Patrick Elineau (DG de l'ANPAA) Patrick Elineau (ANPAA) : "La politique du gouvernement au sujet de l'alcool sur Internet est incohérente"

Le directeur général de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie réagit aux propos de Roselyne Bachelot qui s'est dit favorable à la publicité pour l'alcool sur Internet.

 

Dans le cadre de la loi "hôpital, patients, santé, territoire" qu'elle défend, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a indiqué hier n'être pas opposée à un amendement en faveur de la publicité pour l'alcool sur Internet. Qu'en pensez-vous ?

Patrick Elineau. Nous avons un sentiment d'incompréhension. En effet, nous avions rencontré Roselyne Bachelot et exposé la position de l'ANPAA quant à la publicité pour l'alcool sur Internet. C'est-à-dire une position d'ouverture puisque nous ne sommes pas contre la publicité ou la création de sites Web par les professionnels, fabricants ou distributeurs d'alcool, ni le commerce en ligne, sous certaines conditions (lire l'article : L'interdiction de la publicité en ligne pour l'alcool, du 25/07/2008). Mais il y a incohérence à lire la politique gouvernementale. Dans le projet de loi "hôpital, patients, santé, territoire", Roselyne Bachelot a annoncé des mesures fortes pour préserver les jeunes de l'alcool. Mesures que nous soutenons. Mais sa position sur la publicité est incompréhensible.

Pourquoi êtes-vous inquiet ?

Roselyne Bachelot motive sa position par la pression concurrentielle internationale qui pèse sur les viticulteurs français et la nécessité qui est la leur de communiquer sur Internet. Or les propositions de l'ANPAA vont également dans ce sens. Seulement il faut prendre en compte le fait que les viticulteurs n'ont pas les mêmes moyens que les grands industriels de la bière ou des spiritueux qui, soit dit en passant, se font discrets ces derniers temps. La ministre fait fausse route. Elle veut donner satisfaction aux viticulteurs, mais ce sont les grands groupes industriels qui en profiteront. Nous l'avons bien vu en 1994, lorsque l'affichage interdit par la loi Evin a été rétabli. Qui était à l'affiche ? Certainement pas les petits producteurs.

Comment l'ANPAA compte-t-elle réagir à la situation ?

Si la ministre de Santé n'est pas opposée à un amendement en faveur de la publicité sur l'alcool sur Internet, qui sait ce que celui-ci contiendra. D'ici là, nous espérons que le Parlement saura se saisir du dossier. Il faut un débat de fond et ne pas traiter le problème à la sauvette. C'est pourquoi l'ANPAA va tenter de mobiliser les autres associations qui luttent contre les addictions afin d'alerter les parlementaires sur l'ensemble des enjeux publics pour que tous les arguments puissent être échangés. Il reste par exemple beaucoup de flou quant à la définition de ce qu'est un site dédié aux jeunes et que Roselyne Bachelot souhaite préserver de toute publicité pour l'alcool. De même, la ministre ne s'est prononcée que sur le support Internet, pas sur les contenus ni les formats que pourront prendre ces publicités. Elle n'a pas non plus évoqué la proposition du sénateur Gérard Cézar qui veut redéfinir la publicité - conçue comme telle s'il y a transaction - et qui, si elle était retenue, enterrerait définitivement la loi Evin.