Les drôles de méthodes commerciales d'Adblock Plus avec les éditeurs

Les drôles de méthodes commerciales d'Adblock Plus avec les éditeurs Le bloqueur de publicités le plus célèbre au monde contacte les éditeurs pour leur proposer un arrangement surprenant. Les éditeurs s'insurgent.

Les internautes sont-ils publiphobes ? On peut se poser la question au regard des résultats de cette étude relayée par le Guardian qui révélait que l'utilisation de bloqueurs de publicités était devenue un phénomène de masse. Ce sont ainsi près de 150 millions d'internautes qui auraient recours à une extension de navigateur comme Adblock Plus dans le monde, en juin 2014. Une croissance annuelle de 70% d'autant plus inquiétante pour les acteurs de la publicité qu'elle est portée par les internautes les plus jeunes. Toujours selon l'étude, 41% des 18-29 ans américains affirmaient avoir recours à une solution de blocage. De quoi donner des sueurs froides à des groupes médias dont le business model est le plus souvent adossé sur la publicité. De quoi voir surtout en ces ad-blockers, "le Napster du marché de la publicité", tel que le prédit le Guardian.

Car ces extensions de navigateurs, une fois installées, traquent et repèrent sans relâche tous les tags publicitaires présents dans le code de la page (display, retargeting, native ads...) et les bloquent de façon à rendre l'emplacement publicitaire invisible à l'ad-server. Impossible donc pour les éditeurs et acteurs du monde de la publicité d'espérer échapper à la vigilance de ces extensions, en témoigne la longueur de cette liste de tous les acteurs bloqués par AdBlock Plus en France

Près de 150 millions d'euros qui s'envolent en fumée en France

En France, un des pays les plus impactés, le taux d'utilisation d'ad-blockers était proche des 17% au cours du mois de mai 2013, selon une étude de Clarity Ray. Ramené aux près d'1 milliard d'investissements publicitaires digitaux (estimations SRI) qui étaient visés par les solutions d'ad-blocking en 2013, après exclusion du SEM, de l'e-mailing, des comparateurs, du mobile et d'une partie de l'affiliation, le manque à gagner avoisine les 150 millions d'euros.
Avec plus de 250 millions de téléchargements dans le monde depuis sa création en 2006, Adblock Plus figure parmi les têtes de proue du mouvement. La solution, qui s'est professionnalisée en 2011 en s'adossant à la société Eyeo, a bousculé les conventions en annonçant courant 2012 qu'elle allait intégrer un filtre "white list" laissant passer des publicités certifiées et activées par défaut. Un comble pour un bloqueur de pubs. L'équilibre est difficile : laisser passer des publicités qui lui feront gagner de l'argent, sans faire fuir ses utilisateurs. Ses fondateurs, Wladimir Palant et Till Faida trouvent alors les mots. Ils disent vouloir trouver un "compromis favorable aux éditeurs et aux internautes", en poussant le marché vers des formats moins intrusifs. Leurs détracteurs les accusent, eux, d'avoir flairé le bon filon et d'essayer de monétiser leur audience en rackettant les éditeurs qui doivent en contrepartie leur verser un pourcentage du manque à gagner récupéré. En somme, Adblock Plus fait payer les sites pour que leurs visiteurs voient la publicité qu'ils auraient vu s'ils n'avaient pas téléchargé l'outil.
 

Pour Adyoulike c'est 1 000 euros par mois et par URL !

Julien Verdier, le PDG d'AdYoulike, témoigne : "Je les ai contactés, pensant innocemment les convaincre de m'intégrer gratuitement à leur liste blanche. Quelle n'a pas été ma surprise lorsqu'après une heure de discussions qui m'ont paru constructives, mon interlocuteur m'a annoncé qu'il m'en coûterait 1 000 euros par URL et par mois", explique-t-il. Devant le refus net formulé par Julien Verdier, AdBlock Plus lui a alors proposé d'opter pour un modèle plus classique de commission, l'enjoignant à tester son produit et identifier le chiffre d'affaires récupéré en vue d'établir ce qu'il devrait reverser chaque mois à l'Allemand. Une proposition commerciale qu'a également reçue un éditeur qui préfère rester anonyme. "Nous sommes entrés dans une phase de test gratuit de 30 jours", explique son directeur général. "Il n'y a pas de tracking complexe pour déterminer combien on leur devra chaque mois, c'est juste du déclaratif !"

L'offre commerciale d'AdBlock Plus décontenance d'autant plus qu'elle semble obéir à des critères plutôt flous. Ainsi, selon Till Faida "90% des sites présents sur la liste blanche ne paient pas pour y être, car seuls les plus gros (et donc aussi les plus solvables, ndlr) doivent s'acquitter d'une rémunération". Mais il est incapable d'expliquer ce qui à ses yeux fait la différence entre un gros acteur d'un petit. Ainsi Google aurait payé 25 millions de dollars pour y figurer, d'après le blogueur technophile allemand Sascha PallenbergGoogle a confirmé la transaction, mais pas le montant.  

S'il est difficile de savoir quel est le pouvoir réel de la communauté (celle-ci étant censée, selon les dires d'ABP, valider chaque demande), les fondateurs d'EyeO ont créé un forum où le nom de chaque nouvel acteur accepté est communiqué. De même la société a toujours assumé son statut d'entreprise commerciale. Et les raisons avancées pour la facturation ont beau être un peu fumeuses, les fondateurs n'en ont pas moins enlevé le masque. Les auto-proclamés Robins des bois de la publicité sont là pour faire de l'argent.

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