"Les sites de sports,
c'est un peu comme la coupe de France de football. Il
y a toujours des petits poucets qui s'illustrent mais
à la fin, c'est en général le gros
club professionnel qui gagne". Cette funeste métaphore
d'un dirigeant d'un média traditionnel français
illustre à elle seule le peu de confiance accordé
désormais à la viabilité des acteurs
de l'information sportive purement internet.
Comme dans d'autres secteurs,
les start-up ont rangé leurs illusions aux vestiaires
et tentent péniblement de survivre. Le site pan-européen
Sportal
en est le dernier exemple en date. Portée au
pinacle l'an dernier et valorisée jusqu'à
2,5 milliards de francs, la société, en
manque de fonds, a décidé de vendre, mercredi,
ses marques sur internet, Sportal.com et Sportal.co.uk,
à un site de paris sportifs, UKBetting.com (Lire
la
montée en puissance des paris sportifs).
La société, qui a aligné les dépenses
somptuaires en marketing et technologie au cours des
deux dernières années pour créer
un portail pan-européen, veut notamment se recentrer
sur la vente de contenu et de prestations aux acteurs
du sport. Sa stratégie vise surtout à
ne plus dépendre de la publicité, sa principale
source de revenus l'an dernier. Une caractéristique
dont Sportal n'a pas l'exclusivité, puisqu'une
enquête récente de Forrester Research,
conduite auprès de 31 sites de sports dans le
monde, révélait qu'en 2000, le modèle
de revenus moyen d'un site était constituée
à 58,8% de publicité (Lire l'article
du JDNet).
Le
marché reste très encombré
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En France, le constat est
quasiment le même. Pour faire face au ralentissement
du marché publicitaire et au tarissement de la
manne financière depuis un an, les sites sont
obligés d'accélérer leur diversification
pour dégager très rapidement des résultats
d'exploitation positifs et s'auto-financer. Le pari
est d'autant plus difficile que le marché reste
très encombré. Malgré le rachat
de 365 France par Sporever
en avril et le possible arrêt des activités
françaises de Sportal, les prétendants
restent nombreux. Ils doivent de surcroît composer
avec des acteurs "historiques" comme Lequipe.fr
ou Eurosport.fr, qui ont les moyens financiers d'investir...
et de patienter tout en profitant d'une plus forte notoriété
spontanée. A l'image de Sportal, les sites mettent
donc quasiment tous le cap vers la vente de contenu,
glissant ainsi d'un rôle de diffuseur à
celui de producteur.
Le virage avait été
partiellement entamé l'an dernier, puisque selon
l'enquête de Forrester Research, ce type de revenus
a représenté 25 % du chiffre d'affaires
des sites dans le monde en 2000. En France, Sport24.com
s'appuie depuis un an sur Sportedit, un outil de syndication
de contenu qui lui a notamment permis de décrocher
des contrats avec la Ligue nationale de football (LNF)
ou la Fédération française de basket-ball
(FFBB). La société alimente également
intégralement la chaîne
sport de Wanadoo, un contrat auparavant détenu
par Sports.com.
L'accord avec Wanadoo devrait se traduire dans les comptes
dès cette année, selon Frédéric
Sitterlé, le président de Sport24.com.
"Nos revenus publicitaires devraient représenter
moins de 30 % du total du chiffre d'affaires cette
année, affirme ce dernier, contre plus de 50 %
l'an dernier." L'écho
est le même du côté de Sporever.
Même l'an dernier, "la publicité n'a
jamais représenté plus de 12 % du
chiffre d'affaires dans nos prévisions, selon
Patrick Chêne, le président de la
société. Nous nous sommes toujours placés
dans l'optique d'une société de production",
affirme l'ancien directeur des sports de France Télévision.
Sur Internet, le marché,
notamment celui des clubs et des institutions, reste
gourmand en contenu et en prestations de services. Avec
les nouvelles technologies, ces entités, qui
n'ont jamais eu auparavant de canal de diffusion, voient
désormais une large fenêtre s'ouvrir devant
eux. Les sites de l'Olympique
de Marseille et du PSG
font par exemple déjà partie des dix meilleures
audiences du secteur sportif. Au niveau événementiel,
le site de Roland-Garros ou celui du Tour de France
ont également battu des records en terme d'audience
en 2001, supplantant même souvent les sites sportifs
eux-mêmes. En leur vendant du contenu ou des prestations,
les sites sportifs font d'une pierre deux coups. Ils
engrangent des revenus supplémentaires et maîtrisent
en même temps cette nouvelle concurrence. Yahoo.com,
qui n'est pas vraiment un acteur du sport, l'a bien
compris en participant, avec succès, à
l'appel d'offres de la FIFA pour gérer les sites
de la coupe du monde de football 2002-2006.
Des
contrats vendus à prix coûtant
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Si la demande existe, elle
ne constitue pas pour autant le remède miracle.
Laurent Tapie, le président de Free-goal,
avoue volontiers son scepticisme sur le sujet. "La
vente de contenu est un peu la même mode que la
publicité l'an dernier. Par ailleurs, sur Internet,
si les sociétés veulent acheter du contenu,
c'est pour avoir de l'audience et donc de la publicité.Or,
vu l'état actuel du marché publicitaire,
je ne crois pas que beaucoup soient prêtes à
mettre de l'argent sur la table pour du contenu. Et
quand elles le font, il faut tellement casser les prix
pour les séduire que les marges sont faibles."
Certains contrats dans
le secteur se seraient ainsi quasiment vendus à
prix coûtant lors des derniers mois, histoire
de gonfler les chiffres d'affaires. Pour s'ouvrir d'autres
horizons, les sites sont donc obligés de lorgner
au-delà d'Internet. Sporever travaille ainsi
avec Pathé Sports TV sur des contenus télévisuels,
tandis que Sports.com prépare une offre audio
à destination des radios locales.
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