E–COMMERCE 
 
Jack Ma
PDG
Alibaba
Jack Ma
"27.000 sociétés françaises utilisent Alibaba"
La plate-forme BtoB met en relation des entreprises de plus de 200 pays. Son fondateur revient sur cette réussite chinoise et donne son point de vue sur le boom de l'Internet en Chine.
(21/02/2007)
 
JDN. Comment vous est venue l'idée de créer Alibaba ?
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 Qui sont les leaders de l'Internet chinois ?
Jack Ma. En 1998, je me suis rendu à une conférence à Singapour sur le e-commerce en Asie. La plupart des intervenants venait des Etats-Unis, alors qu'il s'agissait d'une conférence sur l'Asie ! Je me suis dit que c'était fou : les Etats-Unis sont les Etats-Unis, l'Asie est l'Asie et la Chine est la Chine. Nous avons besoin de notre propre modèle économique pour le e-commerce. Alibaba.com a été lancé peu de temps après, avec le rêve d'aider les PME chinoises à gagner de l'argent grâce à Internet.

Quelles entreprises utilisent Alibaba ?
Principalement des PME. Alibaba.com est en anglais et vise les entreprises étrangères, ainsi que les chinoises orientées vers l'exportation. Ce site a plus de 3 millions de membres. Nous avons aussi China.alibaba.com, destiné au marché domestique, qui compte 16 millions d'inscrits. Les entreprises utilisant Alibaba.com viennent de plus de 200 pays et territoires. 18 % de ces entreprises sont européennes, soit 500.000, dont 27.000 françaises. L'Asie représente 36 %, dont 12 % pour la Chine, l'Amérique du Nord 23 %, l'Afrique 9 % et l'Australie 3 %.

Quels services proposez-vous à ces entreprises ?
Aujourd'hui le groupe Alibaba a 5 sociétés : Alibaba.com, la plus grande place de marché BtoB en ligne dans le monde ; Taobao, le principal site e-commerce CtoC ; Alipay, le premier service de paiement en ligne en Chine ; Yahoo Chine, un moteur de recherche et portail de premier plan, racheté à Yahoo en octobre 2005 ; et Alisoft, qui fournit des logiciels pour les entreprises.

Pourquoi cette dernière activité ?
Jusqu'à présent, les PME chinoises utilisaient la technologie pour promouvoir leurs produits et trouver de nouveaux clients, notamment via des places de marchés comme la nôtre. Mais avec la maturité croissante de l'environnement économique en Chine, de plus en plus de PME veulent devenir plus efficaces. Nos logiciels les y aident, en permettant de se lancer dans le e-commerce. Pour empêcher la piraterie -un des facteurs expliquant le sous-développement du marché des logiciels en Chine, Alisoft propose une offre ASP en ligne.

Nous n'avions pas de modèle économique à nos débuts !"
Taobao, votre place de marché CtoC lancée en 2003, semble avoir plus de succès que eBay. Comment l'expliquez-vous ?
Taobao a une part de marché de 70 à 80 %, et a doublé en 2006 le nombre de ses utilisateurs, à 30 millions. Nous avons réussi en Chine, contrairement à eBay, car nous avons toujours écouté nos clients. Notre site a été pensé selon les goûts des Chinois. Ce succès en Chine ne veut pas dire que nous avons gagné contre eBay à l'échelle mondiale. Taobao.com est le deuxième site CtoC dans le monde, et nous réfléchissons à comment devenir numéro 1. Nous n'en sommes qu'à nos débuts (et je pense que le marché chinois du commerce en ligne dépasse déjà le marché américain), mais nous verrons quelles seront les positions dans 5 ans.

Pourquoi avoir choisi le BtoB, avant le BtoC ?
En 1999, nous avons fait le pari que la croissance économique chinoise serait basée sur les PME privées. Donc nous nous sommes dits : "Aidons-les à devenir plus compétitives via le e-commerce". Il y a environ 30 millions de PME chinoises, soit 99 % des entreprises. C'était une énorme opportunité pour nous. Nous sommes arrivés sur le CtoC en 2003 avec Taobao pour défendre notre position de leader BtoB, mais aussi pour profiter du potentiel de développement de commerce en ligne entre consommateurs.

Y a-t-il des différences entre le modèle BtoB chinois et celui des pays occidentaux ?
Les compagnies occidentales sont obsédées par les modèles économiques, mais quand nous nous sommes lancés, nous n'en avions pas ! Nous voulions seulement apporter de la valeur à l'activité de nos clients. En Occident, le BtoB consiste à faire gagner du temps et à baisser les coûts des entreprises. Mais leurs homologues chinoises se fichent de ça ! Elles veulent seulement gagner de l'argent. Quand elles commencent à en gagner, alors seulement nous pensons à "comment nous rémunérer ?".
Nous avons élaboré petit à petit notre modèle. Le modèle chinois est comme un buffet à volonté : une somme fixe donne accès à tout, alors que le modèle occidental est à la carte. Ce modèle occidental ne marche pas en Chine.

Pour les jeunes chinois, le e-commerce est une seconde nature."
Pourquoi avoir racheté Yahoo Chine ?
Beaucoup de PME chinoises veulent faire de la publicité sur les moteurs de recherche. En rachetant Yahoo, nous pouvons leur proposer cela. Yahoo continuera à être un moteur de recherche et portail généraliste. Nous voulons créer le meilleur moteur de recherche en Chine. Pour cela, nous allons combiner la puissance d'un moteur de recherche de classe mondiale avec la connaissance collective des internautes chinois. Après des améliorations, notre technologie de recherche est désormais meilleure que nos concurrents mondiaux et locaux. A nous maintenant d'éduquer le marché.

Comment qualifier la croissance de l'Internet en Chine ?
Il s'agit d'une révolution. Quand j'ai lancé un des premiers sites du pays en 1995, il y avait très peu d'internautes. Un peu plus de 10 ans plus tard, il y en a plus de 130 millions, pour quelque 800.000 sites.

Et dans 10 ans ?
Je pense que dans 10 ans il n'y aura plus de distinction entre le on et le offline. Internet et le e-commerce feront parti de la vie des gens au même titre que l'eau aujourd'hui. Pour la nouvelle génération de Chinois, le e-commerce est une seconde nature. C'est beaucoup plus compliqué pour les précédentes générations de faire confiance aux autres, car elles ont vécu la Révolution Culturelle. Pour eux, discuter avec des inconnus ou acheter en ligne est très difficile. La jeune génération est ouverte à la nouveauté.

Quel est votre point de vue sur les tentatives des autorités chinoises de contrôler la liberté de l'Internet ?
Il y a eu beaucoup de débats sur cette question à l'étranger, mais je pense qu'il faut aussi prendre en compte tous les changements positifs que l'Internet à apporté en Chine. Internet donne des opportunités pour les entrepreneurs, mais permet aussi aux gens d'entrer en contact avec des personnes et des idées venant de l'étranger. Cela contribue à améliorer la société.

Les sociétés occidentales font souvent preuve d'arrogance."
Avez-vous l'intention de vous développer à l'étranger ?
Mais notre activité est déjà mondiale ! En fait nous avons essayé en 2000 de nous implanter à l'étranger. Mais la bulle à alors éclaté et nous avons alors décider de suivre une stratégie BtoC pour "Back To China". Maintenant que notre modèle économique est viable (nos revenus viennent principalement des fournisseurs chinois qui nous paient pour promouvoir leurs produits auprès d'acheteurs étrangers), nous sommes prêts à étendre à nouveau notre présence physique. Nous visons d'abord Hong Kong et Taiwan et recherchons des partenariats avec des associations commerciales et d'import-export dans le monde, et particulièrement en Europe.

Comment expliquez-vous les échecs relatifs de sociétés étrangères pour pénétrer le marché chinois ?
L'arrogance est le principal problème. Beaucoup de multinationales viennent en Chine en pensant tout savoir sur les affaires, mais l'environnement en Chine est un peu différent. eBay par exemple croit trop à son modèle et sa technologie américaine. Or il faut construire quelque chose qui marche ici. Car la Chine est un marché unique qui demande des solutions uniques.

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 Qui sont les leaders de l'Internet chinois ?

Est-ce que pour réussir en Chine, une société doit trouver un partenaire chinois ?
Je ne sais pas. Là règle de base est d'écouter le client. Faire des affaires en Chine est facile, mais comme partout ailleurs, c'est plus difficile de réussir.

*Interview réalisée par e-mail

 
 
Propos recueillis par Baptiste RUBAT du MERAC, JDN

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