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07/12/2006

Micro-crédit : un nouveau moyen pour financer son entreprise

Très répandu en Asie et en Afrique, le micro-crédit se développe aussi en France. Il a déjà permis à des chômeurs de créer plus de 35.000 sociétés. En voici le fonctionnement.

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Source : Adie

Le 13 octobre dernier, le prix Nobel de la Paix était décerné à l'inventeur du microcrédit, le Bangladais Muhammad Yunus. Cinq jours après, en France, BNP Paribas ouvrait à Marseille sa première antenne dédiée au microcrédit, en partenariat avec l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie). Auparavant, c'est le parti socialiste qui gravait dans le marbre de son "projet pour la France" son soutien au microcrédit.

Simple hasard ? Pas vraiment, si l'on observe la place grandissante dans l'Hexagone du microcrédit, qui consiste à financer des créations d'entreprise par des prêts modestes (jusqu'à 5.500 euros) à des taux d'intérêt réduits. En 2005, décrétée "Année Internationale du microcrédit" par l'ONU, l'Adie a ainsi délivré 6.740 microcrédits, contre 5.587 en 2004, soit une hausse de 20,6 %. Dix ans plus tôt, l'association n'avait délivré des prêts qu'à 698 personnes, soit une hausse de 866 % ! Le total des encours de l'Adie s'élève aujourd'hui à 32 millions d'euros, avec un taux de remboursement des prêts depuis 17 ans de 92,78 %.

Bien sûr, cette croissance s'explique aussi par l'évolution des moyens dont dispose l'Adie, créée en 1989. Par sa notoriété grandissante aussi.

"Nous recevons entre 40 et 50.000 demandes de prêts par an"

Il n'empêche. Le microcrédit est aujourd'hui une tendance de fond, qui ne demande qu'à se développer. "Nous recevons entre 40 et 50.000 demandes de prêts par an", confirme Maria Nowak, présidente et fondatrice de l'Adie. Cette année, l'association n'a pu en traiter que 8.500.


Plusieurs facteurs expliquent cet engouement pour la microfinance. L'évolution des mentalités, d'abord. "A l'époque de la création de l'Adie, il était frappant de voir à quel point la création d'entreprise n'était pas considérée comme un moyen d'aider les gens. Le logique dominante restait l'emploi salarié et l'aide de l'Etat", rappelle Maria Nowak.

Mais "peu à peu l'opinion et les pouvoirs publics ont pris conscience que l'on sortait de la phase industrielle et que l'on entrait dans une nouvelle économie de services et de nouvelles technologies qui facilitent l'émergence des petites structures".

L'ADIE de 1989 à 2006
Prêts accordés 41.470
Entreprises créées 35.425
Emplois créés 42.500

De plus, la "terreur des délocalisations" disparaît progressivement et doit être remplacée par "la volonté d'être offensifs. Nous sommes de toute façons obligés de sortir de la logique d'Etat à cause du vieillissement de la population et de l'immigration".


De son côté, la prise de conscience des gouvernements successifs a permis au microcrédit de bénéficier d'un environnement législatif plus favorable. En particulier grâce à la loi NRE (nouvelles régulations économiques) du 15 mai 2001, qui a autorisé les associations comme l'Adie à déroger au monopole bancaire pour les activités de crédit. Auparavant, l'association devait fonctionner par partenariats avec des banques classiques. "La NRE a ainsi énormément simplifié et allégé les démarches", explique Maria Nowak.

Aux banques de prendre le relais

Par la suite, d'autres mesures relatives à la micro entreprise viendront faciliter la tâche de l'Adie. Maria Nowak se félicite notamment de l'amélioration du dispositif ACCRE en faveur des créateurs d'entreprises, qui les exonère de charges sociales de façon dégressive pendant plusieurs années.

Enfin, dernier facteur du développement de la microfinance : "les nouvelles technologies, qui diminuent les coûts de gestion, très lourds pour les très petites entreprises"

Désormais, c'est donc aux banques d'assurer le développement grandissant du microcrédit, estime Maria Nowak : "Nous espérons qu'elles s'investiront de plus en plus sur le segment supérieur de notre clientèle, qui se compose à 20 % de gens qui ne savent pas lire mais aussi à 25 % de personnes qui ont fait des études supérieures. Et les uns comme les autres réussissent !"

Depuis 1989, 35.425 entreprises ont été créées, avec un taux de pérennité à deux ans de 64 %. Une proportion identique à la moyenne nationale des créations d'entreprise.

 

Maria Nowak, une vie dédiée au développement

Maria Nowak, présidente et fondatrice de l'Adie.
Photo © Romain Joly
"J'avais exporté le microcrédit en Afrique, je l'ai testé en France"

Economiste née en Pologne dans les années 30, Maria Nowak a connu un parcours brillant. Côté études : sciences-po Paris et London School of Economics. Côté vie professionnelle : directeur des politiques et recherches à la Caisse française de développement, responsable des projets de développement rural et de lutte contre la pauvreté à la Banque mondiale et conseillère spéciale à la création d'entreprise auprès de Laurent Fabius lors de son passage à Bercy en 2000-2002.

Mais l'œuvre de sa vie, l'Adie, c'est en tant que bénévole qu'elle la fonde en 1989 avec deux collègues. "J'avais exporté le principe de la Grameen Bank de Muhammad Yunus en Afrique de l'Ouest. Comme cela avait bien fonctionné, j'ai décidé de le tester en France." Dans l'Hexagone aussi, "les banques ne prêtaient pas aux plus pauvres, car comme toutes les banques du monde elles ont besoin d'une garantie réelle, ce que ne peut pas offrir un chômeur ou un Rmiste."

La première année, grâce à des subventions de la Caisse des dépôts et consignations, de la DASS, de Médecins sans frontières et de quelques fondations, 90 prêts ont été accordés. 17 ans après, l'Adie a délivré 41.470 prêts et permis la création de 42.500 emplois. Maria Nowak, elle, est toujours bénévole.

 

En savoir plus www.adie.org

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