Emmanuel Imbert (Vente-privee.com) "Vente Privée vendra pour 30 millions d'euros de vin en 2012"

L'e-marchand, qui écoule environ 20 000 bouteilles par vente, entend élargir son catalogue à des vins plus accessibles et espère trouver la clé du marché allemand.

JDN. A combien s'élève l'activité de vente de vin de Vente-privee.com ?

Emmanuel Imbert. Vente Privée a vendu pour 20 millions d'euros de vin en 2011, soit 2 millions de bouteilles à peu près, et table sur 30 millions d'euros en 2012, soit 3 millions de bouteilles. A ma connaissance, il s'agit d'un chiffre d'affaires relativement comparable à celui de Cdiscount, qui écoule un volume de bouteilles plus important mais vend moins cher.

L'une de nos ambitions pour les mois qui viennent est d'élargir notre catalogue à des maisons dont les produits sont plus accessibles que le vin haut de gamme que nous commercialisons actuellement, afin de couvrir l'ensemble du marché. En 2011, nous avons travaillé avec 70 fournisseurs et réalisé 95 ventes environ. Nous allons accroître le nombre de nos fournisseurs, sur le segment du haut de gamme comme sur les vins plus accessibles.

Quels sont vos autres axes de développement ?

D'abord, notre offre est un peu déficitaire sur le Bordeaux, alors qu'en France, cette région représente 6 bouteilles vendues sur 10. Nous allons donc en proposer davantage. Nous allons également accélérer sur le champagne et sur les spiritueux, deux segments dont la stratégie de marque s'intègre parfaitement à l'activité de Vente Privée. Nous allons aussi essayer le créneau de la bière, mais en sachant bien que du fait des prix très bas au regard des frais de port, le marché est plus compliqué que celui du vin. Nous l'attaquerons sans doute par les marques premium.

Par ailleurs, nous allons continuer à profiter de notre nouveau concept One Day. Cette offre, par laquelle nous mettons en avant un produit différent chaque jour, est particulièrement vertueuse avec le vin. Il est possible de monter jusqu'à 15 000 bouteilles sur une journée.

Troisièmement, nous allons axer notre stratégie de développement sur l'export. Nous avons récemment commencé à vendre du vin en Allemagne, en Italie et en Espagne, nous allons passer la seconde. En Allemagne en particulier, il y a beaucoup de choses à faire. C'est un gros marché, mais il est très différent du marché français. En effet, les Allemands ont une culture du vin à bas prix. L'enseigne de hard-discount Aldi représente à elle seule 60% du marché allemand du vin. En outre, les Allemands boivent beaucoup de vin italien. Mais nous pensons que grâce à Vente Privée, le vin français pourra s'y vendre mieux que jusqu'à présent.

Qu'est-ce qu'une vente de vin a de particulier, sur Vente Privée ?

En moyenne, nous vendons 20 000 bouteilles par vente, ce chiffre montant parfois jusqu'à 70 000. L'achat de vin est toutefois plus réfléchi que les achats d'articles de mode. En outre, les clients ont tendance à s'appeler entre eux pour commander à plusieurs. In fine, le stock n'est pas épuisé en quelques heures comme pour les ventes de mode, mais se répartit bien sur les 5 ou 6 jours que dure la vente.

Cela constitue d'ailleurs une différence considérable avec les autres produits que commercialise Vente Privée, puisque les ventes de vin ne sont pas du déstockage. Nous sommes donc moins limités sur les stocks que nous pouvons proposer, puisque les fournisseurs peuvent nous consacrer des stocks plus importants.

Les clients de Vente Privée qui achètent du vin sont-ils toujours les mêmes ?

En 2011, plus de 2 millions de personnes ont visité des ventes de vin sur Vente-privee.com. Leur profil est un peu différent de celui des visiteurs du reste du site. La part des hommes, habituellement à 30%, monte sur le vin à 50%. Ce qui reste très déconnecté d'un marché du vin très masculin. Nous prenons donc en compte cette spécificité d'une clientèle plus féminine qu'ailleurs, en incorporant par exemple à notre offre davantage de vins blancs et de champagnes rosés. Et plus largement, nous réfléchissons à la meilleure façon de fidéliser nos clients sur le vin.

Comment sélectionnez-vous vos fournisseurs ?

Trois dégustateurs extérieurs choisissent et cautionnent les vins que nous vendons, dont Alain Ronzatti, le sommelier du chef étoilé Michel Rostang. Je conserve aussi un important carnet d'adresse de l'époque où j'étais l'acheteur vin et champagne d'Intermarché puis du groupe Flo. Enfin, le secteur fonctionne beaucoup par cooptation et il est fréquent qu'une maison de vin avec laquelle nous travaillons nous indique une autre maison intéressante.

Il est très difficile pour un vigneron de se faire connaître, aussi bien online que offline. Avec nous, il bénéficie d'une vraie mise en avant. En outre, Internet est souvent nouveau pour les maisons de vin, dont la distribution se limite souvent aux cavistes et à la grande distribution. Tandis que sur Vente Privée, ils se retrouvent au milieu de marques fortes dans un univers haut de gamme. Dans le vin, il y a très peu de marques : les consommateurs connaissent surtout les appellations. Nous faisons exister ces vignerons comme aucun autre distributeur ne le fait.

A combien s'élève le marché français de la vente en ligne de vin ?

En 2010 il valait environ 120 millions d'euros, en 2011 environ 250 millions. Cette année, la pénétration d'Internet devrait atteindre 6 ou 7% du marché du vin en France, qui s'élève à 8 milliards d'euros. Beaucoup de nouveaux sites se créent mais bon nombre d'entre eux ne font que des petits volumes. Il y a donc beaucoup de parts à prendre.

Les sites spécialistes du vin comme Vinatis, Château Online ou Wine and Co font très bien leur métier, qui est très différent du nôtre. Nous sommes complémentaires. Quant aux sites de ventes événementielles de vin, Ventealapropriete, 1jour1vin ou encore Cave Privée, ils font très bien leur métier aussi mais resteront des spécialistes, de taille modeste, tandis que Vente-Privée relève davantage du mass-market, même si nous vendons des produits haut de gamme. La vraie question maintenant est de savoir si la grande distribution va se mettre à - vraiment - vendre du vin en ligne.

Emmanuel Imbert, diplômé de l'Université d'Aix-Marseille et titulaire d'un mastère en commerce international des vins et spiritueux de l'ESC Dijon, débute sa carrière en 2007 au sein d'Intermarché, où il occupe la fonction d'acheteur vins et effervescents. En 2009 il rejoint le groupe Flo - Eurodisney au poste d'acheteur vins, champagnes et alcools. Depuis 2011, il est l'acheteur vin et champagne de Vente-privee.com.