Christophe Pied (Carré de Boeuf) "Nous voulons devenir une marque de viande"

L'e-commerçant séduit autant de clients à Paris qu'en province. Son fondateur explique son fonctionnement et sa stratégie, sur le marché très particulier de la viande.

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Christophe Pied, cofondateur et président de Carré de Boeuf © S. de P. Carré de Boeuf

JDN. CarréDeBœuf.com a ouvert ses portes en 2009. Quel est votre niveau d'activité ?

Christophe Pied. Nous avons enregistré un chiffre d'affaires de 2,5 millions d'euros en 2013, en croissance de 50%. Et sans nos investissements en acquisition clients, notre activité serait rentable. Environ 40 000 clients ont déjà goûté du Carré de Bœuf, donc à peu près un ménage sur mille. Nous ne sommes donc pas encore très connus. Mais nous bénéficions d'une belle fidélité de nos acheteurs. Le panier moyen s'élève à 100 euros TTC pour une fréquence d'un achat par mois. Notre clientèle est constituée presque entièrement de particuliers. Les professionnels demandent des remises conséquentes, paient trois mois après... c'est un autre métier.

Vos clients sont-ils très citadins ?

Nos livraisons se répartissent à 50% à Paris et à 50% en province. A Paris, le niveau de service est plus élevé car nous livrons le soir-même, sur les créneaux 18h-20h et 20h-22h, très utilisés. Cela explique que nous y réalisions la moitié de nos ventes. Mais 50% en province est finalement un niveau très élevé aussi. Nous l'attribuons au fait que nous donnons à ces consommateurs accès à des produits qui ne sont pas bons en supermarché. Ils sont donc ravis de pouvoir à nouveau acheter de la viande de bonne qualité.

Qu'est-ce qui fait la particularité de votre offre ?

Carré de Bœuf se différencie en proposant des produits différents selon les saisons. Agneaux de Pâques, brochettes pour l'époque des barbecues, gibier et foie gras en fin d'année... Nous proposons aussi des viandes d'exception comme le Black Angus, le bœuf argentin ou le Wagyu. Comme nous avons une activité bien plus importante qu'une boucherie traditionnelle, nous pouvons aussi proposer une offre bien plus large.

Nous disposons en outre d'un atelier de découpe assez haut-de-gamme, à Chartres, qui emploie 40 personnes. C'est être aux commandes qui nous permet d'assurer la qualité de nos produits. Or dans la viande elle absolument primordiale, car elle se goûte tout de suite ! Toutes les commandes sont transmises à cet atelier et tout part de là-bas. Une navette part vers Paris entre midi et 14h et le reste est confié à UPS pour être livré à J+1.

Nos colis sont réfrigérés et les viandes emballées sous vide. Les consommateurs n'y sont pas encore habitués, mais c'est bien mieux pour la viande. Elle se garde 10 jours au réfrigérateur et il est possible de la congeler. Et nos clients apprécient : ils congèlent la moitié de ce qu'ils achètent !

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La boîte réfrigérée de Carré de Boeuf © S. de P. Carré de Boeuf

Combien vous coûte la logistique ?

Nous offrons la livraison dès 50 euros. En deçà, nous la facturons 15 euros, sinon nous ne nous y retrouvons pas. C'est le coût de la boîte réfrigérée et de la livraison. Nous serions plus tranquilles en remontant ce seuil à 80 euros, mais cela permet aux nouveaux clients de tester Carré de Bœuf avec une petite commande. Finalement nous nous y retrouvons car ils nous restent fidèles et accroissent leur panier par la suite.

Qui sont vos concurrents ?

Tout d'abord le marché physique de la viande, qui en France pèse 40 milliards d'euros par an. Les supermarchés trustent les deux tiers des ventes de viande et les boucheries traditionnelles un gros quart. Le reste du marché est occupé par Ooshop, Houra et les autres cybermarchés. A ce propos, nous vendons aussi sur Houra, qui complète ainsi son offre grâce à la nôtre.

La viande est un poste de dépenses très important, puisqu'il représente 30% des achats alimentaires. Mieux : la valeur augmente et le volume décroît, ce qui signifie que les consommateurs achètent moins mais mieux. Cela nous convient bien !

Quel est votre principal chantier actuellement ?

Travailler notre notoriété. Quand les consommateurs découvrent notre service, cela se passe très bien et le bouche-à-oreille travaille pour nous. Nous avons donc déployé une activité sociale pour encourager ce phénomène. Un client sur trois répond à notre sondage post-achat, ce qui nous a permis de publier 12 000 avis clients à ce jour.

"Nous voulons faire de Carré de Bœuf une marque de viande"

Nous employons aussi toute la panoplie du marketing online : adwords, affiliation, opérations webmarketing... Ce que nous avons complété en 2013 par une opération autour d'un spot vidéo décalé sur le thème de la maternité. Une campagne TV au printemps dernier, le sponsoring de l'émission "Petits plats en équilibre" autour du JT de 13h de TF1... Ceci pour toucher la part provinciale de notre clientèle qui rentre chez elle pour le déjeuner.

Souffrez-vous des inquiétudes des consommateurs concernant l'origine de la viande ?

Les freins à la consommation de viande relèvent d'abord de sa provenance, que nous certifions donc précisément. Les consommateurs appréhendent également la façon dont la viande sera livrée, d'où l'importance de notre boîte réfrigérée. En plus de cela, ils peuvent maintenant faire confiance aux clients qui ont déjà acheté chez nous et partagé leur expérience.

Sur cette question de la confiance, la viande est un domaine à part pour une autre raison encore. Tout l'alimentaire est balisé par des marques. Le chocolat, le café, les produits d'hygiène... Vous trouverez toujours 15 marques, dont des marques de distributeurs. La viande a ceci de particulier qu'à part Charal voire Bigard, il n'y a pas de marque. La vraie marque serait plutôt le boucher. Nous travaillons à faire de Carré de Bœuf une marque de viande. Nous voulons que nos clients disent : "Je mange du Carré de Bœuf parce que c'est bon". Et pourquoi pas, un jour, vendre nos produits originaux dans la distribution sélective.

Christophe Pied est le cofondateur et président de Carré de Bœuf. Diplômé de Supélec, il débute sa carrière en 1989 en tant que consultant chez Braxton Associates pour entrer chez Darty en 1995 au poste de directeur du SAV multimédia. En mars 1999, il rejoint Computacenter pour diriger les opérations de service.  Fin 2001, il prend la direction des services et d'Internet chez Conforama, où il refond et développe le site marchand du distributeur. En juin 2009, il cofonde avec Laurent Delaunay la société LC Corner, qui édite Carré de Bœuf.