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Pierre Chappaz
PDG
Wikio
Pierre Chappaz
"Aujourd'hui, lancer un site non interactif serait impensable"
Devinette : quel est le buzz word de ce début d'année, dans la communauté Internet ? Le Web 2.0. Le terme est même classé deuxième dans le top 5 "hot tags" de Technorati. Un concept tellement mis à toutes les sauces que l'on s'y perd. Pierre Chappaz, observateur éclairé du secteur Internet en vertu de son passé de fondateur de Kelkoo et de sa position actuelle de conseiller auprès de l'un des principaux fonds de capital-risque dans les TIC en Europe, Index Ventures, s'est prêté à l'explication de texte. Cet entrepreneur passionné a fait du Web 2.0 l'un de ses sujets de prédilection, postant régulièrement sur ce thème sur son blog. Et surtout, sa nouvelle entreprise, Wikio, se présente comme un moteur de recherche d'actualité Web 2.0.
(13/02/2006)
 
(modifié le 13/02/06 à 10h20))
JDN.
Quelle est votre définition du Web 2.0 ?

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 Pierre Chappaz
  Le site
Wikio.fr
Indexventures.com
Pierre Chappaz. La notion de Web 2.0 est un peu le porte-drapeau d'une nouvelle génération de sites Internet. Elle regroupe deux grands changements. Le premier est lié à l'intervention des utilisateurs dans les services Web. Les sites du Web 2.0 sont des sites beaucoup plus interactifs, dans lesquels les utilisateurs sont plus actifs et contribuent au contenu. Ces sites ne sont plus dans une logique "top-down", mais "bottom-up", dans laquelle les services sont orientés et dirigés par les utilisateurs. De ce point de vue, le Web 2.0 n'est pas nouveau car cette logique correspond au rêve de l'Internet depuis le début. Ce qui est nouveau, c'est que cela devienne une réalité.

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 Voir un exemple de navigation par tag sur Fotolia.fr
Le deuxième changement est lié à des phénomènes techniques. Ajax (lire l'article du JDN du 08/02/06) et d'autres langages de programmation permettent désormais de concevoir des sites plus jolis, plus interactifs, plus souples et plus personnalisables, aussi bien en matière de contenu que d'apparence, à l'image de Netvibes (lire l'article du JDN du 28/10/05). Le hic, c'est qu'Ajax est très mal supporté par Google en termes de référencement. D'autres évolutions techniques, comme la navigation par tags, ont permis l'apparition d'une génération de sites plus lisibles et plus design. Le tag est un mot-clé associé à un contenu. Pour faciliter la recherche sur un site, l'éditeur du site ou le contributeur peut associer des tags à son contenu, constituant ainsi une indexation thématique du contenu pour une navigation de deuxième niveau. Dans Wikio, nous allons proposer cette navigation en premier niveau.

Pouvez-vous citer quelques exemples de sites Web 2.0 ?

Il existe en fait très peu de sites Web 2.0 en France. Fotolia, Zlio, une communauté d'acheteurs, et Netvibes sont de bons exemples. Aux Etats-Unis, citons Digg, un gigantesque blog collectif, le service de partage de photos Flickr et de bookmarks Del.icio.us, qui appartiennent à Yahoo, Frappr, un équivalent de Google Maps, Trulia, un site immobilier de génération, ou encore Technorati, qui en dehors d'être un moteur de recherche de blogs, intègre le référencement par tags.

Le concept du Web 2.0 peut-il s'appliquer à tous les secteurs de l'Internet ?
Sur le critère de la participation des internautes aux sites Web, le Web 2.0 concerne tout le monde. Par exemple, les médias permettent de plus en plus aux lecteurs de poster des commentaires ou de publier des blogs. Je ne pense pas qu'il restera beaucoup de sites purement "top-down", à quelques exceptions près, comme le Journal Officiel par exemple !

Le Web 2.0 symbolise la fin de la traversée du désert"
Vous donnez des exemples concrets qui permettent de délimiter les contours du concept de Web 2.0. Pourquoi a-t-on l'impression, malgré tout, que ce terme sonne souvent creux et comment expliquez-vous le débat autour de l'existence d'un Web 2.0 ?
Le terme n'est certainement pas creux. A la limite, il serait plutôt trop plein… La controverse vient des techniciens de l'Internet, qui disent que sur le plan technologique, il n'y a pas de révolution. Et pour eux, tout ce qui est médiatique est suspecté d'être uniquement marketing. Pour moi, le terme n'est pas encore galvaudé. Simplement, il est normal que tous les sites qui se lancent se réclament du Web 2.0, car lancer aujourd'hui un site non interactif serait impensable.

La naissance du concept de Web 2.0 n'est-elle pas finalement une construction intellectuelle destinée à faire vendre des idées et à persuader les acteurs du secteur et les observateurs que les choses ont changé ? Une façon d'oublier la bulle… ?
Je suis assez d'accord. C'est l'explication macro-économique du Web 2.0. En 99-2000, il y a eu la première génération de sites. Ensuite, le Web a été enterré et ce fut la traversée du désert jusqu'en 2005, qui a vu une nouvelle vague de créations de sites. Aujourd'hui, le jugement sur le Web a changé. On ne peut plus dire que l'Internet, c'est du vent. Les financiers sont revenus, les entrepreneurs de la première génération se lancent dans une deuxième tentative, c'est mon cas, et de nouveaux apparaissent.

Demain, tout le monde aura son blog"
Si l'on vous suit, il est réaliste de penser que le concept va progressivement s'étendre à l'ensemble de la Toile. Mais les internautes ne peuvent pas passer leur temps à produire du contenu pour le Web ?
Pour l'instant, ça leur plaît. Les blogs en sont la preuve la plus visible. Je pense que demain, tout le monde possèdera son blog, qui sera son représentant virtuel sur le Web. Il existe bel et bien une très forte envie de s'exprimer.

Il semble que les professionnels l'ont bien compris : les marques demandent aux internautes de créer des campagnes de publicité via des concours en ligne, de faire la promotion de leurs produits en passant par les réseaux d'influence du Net, les médias font écrire des articles à leurs lecteurs… Tout ça gratuitement. N'y a-t-il pas un moment où les internautes vont réclamer un dû ?
Pas tant que l'échange est bénéfique pour tout le monde. Les internautes aussi y trouvent leur compte.

Ce rapport gagnant-gagnant est-il valorisé économiquement pour les entreprises ? Parmi les exemples de sites Web 2.0 que vous citez, beaucoup sont gratuits ou ont été achetés très chers avant d'être rentables. Le RSS et les blogs, figures du Web 2.0, semblent avoir du mal à trouver un modèle économique...
Certaines sociétés du Web 2.0 ont un modèle économique, comme Fotolia ou Trulia. A côté, il y a des sites plus expérimentaux, ou qui génèrent beaucoup d'audience sans posséder de modèle de revenus, comme Flickr. Ceux-là ont un potentiel. On peut par exemple imaginer que Flickr propose à tout le monde de vendre ses photos.

Le Web 2.0 change le rapport de forces en faveur des consommateurs"
Pour revenir à la "contribution" des internautes, n'y a-t-il pas un risque qu'elle ne finisse par se retourner contre les entreprises ? Jusqu'où redonner le pouvoir aux consommateurs ?
Ce n'est jamais que la continuité des groupes de pression qui existent offline, des pétitions, etc. La différence, c'est la facilité et la puissance de communication des consommateurs, dont les marques sont obligées de tenir compte. Cela change le rapport de force, en faveur des consommateurs.

En tant que conseiller auprès d'Index Ventures, travaillez-vous sur des projets Web 2.0 ?
Oui, quatre ou cinq. L'un d'entre eux est FON (lire l'interview du JDN du 25/01/06), un projet de réseau WiFi mondial partagé. Index est leader sur le tour de table de 18 millions d'euros bouclé début février, auquel participe également Google, Skype et Sequoia. Le Web 2.0 est une vraie tendance dans le deal flow. Mais le projet Web 2.0 sur lequel je passe le plus de temps est mon projet personnel, Wikio, qui vise à fédérer cette information produite par les internautes et disséminée sur des milliers de sites.

Qu'est-ce que Wikio, exactement ?
Wikio référence 10.000 sites, contre 500 pour Google"
C'est un moteur de recherche d'actualité Web 2.0, qui va permettre de chercher de l'information dans tous types de sites, dont les blogs, ainsi que dans les articles publiés directement sur Wikio. Quand je parle d'actualité, c'est au sens large : il ne s'agira pas forcément de sujets d'actualité au sens médiatique du terme. Le moteur s'appuie énormément sur les flux RSS et sur une technologie qui permet de générer un flux RSS sur un site qui n'en propose pas. De cette manière, nous avons déjà référencé 10.000 sites dans le monde francophone. En comparaison, Google News France n'affiche que 500 sites. Nous essayons par ailleurs d'aller plus en profondeur dans le référencement des sites d'information en la catégorisant le plus possible. L'idée est de proposer un moteur capable d'aller chercher l'information pertinente sur tous les sujets. La recherche offre des résultats sous la forme d'un titre et d'un chapeau, avec le lien sur l'article complet. L'ordre d'affichage est déterminé par un algorithme d'analyse du texte, pour la pertinence, et par le vote des internautes.

Le nom du moteur, Wikio, évoque les wikis. Quelle est la relation entre les deux ?
Il existe un wiki sur Wikio, mais ce n'est pas une plate-forme de wikis. En revanche, Wikio est bien dans l'esprit des wikis, un esprit de partage.

Quand sera lancé le site ?
En France, fin février - début mars. Nous avons déjà recueilli plus de 1.000 inscriptions de futurs bêta testeurs. Nous travaillons déjà sur les versions allemande, anglaise, italienne et espagnole.

  Le site
Procab.com
Pour lancer Wikio, vous avez créé une nouvelle société. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Wikio est basée au Luxembourg, pour faire référence à Skype et pour des raisons pratiques. Le capital est réparti en plusieurs actionnaires. L'équipe, qui travaille depuis plus d'un an sur le projet, compte une demi-douzaine de personnes, et nous travaillons aussi avec des sociétés extérieures pour le design, réalisé par Procab, et pour différentes briques technologiques.

Quel est le modèle économique de Wikio ? Pour le financement, avez-vous l'intention de lever des fonds ?
Les revenus seront probablement uniquement générés par les liens sponsorisés. Cela signifie que nous devons atteindre un trafic très important. Nous signerons avec un réseau de liens sponsorisés existant. Nous visons la rentabilité en 2008 si tout va bien. Nous n'allons pas lever de fonds tout de suite, mais c'est très probable ultérieurement.

Comment allez-vous faire connaître votre site, pour atteindre le niveau de trafic dont vous avez besoin ?
Le plus important sur le Web, c'est le bouche-à-oreille. Nous allons nous appuyer sur la blogosphère en impliquant les blogueurs influents dans les bêta tests et dans le projet. Ensuite, nous espérons que le service plaira et bénéficiera d'un bon bouche-à-oreille.
 
 
Propos recueillis par Raphaële KARAYAN, JDN

PARCOURS
 
 
Voir la fiche de Pierre Chappaz dans le Carnet des Managers.

   
 
 
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