Pierre Soria (MetaPack) "Les marchands ont intérêt à adopter une stratégie de spécialisation de leurs transporteurs"
Pour une commande donnée, MetaPack sait dire dynamiquement quelles solutions de livraison sont disponibles, à quelles conditions, et quel transporteur sera le plus approprié, explique son VP Europe du Sud.
JDN. MetaPack a lancé début 2015 en France sa solution de livraison multi-transporteurs. Qui est cette société ?

Pierre Soria. MetaPack a été fondée au Royaume-Uni en 1999 par un ancien consultant de McKinsey, Patrick Wall, qui avait développé des outils permettant aux retailers de gérer plusieurs transporteurs simultanément. Il a mis dans le cloud cette gamme de produits, que commercialise maintenant MetaPack. Notre solution intègre 4000 services de transport de 400 transporteurs en Europe. Sur notre exercice clôturé fin mars 2015, nous avons traité l'expédition de 400 millions de colis dans le monde et enregistré un chiffre d'affaires de 40 millions de livres sterling, ce qui fait de nous de loin le premier acteur de ce marché.
Comment se répartit votre activité dans le monde ?
Très présents sur notre marché domestique, nous comptons parmi nos clients 80 des 100 plus gros distributeurs britanniques. Mais nous avons aussi racheté notre homologue allemand XLogics, pour sa part très bien implanté en Allemagne et en Europe de l'Est, ainsi que l'Américain Abol, surtout spécialisé dans l'expédition d'articles de sport vers l'Europe. Par ailleurs nous avons ouvert un bureau à Amsterdam pour couvrir le Benelux et l'Europe du Nord, un bureau à Paris et un à Barcelone pour l'Europe du Sud, et un à Hong Kong pour les flux Asie vers Europe, les flux intra-Asie et les flux domestiques chinois. Au total nous sommes 400 collaborateurs.
Qu'apporte votre solution ?
La première étape clé, dans la livraison e-commerce, consiste à apporter la bonne promesse de livraison. Nous avons codé toutes les informations de routing et les grilles de tarif des transporteurs. Nous savons lesquels sont éligibles pour telle commande, avec quels tarifs et quel service. MetaPack sait donc vous dire dynamiquement quand vous pouvez être livré et à quel prix, en fonction de multiples données : le type de produit, l'encombrement, la localisation du stock, l'adresse de livraison, le mode de livraison choisi… C'est primordial, car dans 70% des cas, les consommateurs qui ne trouvent pas le mode de livraison voulu changent de site marchand. Ces informations sont envoyées par notre API au marchand pour s'afficher quelle que soit sa solution de front-end.
"Le marchand met à jour en temps réel les règles d'allocation"
Pour une livraison donnée, vous savez aussi déterminer quel est le meilleur transporteur…
Notre moteur d'allocation permet de faire un choix intelligent en fonction de paramètres établis par le retailer. Par exemple, s'il travaille avec trois transporteurs, peut-être que l'un est meilleur sur le nord de Paris, le deuxième sur les canapés et le troisième sur le vin. Cela aussi peut être pris en compte. Et même lorsque le marchand ne commercialise qu'un seul type de produits, mieux vaut qu'il ait plusieurs transporteurs pour absorber les pics d'activité ou passer de l'un à l'autre en cas de problème. Nous générons ensuite les étiquettes, communiquons électroniquement avec le transporteur choisi et lui transmettons le manifeste.
Jusqu'à quel niveau de paramétrage peuvent aller les retailers ?
Ils peuvent mettre ces informations à jour en temps réel et disposent pour cela d'un écran dédié, très simple, dans leur entrepôt. Imaginons qu'un transporteur appelle pour dire que plusieurs de ses camions sont immobilisés par la neige. Le marchand peut renseigner l'information pour basculer sur un autre, ou encore indiquer que le transporteur lui consent un tarif à moitié prix. Il peut aussi mettre un transporteur en quarantaine, par exemple si trois acheteurs d'affilée téléphonent pour se plaindre. Les marchands utilisent beaucoup ces possibilités. Sur le mois de décembre, critique pour eux, certains effectuent jusqu'à 50 changements de paramétrage des règles d'allocation.
Utilisez-vous les informations renseignées par un marchand pour améliorer aussi le paramétrage de vos autres clients, en profitant de cette intelligence collective ?
Non. Toutes les informations de chaque marchand et transporteur sont confidentielles et ne sont pas réutilisées pour d'autres marchands. D'autre part nous ne sommes pas un broker de transport, uniquement un éditeur de logiciel. Il appartient toujours au retailer de signer un contrat avec ses transporteurs.
Est-ce une bonne idée de ne plus donner au consommateur la possibilité de choisir le transporteur ?
Mieux que ça : c'est la meilleure pratique possible pour les marchands. Le mieux est de ne donner à l'acheteur que le choix de la rapidité ou du créneau de livraison. Qu'en a-t-il à faire du transporteur ? Du moment qu'il peut suivre le parcours de sa commande et que la promesse de délai est respectée, cela ne l'intéresse pas. Et comme cela, il n'a pas la crainte de voir le retailer se défausser sur le transporteur comme souvent.
"MetaPack a normalisé les états de livraison des 4000 services"
Comment se fait le suivi du colis ?
Pour le suivi en push par email et SMS, nous générons le message que le retailer envoie. Pour le pull, nous avons développé un portail de track&trace. Aujourd'hui, quand le marchand utilise plusieurs transporteurs, il renvoie l'acheteur vers leurs portails respectifs, qui ne sont jamais pareils. Et quand le call center d'Alibaba vous dit que si, votre colis est bien "loaded at dock", cela vous fait une belle jambe.
MetaPack a donc normalisé la totalité des états de livraison des 4000 services que nous traitons, pour les regrouper en 60 états, parmi lesquels le marchand choisit les 4 ou 5 qu'il communiquera à l'acheteur. Ensuite, nous pouvons injecter ces informations dans le portail du retailer grâce à notre API, ou lui fournir en marque blanche notre portail, qui sera mis aux couleurs de son site. Dans les deux cas, pour le consommateur, le suivi du colis se fera sur le site du marchand, ce qui est un gros progrès.
Les retours produits sont souvent une épine dans le pied de l'acheteur comme du marchand. Facilitez-vous cette étape ?
Aujourd'hui, ce que les marchands savent faire de mieux, c'est mettre une étiquette de retour dans le colis et demander à l'acheteur d'y laisser ce qu'il ne veut pas et d'aller à la Poste le renvoyer. Sauf que les retours explosent. C'est d'ailleurs bon signe, puisque 73% des cyberacheteurs déclarent qu'ils achèteraient davantage si la gestion des retours était plus simple. Donc un taux de retour bas est sans doute le signe d'opportunités de vente manquées auprès de visiteurs qui n'ont pas commandé.
Pour améliorer l'expérience client du retour produit, il faut offrir aussi le choix du mode de retour, par exemple en proposant des points de retrait. De plus, si un marchand reçoit 50 000 colis retournés par jour, il n'a souvent aucune idée de ce qu'ils contiennent, surtout dans le cas de commandes multiples. Or il est important de remettre les articles très vite dans le circuit car ils deviennent rapidement obsolètes, en particulier dans la mode. Nous avons donc développé un portail de gestion des retours qui permet de les anticiper.
"MetaPack apporte encore plus de valeur sur les expéditions transfrontalières"
Comment fonctionne ce portail de gestion des retours ?
L'acheteur s'y connecte avec son numéro de commande. Il visualise tout ce qu'elle contient, sélectionne l'article à retourner et, éventuellement, indique une raison. Imaginons qu'un bouton manque sur un jean. Le marchand aura peut-être intérêt à déclencher une inspection de son stock pour ne pas risquer d'expédier des jeans sans bouton qui lui seront également retournés. Puis l'acheteur choisir son mode de retour : la Poste, un point de retrait, un coursier sur rendez-vous… Autant d'options qui permettent d'améliorer l'expérience client et sur lesquelles le marchand peut aussi prendre une marge. Le retailer peut en outre demander au client de prendre une photo d'un produit arrivé cassé, typiquement des verres, pour lui éviter de les réexpédier inutilement, par exemple si l'acheteur est identifié comme un bon client et whitelisté.
Avez-vous quantifié ce que gagne un marchand en adoptant une stratégie de spécialisation des transporteurs ?
S'il n'emploie qu'un ou deux transporteur par marché et passe à une stratégie où il en utilise plusieurs pour chaque case de sa matrice type de produit / territoire, il abaissera généralement ses coûts de transport de 8% à 12%. Et s'il travaille déjà avec quatre ou cinq transporteurs, certes il a pu coder en dur des règles du type "un canapé à Bordeaux -> transporteur 1", mais il a beaucoup à gagner d'un moteur d'allocation dynamique, qui de plus lui permettra de gérer jusqu'à 400 transporteurs et pourra beaucoup l'aider à l'international.
Enfin, notre solution génère des rapports qui permettent aux marchands de comparer les statistiques par transporteur, par région ou encore par type de produit, pour qu'ils puissent piloter au mieux leur business, qu'il s'agisse du paramétrage de MetaPack ou de leurs relations avec les transporteurs.
Si le marchand ne peut plus jouer sur l'effet de volume ou l'exclusivité de son contrat avec un transporteur, comment peut-il gagner quand même sur les prix ?
Si on ne confie à un transporteur que des commandes qu'il sait livrer sans problème, sans casse, aux dimensions qu'il préfère et dans la région qui l'arrange, autrement dit lorsqu'on se situe au sommet de son efficacité, le prix baisse. Cela fait plus que compenser les effets de volume.
D'autres indicateurs permettent-ils de quantifier les bénéfices qu'on peut attendre de votre solution ?
Notre portail de track&trace permet de réaliser jusqu'à 80% d'économies sur les coûts du call center correspondant aux appels des gens qui demandent où est leur commande. 60% n'appellent plus le call center et trouvent la réponse directement sur le portail. Quant aux 40% qui téléphonent toujours, le call-center consulte le portail et leur répond deux fois plus vite.
"Nous intégrons les nouveaux services en fonction des volumes prévus"
Mais la solution permet de multiples autres gains. L'automatisation de l'allocation fait gagner du temps par rapport à un choix "à la main" entre plusieurs transporteurs. Les erreurs d'étiquetages sont aussi évitées car MetaPack se maintient à jour des fréquentes évolutions côté transporteurs. Le marchand peut aussi facilement proposer de différer la livraison à une date qui arrange l'acheteur, ce qui évite beaucoup d'échecs de livraison. Il est également bien plus rapide d'intégrer un nouveau transporteur. Enfin, comme parmi les 57% de gens généralement mécontents de la livraison, 67% disent qu'ils ne rachèteront plus sur le site, notre solution évite nombre de cas de ce genre.
Et à l'international ?
En France, le marché du transport de colis est très concentré au sein du groupe La Poste. Sur les 400 transporteurs que notre solution intègre, une trentaine seulement livre depuis l'Hexagone, chacun proposant une dizaine de services en moyenne. Nous apportons donc encore plus de valeur sur les expéditions transfrontalières, notamment vers le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Europe du Nord où le marché est bien plus éclaté.
Nous savons générer les documents d'export pour que le colis passe les douanes et nous pouvons gérer l'injection directe, lorsque le marchand fait partir toute une palette vers un pays et ne la dispatche que sur place afin de finir le parcours par des expéditions domestiques : nous générons des multiétiquettes qui évitent d'avoir à ré-étiqueter les commandes. Mais nous n'accompagnons pas les marchands sur les problématiques juridiques et de douane, c'est à eux de s'en charger.
Par ailleurs, nous avons une excellente connaissance des différents pays. Ainsi, alors que 72% des cyberacheteurs français se sont fait livrer en point relais dans les 12 derniers mois, cette proportion tombe à 25% au Royaume-Uni. Et si 9% seulement des acheteurs en ligne français ont utilisé une consigne automatique, les Allemands sont eux 50% et les Polonais 60%. Nous savons aussi ce que les consommateurs de chaque pays sont prêts à payer et connaissons leur niveau d'exigence. Par exemple, les Français veulent à 56% du pas cher, beaucoup plus que de la flexibilité horaire, quand les Allemands sont plus exigeants que les autres sur la rapidité. Tout ceci signifie aussi qu'il faut disposer d'un mix de services pour s'adapter en continu aux nouvelles options de livraison et proposer des solutions adaptées à chaque pays adressé.
De nombreux modes de livraison voient en effet le jour actuellement. Comment décidez-vous lesquels intégrer ?
Dans l'absolu, plus il existe d'offres de service, plus notre "prise multiple" a d'intérêt. Et comme nous facturons au colis livré, il est toujours dans notre intérêt de rajouter un mode de livraison. Parfois, c'est le retailer qui nous le demande. Parfois, c'est le transporteur qui le propose. Comme être sur MetaPack constitue un argumentaire de vente fort, il l'accompagne souvent d'une offre d'essai. Ensuite, le niveau de priorité pour intégrer de nouveaux services de livraison dépend du nombre de demandes et du nombre de colis prévus.
"En France nous annoncerons quatre ou cinq gros marchands début 2016"
En France, le dernier que nous avons intégré est Chronopost Outremer, qui sera disponible en janvier. Mais nous ajoutons aussi des start-up de livraison écologique et regardons de près les solutions de livraison dans le coffre de voiture, les expérimentations d'Uber avec UberRush, et même les drones, bien qu'ils fassent encore sourire.
Combien comptez-vous de clients dans le monde et en France ?
Dans le monde, plus de 500 clients e-commerce. En France, nous ne pouvons pas encore vous dire avec qui nous avons signé, mais nous annoncerons quatre ou cinq gros marchands au début de l'année.
A quoi ressemble votre paysage concurrentiel ?
En France, TDI Expedito et Teliae font entre 1 et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires. A l'étranger, on peut citer Santiro en Suède et Temando en Australie, racheté par Neopost. Mais aucun ne propose comme nous d'outils sur toute la chaîne de valeur, intégrés dans une solution unique.
Or la livraison, qui comme le paiement était jusqu'ici considéré comme un mal nécessaire, est en train de devenir un outil marketing. D'où l'importance pour les marchands de pouvoir dire qu'ils livrent mieux que les autres, grâce au choix et à la flexibilité que nous leur apportons. D'autant qu'outre le ship-to-consumer depuis l'entrepôt, nous savons aussi gérer le ship-from-store, le click&collect, le multileg – le t-shirt commandé est déjà en magasin, nous y faisons livrer le jean –, le dropshipping, ainsi que l'utilisation de la flotte du réseau de magasin pour livrer les commandes click&collect en magasin et gérer les réassorts BtoB entre entrepôt et magasins. Bref, c'est MetaPack qui offre le plus grand nombre de transporteurs mais aussi la plus grande largeur de spectre applicative.
Pierre Soria est vice-président Europe du Sud de MetaPack. Diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure de Physique de Strasbourg, il débute sa carrière chez Computer Associates en 1986, puis en 1989 rejoint Oracle où il exerce des fonctions de management commercial. En 1996 il devient directeur des ventes d'EDS, en 1999 VP Europe du Sud et Benelux d'Acta Technology et en 2003 DG France de Microstrategy. En 2004 il est nommé VP et DG France de Salesforce. En 2010 il prend la fonction de VP Europe du Sud de SuccessFactors (groupe SAP). En janvier 2015, il rejoint MetaPack pour mettre en œuvre le plan de croissance de MetaPack en Europe du Sud.