Denis Duval (3 Suisses) "L'organisation des 3 Suisses doit être adaptée"

Collections plus fréquentes, ouverture de nouvelles boutiques, multiplication des échanges avec les clients, amélioration de la visibilité... Le vépéciste en difficulté réoriente sa stratégie vers le Web. Voici ses axes de développement pour 2009.

 

JDN. Comment se sont passés Noël et les soldes d'hiver pour les 3 Suisses ?

Denis Duval. Le dernier trimestre 2008 étant très marqué par la crise, nous avions beaucoup de stocks. Nous n'avons pas proposé des niveaux de réductions plus importants que lors des soldes précédentes, mais nous avons soldé davantage de produits. Au final, les gens ont acheté pendant toute la période des soldes. Nous sommes donc très satisfaits. Par ailleurs, Noël a bien rattrapé le dernier trimestre 2008, puisque nous avons enregistré 30 % de croissance par rapport au dernier trimestre 2007 et même 50 % de mieux en décembre 2008 qu'en décembre 2007. Ceci après un mois d'octobre aussi mauvais que pour le reste du marché.

En février, 3 Suisses a annoncé la suppression de 674 postes et un recentrage de ses activités sur le Web. (Lire aussi Les 3 Suisses se réorganisent pour miser sur l'e-commerce, du 11/2/2009) Le groupe compte réaliser les deux tiers de ses revenus en ligne d'ici deux ans. Comment allez-vous vous y prendre ?

Notre métier est en mutation et l'organisation des 3 Suisses, jusqu'ici très marquée par le catalogue papier, doit être adaptée. En 2008, le Web représentait 40 % de notre chiffre d'affaires et cette proportion s'élevait même à 50 % à la fin de l'année. Or la croissance de 3Suisses.fr est supérieure à celle du e-commerce en France, qui se situe d'après la Fevad à 29 %. Nous sommes donc confiants.

Evidemment, la conjoncture est difficile et il y a des inconnues sur la croissance en 2009. Mais nous avons encore un beau potentiel en matière de développement online, notamment parce que nous basculons de plus en plus nos investissements vers le Web. Or les nouveaux clients Web sont beaucoup plus facilement rentabilisables : nous ne payons que le coût du clic qui donne accès à tous les produits. Tandis qu'une première commande depuis le catalogue est difficilement rentable, étant donné les investissements réalisés pour le fabriquer et le marketer.

La Redoute connaît également des difficultés et Camif Particuliers a mis la clef sous la porte. Pourquoi le consommateur n'a-t-il pas le réflexe de la VPC en ligne ?

Il y a un engouement évident pour les nouvelles marques du Web. Un phénomène qui relève du "je suis branché donc je commande plutôt sur Pixmania, Cdiscount, Vente Privée et les autres pure players". Les 3 Suisses ont été créés dans les années 1930 : nous n'avons pas l'avantage concurrentiel sur l'effet nouveauté, mais notre histoire est également un atout. De plus, notre catalogue est une vraie arme. Alors que le consommateur est exposé à un nombre croissant de messages publicitaires chaque jour, le catalogue est un objet qui reste en permanence chez lui et qu'il peut consulter à tête reposée. Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas évoluer, mais de même que l'e-book ne remplacera jamais le livre, le catalogue a sa place dans notre dispositif multicanal.

"Nous nous posons beaucoup de questions sur le rôle du catalogue et sa transformation"

Actuellement, nous nous posons beaucoup de questions sur le rôle du catalogue et sa transformation. Nous réfléchissons au format, à la sélection de produits, au ciblage, à la fréquence de parution, et nous réalisons des tests. Mais nous gardons en tête qu'il n'y a pas beaucoup d'exemples réussis dans le monde de passage d'un rythme semestriel de parution d'un catalogue de VPC à un rythme plus élevé.

En 2008, vous avez beaucoup travaillé à renforcer votre visibilité en ligne...

Nous avons actionné tous les leviers possibles pour augmenter le trafic. D'abord par beaucoup d'e-mailings, mais aussi par une accélération exponentielle des investissements publicitaires : référencement naturel et payant - Google a absorbé une grande partie de nos investissements pub -, display, affiliation, campagnes de publicité traditionnelles... Nous avons mené environ 300 opérations dans l'année. Tous ces investissements ont beaucoup contribué à une augmentation très significative de la fréquentation de notre site, de 50 % en 2008, qui fait de 3Suisses.fr le neuvième site marchand le plus consulté en France en décembre, d'après Médiamétrie et la Fevad.

Cette bonne performance couronne aussi l'optimisation de notre référencement naturel, la multiplication des références à notre site sur tous nos supports, ainsi que nos efforts pour améliorer l'expérience client, notamment en matière d'ergonomie et de contenus multimédias. L'objectif était de concevoir un parcours client qui rapproche son expérience de ce qu'il peut vivre en magasin, afin de transformer plus mais aussi de séduire plus. C'est l'une de nos réussites en 2008.

Quels axes stratégiques guideront vos actions en 2009 ?

Un axe très important concerne l'extension de gamme et le renouvellement des collections online. La production de notre catalogue est assez longue et nous impose un rythme de deux grandes collections par an, quand les acteurs de la distribution traditionnelle, emmenés par Zara ou H&M, sortent une collection tous les mois. Sur le Web, nous sortons maintenant aussi une collection tous les mois, au travers de la rubrique Actuamode qui propose une centaine de nouveaux articles chaque mois. Ce sont soit des vêtements et accessoires, déjà présents dans le catalogue, qui sont assemblés en looks, soit des articles développés pour le site, ce qui nous permet alors de détecter les "best" que nous reprendrons dans le catalogue. En 2009, nous allons poursuivre l'extension de gamme entamée l'an dernier.

"Nous allons nous concentrer sur les boutiques qui marchent le mieux"

Plus largement, étendre la gamme est d'autant plus facile sur Internet que nous ne sommes pas limités en nombre de pages. Nous pouvons aussi proposer facilement des produits d'autres marques sans avoir à les stocker. C'est ainsi qu'une marque comme Packard Bell est plus présente en ligne que dans le catalogue, de même que, plus généralement, les imprimantes ou encore les GPS.

Le lancement de nouvelles boutiques confirme d'ailleurs cette orientation...

Nous comptons beaucoup sur la diversification de notre offre. Pixmania développe sa place de marché sans forcément être légitime en dehors du high-tech. Même chose pour RueduCommerce ou Amazon en France. Mais pour notre part, nous pouvons nous appuyer sur notre statut de généraliste.

Depuis 2006, nous avons lancé une vingtaine de boutiques. Ainsi, 3 Suisses Culture est une bonne surprise, avec plusieurs centaines de ventes de produits culturels par semaine. Le retour sur investissement est très bon car l'investissement était très faible. 3 Suisses Achat Vente, en partenariat avec 2xmoinscher, marche bien aussi, même si nous n'étions pas forcément attendus sur le CtoC. Autre exemple : le partenariat que nous avons mis en place avec Spreadshirt pour proposer des chemises sur mesure. Nous n'avons pas à gérer la fabrication nous-mêmes, mais nous avons trouvé une autre manière de faire notre métier, grâce au Web.

Allez-vous continuer à lancer des boutiques ?

Nous avons plusieurs lancements programmés, mais nous prévoyons aussi de les rationaliser, pour nous concentrer sur celles qui marchent le mieux. Nous comptons en particulier améliorer les boutiques déjà lancées, par exemple en perfectionnant l'ergonomie et le merchandising de 3 Suisses Couture.

"Nous essayons de multiplier les échanges avec nos clients"

Quelles autres actions mènerez-vous en 2009 ?

Nous travaillons à développer les éléments de communication avec nos clients, notamment sous la forme de contenus destinés à rassurer et à séduire. Expliquer qu'ils peuvent rapporter leurs achats à un point relais ou être remboursés fait partie des éléments de communication qu'il est toujours bon de rappeler.

La mise en place de la solution de BazaarVoice d'avis de consommateurs va aussi dans ce sens (Lire aussi : Comment 3Suisses.fr s'est enrichi d'avis de consommateurs, du 17/2/2009). Permettre aux clients de s'exprimer constitue un axe stratégique très important, d'autant que les consommateurs font de plus en plus confiance aux autres consommateurs.

Notre onglet "le blog", qui présente l'actualité des 3 Suisses, poursuit le même objectif, en leur offrant encore une autre façon de s'exprimer. En outre, nous sommes en train de monter un dispositif leur permettant d'interroger directement notre équipe dirigeante sur le site, la collection, la qualité de service, la logistique...

Vous avez lancé la chaîne "Le chouchou" sur Dailymotion avant l'été 2008. Quel bilan en tirez-vous ?

Depuis 2007, nous avions une WebTV, 3suisses.tv, où un commercial présentait les nouveautés et les opérations commerciales de la semaine. Petit à petit, nous nous sommes rendu compte que produire, diffuser et héberger nous même cette application nous privait de toute composante communautaire. Il n'était par exemple pas possible d'insérer ces vidéos sur des blogs.

"Nous considérons l'Europe comme un territoire d'expansion logique"

D'où la décision de transférer la chaîne sur Dailymotion, qui diffuse les vidéos auprès d'une audience plus large et permet au public de les noter et de les commenter. Depuis le lancement en juin 2008, nos vidéos ont été vues plus de 100 000 fois. Comme nous essayons de multiplier les échanges avec nos clients, nous allons bien sûr continuer à enrichir les 131 vidéos aujourd'hui disponibles.

Quelles sont vos ambitions en matière d'expansion à l'international ?

Historiquement, nous sommes présents au Benelux et en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Nous regardons comment attaquer d'autres pays grâce au Web, notamment grâce au site international 3suisses.com que nous développons actuellement. Différentes options sont en cours d'étude mais globalement, nous considérons l'Europe comme un territoire d'expansion logique, recelant une bonne croissance au Sud et un bon réservoir de croissance à l'Est.

Prévoyez-vous de développer votre site mobile ?

Lancé en 2006, il permet de commander, de suivre sa commande, et présente des mini-fiches pour 400 produits. Nous réfléchissons à le développer, mais tant que tout le monde n'a pas accès au Web mobile de dernière génération pour un tarif abordable, est-ce la peine d'en faire beaucoup plus...