Cyril Toulet (Président de Zanox France) "L'affiliation est un canal très pertinent en période de crise"

Lors d'un chat avec les lecteurs du JDN, le président de Zanox France est revenu sur l'impact de la crise sur le marché de l'affiliation, ses perspectives pour 2009 et le nouveau syndicat des plates-formes d'affiliation.

 

Pouvez-vous présenter Zanox ?

Cyril Toulet. Zanox est un groupe d'origine allemande employant 350 collaborateurs, avec une douzaine de bureaux en Europe, aux USA et en Asie. Il y a un an, AxelSpringer et Publigroupe ont racheté Zanox. Nous intervenons dans le domaine de l'affiliation, des campagnes publicitaires à la performance, dans le tracking et le routage d'emails.

Comment fonctionne l'affiliation ?

L'affiliation est le principe selon lequel un annonceur (marchand ou non) bénéficie de trafic en provenance d'autres sites, pour lequel il n'est facturé - par les plateformes - qu'en fonction des résultats obtenus : clics, prospects, clients/ventes.

Selon le Syndicat des régies Internet, l'affiliation a fait + 30 % en 2008. Zanox aussi ?

Nos comptes sont en cours d'audit, donc la seule chose que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que nous sommes en effet en ligne avec ce chiffre.

Quelle part de marché revendiquez-vous en France et dans le monde ?

En France, nous sommes numéro deux, à un cheveu du numéro un, Tradedoubler. A nous deux, nous devons représenter entre 55 % et 60 % du marché. Et le troisième est deux fois plus petit que nous. Nous en sommes assez fiers, car lorsque nous nous sommes lancés il y a neuf ans, nous étions le dixième...

"La crise est perceptible : nous observons une certaine nervosité chez quelques uns de nos clients"

Quel est le profil des annonceurs de votre réseau ?

Ce sont avant tout les principaux acteurs du e-commerce (Voyages-sncf, Cetelem, Promovacances, RueduCommerce, LaRedoute, Orange), ainsi que de fortes marques comme Pampers, ou des acteurs sans activité marchande en ligne (Magasins-u.com, Lancia).

Quel bilan tirez-vous de 2008 ? Comment la crise a-t-elle impacté votre business ?

Pas comme on pourrait l'imaginer... Sur le plan des chiffres, nous avons bénéficié de reports de budgets CPM en notre faveur. Par ailleurs, l'affiliation étant un canal très pertinent en période de crise, les résultats 2008 ont été très bons, sachant que notre budget avait été établi il y a 18 mois, donc sans prise en compte de la crise. En revanche, la crise est perceptible : nous observons une certaine nervosité chez quelques uns de nos clients, qui nous mettent sous pression en nous demandant toujours plus de volumes.

Qu'est-ce qui vous distingue de Tradedoubler, Commission Junction ou des autres réseaux internationaux ?

Nous revendiquons les meilleurs délais de paiement aux affiliés du marché. Nous avons une très forte culture du service, grâce à des clients historiques qui nous ont tirés vers le haut. Côté équipe, grâce à un turnover excessivement faible, nous disposons de consultants et directeurs de clientèle avec beaucoup d'expérience et une très forte expertise. Notre meilleure satisfaction est de constater la fidélité de nos clients.

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Cyril Toulet, le 05/02/2009 au JDN © Journal du Net / Benoît Méli

Google se met à l'affiliation. Ne pensez-vous pas que dans trois ans les Zanox, Commission Junction et Tradedoubler seront comme Mirago et Overture maintenant, c'est-à-dire plus grand-chose ?

Si nous devions nous inquiéter de la menace Google, alors le marché entier devrait le faire, étant donné le large spectre d'activité de Google. Par ailleurs, il ne faut surtout pas sous-estimer le fait qu'en affiliation, une énorme part du travail est non-automatisable. Enfin, si tel devait être le cas, Google nous aiderait à finir d'évangéliser le marché.

CPA, CPL, CPC... Comment se répartissent ces modèles de rémunérations dans les programmes que vous gérez ?

En gros : 50 % de nos programmes sont rémunérés à la vente (CPS), 35 % au lead (CPL) et 15 % au clic (CPC).

La crise vous apporte-t-elle un nouveau profil de clients qui n'auraient pas fait d'affiliation avant ?

Oui et non. Ce qu'on constate, c'est qu'il s'agit avant tout de clients déjà rompus à l'affiliation qui augmentent leurs budgets. En marge, on sent que certains secteurs (finance, automobile, grande consommation) qui faisaient peu de performance marketing sont en train d'arriver plus vite.

"Pour la première fois il y a 18 mois, les investissements à la performance ont dépassé ceux au CPM"

A votre avis, les revenus de l'affiliation en général vont-ils un jour dépasser ceux du search ou du display ?

J'aimerais bien ! Il est intéressant de noter que pour la première fois il y a 18 mois, les investissements à la performance ont dépassé ceux au CPM. Et d'après l'étude EBG de novembre dernier, 64 % des budgets annonceurs seront dédiés à la performance en 2009. Pour autant, il me semble peu probable que nous dépassions le search.

Existe-t-il des synergies entre l'affiliation et le business offline ? Avez-vous des exemples ?

Oui, mais pour l'instant, cela reste assez marginal. Citons les transferts d'internautes vers les call centers, ou bien encore la récupération en ligne d'offres à faire valoir en magasins physiques. A mon sens, ce dernier levier devrait augmenter. Bientôt, on devrait assister à un aller-retour magasin physique / Web mobile / magasin physique. Shop Savvy propose à partir de son smartphone de scanner le code barre d'un produit en magasin, et d'informer l'internaute des produits similaires moins chers dans le voisinage. Et si vous êtes équipés d'un GPS, il vous y conduit.

Quel est le profil des éditeurs du réseau Zanox ? Combien gagnent-ils en moyenne ?

Au fil des années, et plus spécialement ces 24 derniers mois, les affiliés ont continué de se professionnaliser. Donc si nous avons encore de petits affiliés, l'essentiel provient d'affiliés constitués en sociétés de 5, 10, 50 salariés. Nous avons également comme "affiliés" certains de nos propres clients. Question revenus, la fourchette est large : de quelques dizaines d'euros par mois à plusieurs millions d'euros par an (pour les affiliés internationaux).

Quelle est votre position vis-à-vis des adwares et des barres de cashback pour vos annonceurs et vos affiliés ?

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Cyril Toulet, le 05/02/2009 au JDN © Journal du Net / Benoît Méli

C'est un beau sujet d'actualité. Il faut distinguer trois plans : le légal, ce qui est autorisé ou non par nos CGV affiliés et l'agressivité marketing. Nous ne devons pas travailler avec ceux qui contreviennent aux deux premiers. Concernant ceux qui sont spécialement intrusifs vis-à-vis de l'internaute, il y a deux options : leur faire modifier leur mode opérationnel, ou apporter une solution d'ordre technique (selon laquelle par exemple, un cookie déposé par un adware ou une toolbar aura moins d'importance que le cookie déposé par un site affinitaire). En interne, nous avons une équipe projet qui travaille spécifiquement sur ce sujet (et une autre sur l'e-mailing, d'ailleurs) pour apporter une réponse à ce phénomène. C'est un chantier 2009 à coup sûr.

Vous avez été racheté par Axel Springer en 2007. Que connaît ce groupe à l'affiliation ? Vous laisse-t-il tranquilles ?

Il n'y connaît pas (encore) grand chose, mais nous sommes là pour le lui expliquer. Nos actionnaires nous font totale confiance, ceci d'autant plus que nos performances les satisfont.

En quoi consiste ce nouveau syndicat des plates-formes d'affiliation que vous venez de lancer avec certains de vos concurrents ?

CPA-France.org (le Collectif des plates-formes d'affiliation) regroupe les principales plates-formes et a pour mission avant tout trois choses : promouvoir, protéger et agir.

 Promouvoir l'affiliation auprès des secteurs qui n'y ont pas encore assez recours. Promouvoir l'affiliation comme un canal très pertinent pour la collecte de prospects / leads.

 Protéger les parties en présence : les affilieurs contre les tentatives de fraude de la part d'affiliés, les affiliés contre les abus parfois constatés de certains affilieurs (rejet inexpliqué des commissions, tracking obéissant à des règles surprenantes) ou de certaines agences (délais de paiement...)

 Agir en parlant d'une même voix (on a plus de poids) avec les autres organisations et pouvoirs publics (IAB, Ascel, Fevad, SNCD, Cnil...)

"Un programme d'affiliation ne fonctionne que si l'équation économique est viable et pour l'affilieur et pour l'affilié"

Pourquoi ce syndicat ne regroupe-t-il pas tous les acteurs du marché ? (Public-Idées / Reactiv pub par exemple.)

Parce que nous avons voulu qu'il sorte vite, en constituant un noyau dur représentatif du marché (en l'état, il représente 90 % du chiffre d'affaires des plateformes en France). Pour autant, le CPA est tout sauf un club fermé. Il y a une procédure toute simple pour adhérer, moyennant le respect des critères d'adhésion. Il suffit de contacter le bureau de l'association et, plus précisément, son président.

Defendez-vous (bien) les intérêts de vos affiliés face à vos annonceurs ?

Beaucoup, beaucoup plus que certains affiliés ne le pensent. En effet, sans affiliés, les plates-formes ne sont plus rien.

Pensez-vous renouveler l'expérience du cybermonday l'année prochaine ?

Oui, bien sûr. Nous y avons pris beaucoup de plaisir, cela a été organisé de main de maître et nous étions ravis d'y être associés.

La crise accentue la pression sur les rémunérations des affiliés. Que comptez-vous faire ?

C'est un équilibre à respecter. Avec la crise, les marchands (à commencer par ceux qui ont des marges faibles comme dans le retail), voient leur marge sous pression. Donc leur coût d'acquisition doit diminuer, sinon cela ne fait plus de sens pour eux de recourir à l'affiliation. Parallèlement, si les commissions affiliés sont trop basses, alors les affilieurs ne trouvent pas assez de relais et ne peuvent plus obtenir autant de volumes qu'ils le demandent. En matière d'affiliation, un programme ne fonctionne que si l'équation économique pour l'affilieur et l'affilié est viable.

Zanox recrutera-til en 2009 ?

Oui, bien sûr, entre dix et quinze postes (tous profils).

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Cyril Toulet, le 05/02/2009 au JDN © Journal du Net / Benoît Méli

Quels sont les projets de Zanox pour cette année ?

Sur le plan technique, nous mettrons en place des webservices permettant une interaction avec le système d'information de Zanox sans passer par l'interface et permettant une meilleure mise en avant des produits, grâce à de la contextualisation et du geotargeting. Nous donnerons aussi la possibilité de se constituer ses propres widgets. Côté services, nous mettrons un fort accent sur la relation aux affiliés, avec la mise en place d'une structure uniquement dédiée à cela.

La France est-elle un marché mature pour l'affiliation, par rapport aux autres pays européens, aux USA ou à l'Asie ?

Non, si on considère que certains secteurs n'y ont pas encore assez recours, comme dans l'automobile, la finance ou la grande consommation.

Quelle part de vos clients est en exclusivité chez vous ? Quelle part partagez-vous avec vos concurrents ?

Environ 80 % de nos clients ont uniquement leur programme chez nous. C'est une particularité française, si on compare avec nos pays voisins.

Zanox approche les blogs depuis plusieurs mois... Quel est votre modèle ?

Pour les blogs, en effet nous avons réalisé de très belles opérations pour Pimkie ou Simpleo. Le modèle économique est un mixte de rémunération (sponsoring de billet et performance).

La dernière tendance de l'affiliation, c'est quoi ?

Monétiser le web ! Et en plus, c'est la devise du groupe.