JDN.
SFR a lancé son offre 3G grand public il y a près
d'un mois. Aujourd'hui, c'est au tour d'Orange.
Quel est le véritable potentiel du marché
de l'UMTS ?
Solenne Blanc. Il est prometteur, à condition
que les opérateurs 3G proposent des services vraiment
innovants. L'UMTS ne doit pas être une simple extension
du GPRS. Les contenus devront donc être variés,
de la vidéo au téléchargement, en passant
par la visiophonie et les services de personnalisation. Il faut
savoir que le seul marché de la vidéo sur mobile
est estimé à 300 millions d'euros à horizon
cinq ans. Pour l'ensemble du marché de la 3G, l'objectif
des opérateurs à terme est de faire migrer la totalité
de leur parc.
Pensez-vous justement que les
activités liées à la 3G seront rentables,
au vu des lourds investissements consentis par les opérateurs
mobiles ?
Le retour sur investissement (licences et déploiement
du réseau) ne se fera pas dans l'immédiat. A priori,
tous les utilisateurs ne vont pas basculer tout de suite
sur des terminaux 3G, sachant que le rythme de renouvellement
d'un mobile est en moyenne de seize mois chez le consommateur
et que le territoire ne sera couvert que peu à
peu en 3G. Mais la 3G peut être une source de revenus
non négligeables pour les opérateurs et
constituer de nouveaux relais de croissance en anticipant
le risque de baisse des revenus liés à la
voix.
Une récente enquête de la
Sofres montre que le grand public s'intéresse
encore assez peu à la 3G. Existe-t-il vraiment
une attente dans ce domaine ?
Peut-être que les gens ont du mal
à voir l'intérêt de la 3G pour l'instant.
C'est pour cela que les opérateurs doivent absolument
mettre en avant les services plutôt que l'innovation
technologique. Le discours doit être centré
sur les utilisations afin de séduire le grand
public. Evidemment, il ne faut pas non plus négliger
les terminaux, en mettant en avant le design des téléphones
portables, la qualité de l'écran, etc.
N'est-ce pas dû à
l'arrivée annoncée de la télévision
sur mobile, qui pourrait concurrencer certaines fonctions
de la 3G ?
La télé sur mobile peut à la fois
être un concurrent et un complément pour
la 3G. Evidemment, la norme DVB-H [Digital Video Broadcasting-Handhelds, norme européenne de diffusion audio/vidéo à destination de terminaux mobiles, ndlr] sera plus efficace
en voie descendante que la 3G car elle permet d'aller encore
plus loin tout en consommant moins de bande passante.
Mais elle pourrait aussi être utilisée
comme complément. La 3G s'affirmerait comme le
meilleur moyen de visionner de la vidéo à la
demande, en streaming, sur des formats courts. Le DVB-H
se positionnerait comme un véritable récepteur
de télévision mobile. Autrement dit, la
télévision mobile par broadcast ciblerait
le grand public et avec la 3G, on serait sur des usages
de niche, sur un public plus ciblé.
Dès lors, comment
les opérateurs peuvent-ils se positionner entre
ces deux technologies ?
Ils auraient tort, tout d'abord, de se priver des services
de la 3G. D'autant que le DVB-H ne sera pas généralisé
avant trois ans. Bouygues Telecom l'a compris et va développer
une technologie quasiment similaire à l'UMTS
avec Edge. La seule limite de la 3G, c'est la consommation
de capacité réseau, qui peut faire courir un risque
de saturation des réseaux en cas de grand succès.
Les opérateurs pourraient donc choisir de tester leurs offres vidéo
avec la 3G jusqu'à faire cohabiter les deux modes
de diffusion : "point à point" avec la 3G et "point
à multipoints" avec le DVB-H.
Avec le lancement des premières offres de 3G, se posent la question des usages. Selon vous, qui fournira les contenus ?
Les opérateurs peuvent négocier directement avec les
producteurs de contenus (majors, chaînes TV, boîtes de
production
). On note aussi l'apparition d'acteurs spécifiques,
comme Wonderphone, pour l'agrégation de contenus vidéo
accessibles en streaming (bouquets de contenus clé en
main pour de la VoD). Ils gèrent la composition du catalogue
et la négociation des droits, ainsi que l'adaptation
technique des formats pour livraison sur la plate-forme
de l'opérateur. Ce positionnement s'apparente à celui
de Musiwave pour la musique (lire l'article
du 26/11/04).
|
|
Il faut que les opérateurs et les fournisseurs de contenu collaborent." |
|
Quel est aujourd'hui l'attitude des opérateurs vis-à-vis des distributeurs
de contenu vidéo et des chaînes de télévision ?
C'est tout l'enjeu du Forum sur la télévision
mobile ouvert il y a une semaine : que les
différents acteurs travaillent ensemble et tirent
parti de l'innovation. Les deux types d'acteurs peuvent avoir des intérêts
différents, il y a donc une stratégie
à définir. Pour l'instant, il existe des liens
capitalistiques, par exemple entre Bouygues Telecom
et TF1, SFR et Canal+, ou des liens historiques, entre Orange et France
Télévisions, qui laissent penser que des accords sont possibles.
Les opérateurs ont
réclamé l'attribution d'un bloc de canaux
réservés sur la future TNT. Quel en est
l'intérêt ?
Posséder un multiplex dédié pour
la diffusion de télévision sur mobile. Cela leur permettra,
à terme, de diffuser de la vidéo en DVB-H et
de gérer le contenu. Tous les acteurs des médias
y sont favorables. Le CSA est plus réservé.
Qu'en est-il justement de
la régulation sur ce secteur ?
C'est un grand flou. Deux autorités peuvent paraître
légitimes : le CSA (Conseil supérieur
de l'audiovisuel) et l'ART (Autorité de régulation
des télécommunications). On voit qu'actuellement
le CSA tente de se positionner car il y a de nouveaux
contenus à gérer, des règles à
respecter, mais l'ART a également son rôle
à jouer. C'est quelque chose de nouveau, il faut
donc trouver une organisation efficace.
Selon vous, quelles
seront les clés du succès - ou de l'échec - de la 3G et de
la télévision sur mobile ?
Il faut absolument s'interroger sur les usages qu'en
fera le public. Des expérimentations seront donc
indispensables. Des études dans plusieurs pays
font état d'une véritable demande : les
gens sont prêts à payer pour la télévision
mobile. Mais il faut cerner les attentes. On peut imaginer,
par exemple, que les gens utiliseront plutôt ces
services dans les transports. Capter dans le métro pourrait
donc devenir un enjeu important. Pour la télévision
mobile, en plus des problèmes de normes à
régler, il faudra s'interroger sur le contenu : les programmes seront-ils les mêmes que sur
les récepteurs de télévision, aux
mêmes horaires ? Enfin, un travail important est
à réaliser sur les terminaux pour qu'ils
soient adaptés et ergonomiques. La
taille de l'écran, par exemple, est d'une importance majeure.
|