. La plus grande partie
de l'enveloppe est consacrée au déploiement du
réseau d'émetteurs-récepteurs.
Ce montant ne comprend pas l'investissement sur la R&D,
ni les charges de commercialisation des terminaux de
chaque constructeur.
Quels
sont vos rapports avec Hutchison, l'autre opérateur
asiatique qui se lance dans la 3G, notamment en Europe ?
Nous sommes présents au capital d'Hutchison et
nous collaborons donc avec eux pour le déploiement de
la 3G. Ce type de collaboration au niveau local est
très important car la 3G demande beaucoup d'adaptation
pays par pays. Il faut par exemple adapter la technologie
au climat et au cadre réglementaire. Pour ces
raisons, nous préférons travailler avec
des opérateurs locaux en leur apportant nos solutions
technologiques.
Que
pensez-vous de l'hésitation du marché européen face
à la 3G ?
Le marché
du mobile de nouvelle génération se développe
étape par étape. Une fois que le marché
de la transmission de données se sera installé en Europe,
la 3G deviendra une prolongation naturelle face à
la demande croissante sur les capacités de transmission.
Il ne faut pas oublier que les licences pour les réseaux
3G ont été attribuées en Europe. Les opérateurs européens
franchiront donc le pas, c'est juste une question de
temps.
Estimez-vous
que le Wi-Fi est une technologie concurrente de la 3G ?
Non : le Wi-Fi va permettre de constituer un nouveau
marché de la transmission de données centré sur
les ordinateurs portables et sur les PDA. Le Wi-Fi sera
donc complémentaire de la 3G en fonction des
usages et de la demande. Le Wi-Fi ne repose pas sur
un concept de mobilité mais permet dans des lieux
donnés d'offrir une connexion haut débit
pour avoir accès à tous les types de contenus.
A l'inverse, la 3G offre des contenus plus restreints
mais permet à l'abonné d'être mobile
sur une zone de couverture très importante. Pour
ces raisons, nous
travaillons aujourd'hui sur le roaming entre le réseau
3G et le Wi-Fi afin de fournir un service qui relie
les deux technologies.
Le dernier terminal Foma, équipé
d'une fonction camescope
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Comment
NTT DoCoMo imagine-t-il les futurs terminaux mobiles ?
Notre dernier terminal Foma, le P2012V, dispose d'unc
écran rotatif. Il n'est plus un simple éléphone portable,
il s'apparente à une véritable caméra
vidéo. C'est un signe pour l'avenir : les futurs
terminaux auront des formes différentes selon
les usages qu'ils permettent. Certains, par exemple,
ressembleront davantage à des balladeurs et proposeront
des fonctions avancées liées à
la musique. D'autres seront des mini-consoles de jeux.
Estimez-vous
que les tous les succès du marché mobile japonais
sont exportables ?
Je pense que la tendance à miniaturiser les terminaux
mobiles est universelle, même si les Japonais
sont souvent critiqués parce qu'ils ne ne savent fabriquer
que des petits objets ! La demande pour communiquer
à tout moment et n'importe où est également universelle.
Les télécommunications représentent
un besoin global : l'i-mode n'a fait que regrouper
sur une même plate-forme le téléphone,
l'Internet, l'e-mail et - quelque part - le
Minitel, qui sont quatre technologies nées en
Occident. Le succès de l'i-mode en France est
très révélateur de cette dynamique
universelle. Je suis persuadé que
des services i-mode adaptés aux goûts des Français,
et qui n'existent pas au Japon, se développeront tôt
ou tard.
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