De la falaise budgétaire à l’impasse politique : quel impact sur les Etats-Unis ?
Afin de mieux saisir la portée de l'expression "falaise budgétaire", il faut se référer à l’accord passé en août 2011 entre Démocrates et Républicains : en l'absence de plan pour résorber la dette publique avant le 31 décembre 2012, ce sont 600 milliards de dépenses publiques qui sont supprimés.
En l'absence de plan pour résorber la dette publique avant le 31 décembre 2012, 600 milliards de dollars de dépenses publiques supplémentaires, dites "de séquestre", seraient annulées d'autorité ainsi que l'annulation automatique de réductions fiscales votées sous George W. Bush. Ceci aurait entraîné une hausse d'impôts de tous les contribuables. Ces coupes auraient affecté pour moitié les dépenses de la défense – ce dont les Républicains s’y opposent fermement – et pour l'autre, des aides publiques dans des domaines comme l'éducation, l'accès aux soins, le logement, le soutien aux handicapés, la santé, les retraites…etc.Sans cet accord, selon les estimations du Congressional Budget Office (CBO) le PIB US aurait connu une contraction de 0,5 % et une remontée du taux.
Barack Obama a eu raison de se présenter comme le grand vainqueur.
Cependant
le Président américain n’a pas réussi à faire adopter la taxation de ceux qui
ont des revenus supérieurs à 250 000$.
Seuls les contribuables gagnant au moins 400 000 $ (450 000 pour les
couples) verront leur taxation passer de 35 % à 39,6 %.
L'imposition
des dividendes du capital passera de 15 % à 20 %. La
Maison Blanche a aussi partiellement reculé sur la sur taxation des propriétés
immobilières.
Les protagonistes de l’accord se sont donnés deux mois pour
entamer les discussions sur les réductions des dépenses budgétaires. Mais le
président a déjà prévenu qu’il ne fera pas de concessions unilatérales.
Parions
que les arbitrages sur les coupes budgétaires seront rudes. Barak Obama serait
favorable à une réduction des dépenses publiques du programme Medicare
(assurance-santé des retraités et des plus pauvres), mais plaide pour une
baisse générale des coûts de la santé.
A contrario,
il défendra bec et ongle des réductions drastiques du budget défense, ce que
les Républicains refusent.
Perspectives et obstacles
Le
bras de fer entre l’administration américaine et le Congres va coûter d’après
JP Morgan 0,6 point du PIB en 2013.
Lorsque
l’exécutif et le législatif devront se
mettre d’accord sur le relèvement du plafond de la dette fin février 2013, les
Républicains ont exprimé leur intention d’exiger des coupes drastiques dans les
dépenses publiques.
Comme
en août 2011, la notation des États-Unis risquerait une nouvelle dégradation
comme ce fut le cas par l’agence de notation Standard & Poor's, qui lui a
fait perdre son triple A.
Nous assistons à une bataille
idéologique doublée d’un enjeu électoral. Les Républicains et surtout son aile
ultra conservatrice le Tea Party croient à la fameuse courbe Laffer selon
laquelle les réductions d’impôts élargissent l’assiette fiscale et par-là même
les recettes. A contrario plus d’impôt tue l’impôt. Cet argument appliqué par
les Républicains depuis R. Reagan n’a fait qu’engendrer un endettement excessif
et un surcroît de spéculation sur les
marchés financiers. Il est évident que les surplus d’épargne des plus riches,
ne sont pas orientés vers la consommation mais plutôt vers les placements
financiers.
A l’opposé une compression brutale des dépenses publiques et/ou une
forte imposition des classes moyennes et des plus défavorisés, par des taxes
directes ou indirectes, tendent à réduire la consommation et les débouchés des
entreprises.
Les Républicains soutenus par les
Lobbys de l’industrie d’armement sont convaincus que les États-Unis doivent
s’imposer par la force.
En matière d’impôts, ils défendent
leur électorat aisé et/ou réticent à la solidarité avec les plus démunis.
Cela pose le problème du code électoral américain qui autorise les donations des grandes sociétés, sans limites aux candidats et aux partis politiques. Le modèle français qui plafonne les dons au profit d'un parti ou au profit de candidats parait plus sain. Les dépenses électorales aux États-Unis sont aussi un piège pour les candidats qui doivent subir les pressions de leurs financeurs une fois élus.
Le
recours à la monétisation de la dette, que j’ai dénoncé dans mes publications a
des limites, que la réunion du comité de la politique
monétaire de la Fed FOMC (Federal Open Market Committee) en date du 3 janvier 2013, n’a pas manqué de
soulever.
Les programmes de rachat des bons du Trésor américain et des
actifs adossés aux créances hypothécaires au rythme de $85 milliards par mois
ne font pas l’unanimité parmi ses membres. Certains souhaitent l'arrêt de ces
programmes avant la fin de l'année 2013, d’autres voudraient tout arrêter
immédiatement. Mais officiellement cet assouplissement quantitatif se
poursuivra jusqu'à l'amélioration sensible du marché de l'emploi aux
États-Unis.
Jusqu’à présent, les trois assouplissements monétaires dénommés QE
(quantitative easing), qui consistent à faire tourner la planche à billets, ont
plus dopé la spéculation sur les marchés financiers et les produits dérivés et
les actifs à terme des matières premières, que stimuler l’économie réelle. De
la même façon qu’on ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif, les
américains ne vont pas investir dans l’immobilier et les produits finis en
raison d’abondantes liquidités.
Les débats budgétaires et les divergences entre Républicains et B.
Obama ne sont pas de nature à créer la confiance parmi les consommateurs et les
investisseurs.
A Washington toutes les forces politiques ont dans le viseur les
élections de mi-mandat de 2014, qui pourraient faire basculer la majorité dans
un sens ou dans un autre.
Il faut s’attendre
à une année 2013 des plus difficiles, avec une instabilité politique doublée de
doutes sur l’avenir des États-Unis.
La proposition de faire émettre une pièce de platine d'un montant égal à 1.000 milliards de dollars par le Trésor qui le déposera sur le compte du gouvernement fédéral auprès de la banque centrale, permettrait de créditer automatiquement l’administration. Ainsi les dépenses publiques seraient assurées et les factures réglées, même en cas de désaccord sur le relèvement du plafond de la dette.
Si les lois restreignent l'émission
d'argent ou d’or par l’exécutif, rien ne l’empêche d'émettre du platine.
Cette astuce permet à mon
sens de faire pression sur les Républicains et de donner des marges de manœuvre aux
Démocrates dans les négociations qui s’annoncent difficiles. Cependant les tribunaux américains risquent d’interpréter
cette exception comme un artifice pour contourner la volonté du Congrès. En
outre cela porterait un coup dur à la crédibilité financière des États-Unis.
Après avoir été accusé d’inonder la planète de billets, voici l’Oncle Sam qui serait
vilipendé d’avoir utilisé une pièce de platine. Cela friserait le ridicule !
Enfin, il est curieux de constater que ceux qui applaudissent les relèvements d’impôts sur les riches américains crient à la spoliation dès que l’on touche aux patrimoines des plus aisés en France.