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Sur la page de Google, on découvre d'abord une interface linéaire composée d'éléments essentiels, chacun avec une fonction bien précise et universellement reconnue. (...) Il s'agit en l'occurrence d'un exemple réussi d'interface qui atteint l'objectif ambitieux d'associer une signification positive à l'espace blanc de la page. L'interface se présente sans fioritures, presque vide, ou plus exactement, remplie d'un unique élément "vide" : le blank box, qui rassure l'utilisateur et tend à induire des comportements actifs, en évitant de provoquer la perte tantôt due à l'absence de points de référence, tantôt au contraire à la présence de stimuli visuels surabondants. On évite ainsi la confusion engendrée par les pages trop pleines, qui semblent atteintes d'une sorte d'horror vacui (horreur du vide), d'une anxieté comunicative qui, dans leur effort pour attirer l'utilisateur avec mille bannières, effets graphiques, animations, obtiennent souvent l'effet inverse.

 

Il n'y a pas de véritable navigation sur la page de Google : les différentes composantes d'une page ont un sens fonctionnel. Elles servent à accéder à des services, pas à conduire l'utilisateur sur un chemin ; leur usage crée des comportements qui font très rapidement partie d'une routine de recherche, au point de sembler instinctifs après peu de temps. L'interface du moteur de recherche est conçue de telle sorte que l'usage, la dynamique de fonctionnement et les attentes de l'utilisateur (d'un utilisateur générique) se répètent ; ainsi, même après avoir emmagasiné et digéré les "personnalisations" de l'utilisateur, les pratiques de recherche restent fondamentalement identiques, au point qu'on peut parler d'un outil "universel".

 

La disposition des textes et des images est linéaire. Elle se sert d'éléments graphiques récurrents, notamment l'emploi des couleurs primaires ; les images employées sont qualitativement homogènes. Le style de projection de l'interface est sobre, presque austère, et en dépit du design de tendance brand-identity (et corporate-identity), orienté par la recherche d'une esthétique spécifique, il fait appel à des qualités perceptives élémentaires mais très efficaces dans leur simplicité.

 

De cette identification visuelle immédiate dérive une facilité d'utilisation nettement supérieure aux moteurs de recherche concurrents. Le niveau d'ergonomie atteint est stupéfiant : Google n'a pas besoin de se présenter dans son interface comme un concentré de services ; son architecture visuelle est typique des portails multiservices. Les interfaces des différents services sont autonomes et substantiellement indépendantes, toutes caractérisées par la présence de blank box. Aucun lien ne les relie les unes aux autres de manière directe. Par exemple, il n'est pas nécessaire de passer par beaucoup d'étapes compliquées pour atteindre le service de code.google.com, conçu pour les techniciens de tous niveaux, en partant du service de base de recherche des images, c'est-à-dire d'images.google.com, qui s'adresse au public le plus large : il suffit de descendre "en profondeur" dans le site google.com et de savoir chercher. Malgré cette fragmentation, nous sommes tous en mesure de reconnaître le réseau de services offert par Google ; de plus, les usagers sont en mesure d'utiliser de manière combinée et complémentaire les sources d'informations mises à leur disposition, qu'il s'agisse de ceux qui se contentent du simple usage du browser, ou bien des google-dépendants, ou des Google-totally-addicted (les accros de Google) qui se précipitent avec enthousiasme sur chaque nouveau service.

 

Cette décentralisation des services engendre un mécanisme relationnel particulier : les utilisateurs ne découvrent pas directement par Google les nouvelles sections, mais par le réseau informel des utilisateurs, via d'autres sites où les visiteurs exposent leurs goûts et discutent de leurs habitudes. La vaste gamme des services offerte par Google est automatiquement localisée par son usager même, dès lors qu'il s'intéresse à un nouveau service. Par exemple, en ce qui concerne la zone géographique, l'interface linguistique appropriée est immédiatement présentée à l'utilisateur. D'autre part, il est facile de cerner le type d'utilisateurs auxquels s'adresse un service, et d'évaluer le degré de préparation technique requise, ou le degré d'affinité avec les autres utilisateurs. Le mécanisme de bouche-à-oreille devient donc semblable à un "PageRank relationnel".

 

La Face Cachée de Google © Editions Payot