L'Autorité de la Concurrence vent debout contre les restrictions à l'e-commerce de médicaments

L'Autorité de la Concurrence vent debout contre les restrictions à l'e-commerce de médicaments L'autorité vient de rendre un avis largement défavorable aux restrictions à la vente en ligne de médicaments prévues par un projet d'arrêté du Ministère de la Santé.

Saisie par le gouvernement, l'Autorité de la Concurrence vient de rejeter largement les restrictions que les syndicats de pharmaciens souhaitaient imposer à la vente en ligne de médicaments non soumis à prescription. L'autorité rend en effet public aujourd'hui un avis qu'elle avait remis au gouvernement le 10 avril concernant un projet d'arrêté du Ministre des Affaires sociales et de la Santé, qui porte sur les bonnes pratiques de vente de médicaments sur Internet et rejoint les intérêts des lobbies de pharmaciens (lire l'article Le gouvernement veut des médicaments vendus plus chers sur Internet, du 26/02/2013).

"Dans l'ensemble, l'Autorité rend un avis défavorable sur le projet d'arrêté, dans la mesure où il contient un ensemble important d'interdictions et de restrictions - et notamment des dispositions particulièrement restrictives de concurrence -, non justifiées par des considérations de santé publique, qui visent à limiter le développement de la vente en ligne de médicaments par les pharmaciens français, voire même à dissuader ces derniers d'utiliser ce canal de vente. En outre, certaines de ces mesures rendent la vente en ligne particulièrement peu attractive pour le patient."

L'Autorité de la Concurrence rejette un certain nombre de mesures prévues par le projet d'arrêté. Selon elle :

 Conformément au droit européen, la vente en ligne ne doit pas concerner uniquement les médicaments disponibles en accès direct dans les pharmacies, mais tous les médicaments non soumis à prescription médicale, comme l'aspirine ou les antitussifs. C'est également ce qu'impose la législation européenne.

 Il doit être autorisé de commercialiser sur le même site marchand à la fois des médicaments non soumis à prescription et des produits de parapharmacie, sous peine sinon de rendre les sites français moins attractifs que leurs homologues européens actifs en France.

 On ne doit pas imposer un alignement des prix en ligne sur les prix pratiqués en officine. Chaque opérateur doit rester libre de déterminer sa stratégie commerciale et de toutes façons, le prix de la plupart des médicaments non soumis à prescription n'est pas régulé. En outre, couplé à cet alignement des prix, la facturation obligatoire des frais de livraison que prévoit le projet d'arrêté signifierait des prix totaux plus élevés en ligne, alors qu'Internet devrait être "un vecteur de la concurrence par le prix, qui doit bénéficier au pouvoir d'achat du consommateur ou du patient, tout en permettant aux pharmaciens de développer leurs ventes".

 Les pharmaciens doivent avoir le droit de mettre en place des locaux spécifiques pour traiter les commandes en ligne, plutôt que de stocker au même endroit les médicaments vendus sur Internet et en officine, mesure prévue dans le projet d'arrêté qui semble à l'autorité "un obstacle artificiel de nature à limiter le développement de la vente en ligne". Elle considère par ailleurs que le questionnaire de santé que le patient devra remplir en s'enregistrant sur un site de vente de médicaments n'a pas à être renseigné à chaque commande, car cela serait trop fastidieux et dissuasif.

 L'Autorité de la Concurrence conclut enfin que cette accumulation de dispositions restrictives pour la vente en ligne de médicaments conduirait à "brider toute initiative commerciale en termes de prix, de gammes de produits et de services nouveaux et de priver le patient-consommateur des avantages liés à la dématérialisation des ventes". Ce faisant, les sites français seraient marginalisés au profit de de sites européens opérant en France, qui ne sont pas tenus de respecter les bonnes pratiques établies par le Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Sans oublier que la France risquerait de se placer en situation de manquement à ses obligations face à la législation européenne.