INTERVIEW 
 
Solenne Blanc
Manager
Greenwich Consulting
Solenne Blanc
"Les gens sont prêts à payer pour la télévision mobile "
Les premières offres 3G ont été lancées, en attendant les expérimentations sur la télévision mobile. Solenne Blanc, manager chez Greenwich Consulting, fait le point sur ce marché émergent qui comporte encore des zones d'ombre.
(06/12/2004)
 
JDN. SFR a lancé son offre 3G grand public il y a près d'un mois. Aujourd'hui, c'est au tour d'Orange. Quel est le véritable potentiel du marché de l'UMTS ?
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Solenne Blanc. Il est prometteur, à condition que les opérateurs 3G proposent des services vraiment innovants. L'UMTS ne doit pas être une simple extension du GPRS. Les contenus devront donc être variés, de la vidéo au téléchargement, en passant par la visiophonie et les services de personnalisation. Il faut savoir que le seul marché de la vidéo sur mobile est estimé à 300 millions d'euros à horizon cinq ans. Pour l'ensemble du marché de la 3G, l'objectif des opérateurs à terme est de faire migrer la totalité de leur parc.

Pensez-vous justement que les activités liées à la 3G seront rentables, au vu des lourds investissements consentis par les opérateurs mobiles ?
Le retour sur investissement (licences et déploiement du réseau) ne se fera pas dans l'immédiat. A priori, tous les utilisateurs ne vont pas basculer tout de suite sur des terminaux 3G, sachant que le rythme de renouvellement d'un mobile est en moyenne de seize mois chez le consommateur et que le territoire ne sera couvert que peu à peu en 3G. Mais la 3G peut être une source de revenus non négligeables pour les opérateurs et constituer de nouveaux relais de croissance en anticipant le risque de baisse des revenus liés à la voix.

Une récente enquête de la Sofres montre que le grand public s'intéresse encore assez peu à la 3G. Existe-t-il vraiment une attente dans ce domaine ?
Peut-être que les gens ont du mal à voir l'intérêt de la 3G pour l'instant. C'est pour cela que les opérateurs doivent absolument mettre en avant les services plutôt que l'innovation technologique. Le discours doit être centré sur les utilisations afin de séduire le grand public. Evidemment, il ne faut pas non plus négliger les terminaux, en mettant en avant le design des téléphones portables, la qualité de l'écran, etc.

N'est-ce pas dû à l'arrivée annoncée de la télévision sur mobile, qui pourrait concurrencer certaines fonctions de la 3G ? 
La télé sur mobile peut à la fois être un concurrent et un complément pour la 3G. Evidemment, la norme DVB-H [Digital Video Broadcasting-Handhelds, norme européenne de diffusion audio/vidéo à destination de terminaux mobiles, ndlr] sera plus efficace en voie descendante que la 3G car elle permet d'aller encore plus loin tout en consommant moins de bande passante. Mais elle pourrait aussi être utilisée comme complément. La 3G s'affirmerait comme le meilleur moyen de visionner de la vidéo à la demande, en streaming, sur des formats courts. Le DVB-H se positionnerait comme un véritable récepteur de télévision mobile. Autrement dit, la télévision mobile par broadcast ciblerait le grand public et avec la 3G, on serait sur des usages de niche, sur un public plus ciblé.

Dès lors, comment les opérateurs peuvent-ils se positionner entre ces deux technologies ? 
Ils auraient tort, tout d'abord, de se priver des services de la 3G. D'autant que le DVB-H ne sera pas généralisé avant trois ans. Bouygues Telecom l'a compris et va développer une technologie quasiment similaire à l'UMTS avec Edge. La seule limite de la 3G, c'est la consommation de capacité réseau, qui peut faire courir un risque de saturation des réseaux en cas de grand succès. Les opérateurs pourraient donc choisir de tester leurs offres vidéo avec la 3G jusqu'à faire cohabiter les deux modes de diffusion : "point à point" avec la 3G et "point à multipoints" avec le DVB-H.

Avec le lancement des premières offres de 3G, se posent la question des usages. Selon vous, qui fournira les contenus ?
Les opérateurs peuvent négocier directement avec les producteurs de contenus (majors, chaînes TV, boîtes de production…). On note aussi l'apparition d'acteurs spécifiques, comme Wonderphone, pour l'agrégation de contenus vidéo accessibles en streaming (bouquets de contenus clé en main pour de la VoD). Ils gèrent la composition du catalogue et la négociation des droits, ainsi que l'adaptation technique des formats pour livraison sur la plate-forme de l'opérateur. Ce positionnement s'apparente à celui de Musiwave pour la musique (lire l'article du 26/11/04).

Il faut que les opérateurs et les fournisseurs de contenu collaborent."

Quel est aujourd'hui l'attitude des opérateurs vis-à-vis des distributeurs de contenu vidéo et des chaînes de télévision ?
C'est tout l'enjeu du Forum sur la télévision mobile ouvert il y a une semaine : que les différents acteurs travaillent ensemble et tirent parti de l'innovation. Les deux types d'acteurs peuvent avoir des intérêts différents, il y a donc une stratégie à définir. Pour l'instant, il existe des liens capitalistiques, par exemple entre Bouygues Telecom et TF1, SFR et Canal+, ou des liens historiques, entre Orange et France Télévisions, qui laissent penser que des accords sont possibles.

Les opérateurs ont réclamé l'attribution d'un bloc de canaux réservés sur la future TNT. Quel en est l'intérêt ?
Posséder un multiplex dédié pour la diffusion de télévision sur mobile. Cela leur permettra, à terme, de diffuser de la vidéo en DVB-H et de gérer le contenu. Tous les acteurs des médias y sont favorables. Le CSA est plus réservé.

Qu'en est-il justement de la régulation sur ce secteur ?
C'est un grand flou. Deux autorités peuvent paraître légitimes : le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) et l'ART (Autorité de régulation des télécommunications). On voit qu'actuellement le CSA tente de se positionner car il y a de nouveaux contenus à gérer, des règles à respecter, mais l'ART a également son rôle à jouer. C'est quelque chose de nouveau, il faut donc trouver une organisation efficace.

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Selon vous, quelles seront les clés du succès - ou de l'échec - de la 3G et de la télévision sur mobile ?
Il faut absolument s'interroger sur les usages qu'en fera le public. Des expérimentations seront donc indispensables. Des études dans plusieurs pays font état d'une véritable demande : les gens sont prêts à payer pour la télévision mobile. Mais il faut cerner les attentes. On peut imaginer, par exemple, que les gens utiliseront plutôt ces services dans les transports. Capter dans le métro pourrait donc devenir un enjeu important. Pour la télévision mobile, en plus des problèmes de normes à régler, il faudra s'interroger sur le contenu : les programmes seront-ils les mêmes que sur les récepteurs de télévision, aux mêmes horaires ? Enfin, un travail important est à réaliser sur les terminaux pour qu'ils soient adaptés et ergonomiques. La taille de l'écran, par exemple, est d'une importance majeure.

 
 
Propos recueillis par Nicolas RAULINE, JDN

PARCOURS
 
 
Solenne Blanc est manager chez Greenwitch Consulting. Elle travaille principalement sur les thématiques suivantes : business planning, stratégie marketing, définition de nouveaux produits, roadmap produit, e-business, organisation, pilotage de projet et conduite du changement dans le domaine des télécommunications et des médias.

Et aussi Diplômée de l'ESSEC en 1995

   
 
 
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