Jens Becker (Pixmania) "Nous visons 350 millions d'euros de chiffre d'affaires et l'équilibre en 2015"

Après avoir perdu 75% de son chiffre d'affaires et réduit ses effectifs en conséquence, Pixmania se met au lean management pour mieux acheter et donc mieux vendre, explique son président.

JDN. Où en est votre plan social et quels sont vos axes de redressement de Pixmania ?

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Jens Pecker, président de Pixmania © F.Fauconnier / JDN

Jens Becker. Le PSE est terminé, les dernières personnes concernées sont parties. La réorganisation s'est passée assez vite : les négociations ont débuté en mai pour s'achever en août et le plan de départ volontaires a rencontré pas mal de succès. Sur les 160 postes que concernait le PSE, nous avons eu 47 départs volontaires, 19 reclassements internes et 92 postes supprimés.

De même que nous avons adapté nos effectifs au niveau de notre chiffre d'affaires, nous allons maintenant commencer à mettre en place une nouvelle organisation pour notre structure logistique, mais aussi marketing et commerciale. En particulier, nous allons adopter une approche plus lean, afin d'éviter la lenteur des décisions hiérarchiques. Ainsi, les équipes achat prendront leurs décisions sur les gammes produits avec plus d'agilité, donc d'autonomie et de réactivité. Ce travail sur les achats - que Dixons, l'ancienne maison-mère de Pixmania, ne voulait pas effectuer - va nous permettre de baisser nos prix et d'accroitre nos ventes tout en améliorant nos marges.

L'e-commerce s'est construit depuis ses débuts sur une promesse de prix bas... Est-il encore temps, face à des mastodontes comme Amazon et Cdiscount, de jouer le prix pour prendre de la part de marché ? Ne vaut-il pas mieux adopter une stratégie à la LDLC ou Materiel.net ?

Notre stratégie ne fonctionnera que si nos achats parviennent à être très compétitifs, ce qui nous permettra aussi de préserver nos marges. Mais nous avons toujours quelque chose à apporter. Par exemple, c'est surtout en marketplace qu'Amazon vend des téléviseurs : sur cette catégorie, il ne travaille pas les prix comme nous. Aujourd'hui nous sommes plus intéressants que nos concurrents et nous nous ménageons une meilleure marge que l'année dernière. Quant à LDLC et Materiel.net, ils ont un positionnement très clair de spécialiste. Pixmania est un temps devenu aussi généraliste que Cdiscount et Amazon, mais cela n'a pas marché. Nous sommes désormais entre les deux modèles. Ce qui nous permet aussi d'être plus libres pour nos achats qu'un Cdiscount, dont la maison-mère Casino doit respecter de nombreuses contraintes imposées par les fabricants dans leurs contrats.

Quel est votre objectif de chiffre d'affaires et de rentabilité ?

Nous voulons arriver à l'équilibre sur l'exercice fiscal que nous clôturerons en avril 2016, avec un chiffre d'affaires de 350 millions d'euros. L'année dernière, clôturée en avril 2014, nous avons enregistré 290 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et cette année, nous serons un peu en dessous, avec moins de pertes, mais des pertes significatives quand même.

"eMerchant repart à la recherche de nouveaux clients"

L'adaptation de notre structure passe aussi par une véritable professionnalisation. Prenons l'exemple du service client. Auparavant, pour traiter une demande, nous avions 10 outils. Cette année, nous avons mis en place un outil unique, Zendesk, qui fiabilise nos réponses et fluidifie considérablement la relation client. Nous avons aussi professionnalisé l'équipe et placé à sa tête deux spécialistes. Grâce à quoi nous pouvons par exemple retravailler sur les contrats avec les outsourceurs qui étaient jusqu'ici défavorables à Pixmania. Encore un exemple : le projet 3DSecure, lancé en janvier un mois après l'arrivée de Mutares, aboutit actuellement.

Vous avez aussi mis en place un conseil consultatif...

Il nous aidera à fixer notre cap dans les mois à venir. Il comprend notamment Christian de Bronac, ancien DG de Darty, Sören Mills, directeur marketing de l'e-commerçant américain de high-tech Newegg, Jesus Sanchez Llado, directeur e-commerce de la poste espagnole Correos, Alexander Ruckensteiner, expert autrichien des retournements, ou encore Robert Hein, DG d'un fournisseur de services similaire à eMerchant nommé 004. Il s'est tenu la première fois début septembre et se réunira deux fois par an.

Que devient votre marketplace ?

Pixplace reste une priorité. Elle compte environ 300 vendeurs et représente plus de 30% du volume d'affaires de Pixmania. Or nous pensons qu'elle nécessite une évolution technologique, en particulier côté vendeurs, pour mieux les aider à gérer leur catalogue et leurs ventes. En matière de place de marché aussi, nous avons besoin d'améliorer notre niveau d'expertise interne.

Comment se porte votre filiale eMerchant, qui gère toute la plateforme technique de Pixmania mais opère également l'e-commerce de distributeurs comme Celio et Carrefour dans le non alimentaire ?

eMerchant n'a pas été touchée par le PSE et nous voulons à nouveau la développer. La société était donc présente sur le salon E-Commerce Paris pour montrer qu'elle existe, possède des compétences et continue à faire aboutir de beaux projets, comme la mise en place du click&collect de produits non alimentaires chez Carrefour, avec retrait sous 2 heures. eMerchant repart à la recherche de nouveaux clients.

Que représente l'international dans vos ventes et fait-il partie de vos axes de croissance ?

Nous sommes toujours présents dans 13 autres pays européens, qui pèsent 55% du chiffre d'affaires de Pixmania. Nous avons été très faibles sur l'Allemagne et le Royaume-Uni, nous allons pouvoir y trouver de la croissance. En Italie et en Espagne, nous sommes déjà plus gros, de même qu'au Portugal et en Irlande. Nous allons essayer de poursuivre notre croissance sur tous ces marchés, en parallèle de nos efforts en France.

Jens Becker est le président de Pixmania. Titulaire d'un master en gestion des entreprises et d'un MBA international à l'Instituto de Empresa et Madrid et au SDA Bocconi de Milan, il débute sa carrière en 2002 dans le conseil en stratégie chez Roland Berger Strategy Consultants, puis dirige de 2004 à 2009 la PME espagnole Sauer-Hispania. Depuis 2009, il est gérant de portefeuille chez Mutares, fonds allemand de retournement qui a repris Pixmania en décembre 2013. A ce titre, il est aussi le président de Pixmania, dont il pilote les opérations au quotidien.