FINANCE 
 
Thierry Chetrit
Président
Intuitu Capital
Thierry Chetrit
"La concentration dans les NTIC est en marche"
Pour la société de conseil stratégique et financier, le mouvement de consolidation qui se dessine s'appuie sur des bases saines. Le rythme des fusions-acquisitions peut donc s'accélérer.
(10/10/2005)
 
JDN. Quels sont, selon vous, les principaux facteurs favorisant des mouvements de fusions-acquisitions ?
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Dossiers Capital-risque
2005, l'année des IPO?
Thierry Chetrit. Dans le secteur des nouvelles technologies comme ailleurs, on distingue deux grands types de motivations pour la croissance externe. Tout d'abord, l'acquisition pour "grossir". Dans des secteurs matures et concurrentiels, les sociétés ont besoin d'atteindre une taille critique, faire des économies d'échelle et rationaliser leurs activités pour rester compétitives. C'est dans ce cadre que beaucoup d'opérations interviennent dans les secteurs de l'industrie traditionnelle. Le deuxième type de motivation concerne plus des secteurs en fort développement. Dans ce cas, il s'agit de prendre des positions pendant que le marché est en construction et les places accessibles. Les facteurs qui concourent à la réalisation d'opérations sont par la suite multiples : appétit stratégique et moyens financiers de la part des acquéreurs, sociétés devant s'adosser ou être transmises, restructuration et recentrage stratégique des groupes, liquidités, confiance en l'avenir...

Ces facteurs sont-ils réunis aujourd'hui dans le secteur des NTIC ?
Oui et de manière différente selon les segments dont on parle. Dans les seules télécoms, un bon exemple, on assiste aussi bien à des opérations de maturité, la concentration des opérateurs classiques à l'échelle européenne, qu'à des investissements dans l'avenir avec le rachat de nouvelles technologies, de nouveaux modèles. Les opérateurs fixes et mobiles sont en quête de taille, de rayonnement maximum et d'élimination d'une concurrence dure quand elle s'exerce. Il est à noter que la phase de concentration des années 2000 a échoué car les acquisitions ont été faites sur de mauvaises bases financières. Elle semble s'organiser de manière plus rationnelle aujourd'hui. Le marché des logiciels est un autre exemple significatif. Dans l'Internet, les modèles viables se sont validés et il s'agit désormais de prendre des positions pendant qu'il en est encore temps.

La confiance est-elle vraiment revenue au plan financier ?
Oui. Les récentes opérations sont là pour nous le prouver. Il y a quand même une petite dose de réalisme qui n'existait pas en 2000. Ceci dit, confiance ne veut pas dire assurance. Les opérations, justifiées aujourd'hui, ne sont pas à l'abri de retournements de la conjoncture et des marchés. La confiance permet simplement de parier sur l'avenir. Le rachat de Skype par eBay nous le montre. Dans ce cas, les synergies ne sont pas évidentes. Ce n'est pas le fait que les clients d'eBay puissent utiliser le logiciel de VoIP de Skype qui a motivé la valorisation payée par eBay. Si c'était le cas, nous pourrions nous faire du souci pour la qualité du management d'eBay ! La vraie motivation est plutôt à chercher dans le fait que d'ici deux ans, 30 % des gens utiliseront Internet pour téléphoner. Il s'agit bien d'un pari. C'est à la fin du marché qu'on connaît le prix.

Dès lors, quel regard portez-vous sur les opérations de fusions-acquisitions récentes dans le domaine des NTIC ?
Au-delà de l'exemple de Skype, nos activités de conseil en fusions-acquisitions nous poussent aujourd'hui vers des opérations de concentration dans les NTIC, plutôt que dans des investissements sur des start-ups. Sauf évidemment lorsque les start-ups sont dignes de valorisations comme Skype. Et en tant qu'acteurs de la structuration des entreprises à l'échelle européenne, nous apprécions que l'économie technologique se consolide.

Cette consolidation n'aurait-elle pas pu arriver plus tôt ?
La consolidation aurait pu avoir lieu il y a deux ou trois ans. Des groupes dotés de moyens financiers auraient pu alors constituer des pôles de concentration énormes. Mais, à ce moment là, plus personne ne croyait aux NTIC et tous faisaient face aux mêmes difficultés. Aujourd'hui, les entreprises technologiques sont assainies et certaines disposent d'importantes réserves de cash et d'une bonne "monnaie papier" du fait de capitalisations élevées.

N'y a-t-il pas toutefois un nouveau risque de bulle spéculative, comme c'est le sentiment du PDG de France Télécom Didier Lombard ?
Les valorisations ne sont pas insensées, à part quelques cas"
Il ne faudrait pas, en effet, retomber dans le même phénomène qu'en 2000. Ce risque n'est pas propre à Internet : on constate une légère surchauffe pour l'ensemble de l'économie à l'échelle de la planète, des matières premières aux NTIC, des introductions en Bourse aux LBO. Il y a un enthousiasme évident, mais les sociétés disposent de liquidités importantes, et les valorisations ne sont pas insensées à part quelques cas marginaux. Nous sommes très loin de ce qui se passait en 2000.

Vous ne trouvez donc pas les sociétés high tech surcotées ?
Non, les valorisations sont certes à la hausse, mais pas irrationnelles. Aujourd'hui, les capitalisations boursières qui paraissent élevées prennent en compte des prévisions de croissance fortes sur des modèles avérés et rentables. En 2000, ce n'était pas le cas : il s'agissait de brillantes constructions intellectuelles. Aujourd'hui, les valeurs d'entreprises de sociétés Internet cotées, notamment aux Etat-Unis, se situent pour l'essentiel dans une fourchette de deux à quatre fois le chiffre d'affaires. Compte tenu des taux de croissance affichés, il n'y a rien de grave en ce qui concerne l'appréciation intrinsèque des sociétés. Par contre, tout accident général de marché est possible. Mais ça, il faut vivre avec, ou ne jamais investir...

Dans le cas de Meetic, une valorisation à plus de sept fois le chiffre d'affaires ne vous apparaît pas déraisonnable ?
Meetic ? J'achète."
Depuis sa création, Meetic fait figure d'extra-terrestre. Révolutionner les modalités de rencontre des gens, qu'est-ce qu'Internet pouvait faire de mieux ? En ce qui concerne l'IPO, je ne suis pas du tout choqué par les modalités. Le modèle est sain. La société a des perspectives de croissance d'activité et de rentabilité et elle a un management de grande qualité. La valeur affichée correspond à six fois le chiffre d'affaires de l'année en cours mais seulement trois fois celui de 2006. J'achète.

Quelles différences voyez-vous entre aujourd'hui et il y a quatre ou cinq ans ?
En ce qui concerne les opérations de fusions-acquisitions dans les NTIC, elles sont aujourd'hui plus réfléchies et pertinentes stratégiquement, mieux préparées et exécutées. Elles respectent des critères de faisabilité financière. Les NTIC se comportent désormais comme d'autres secteurs plus classiques dans le domaine.

Et en matière de management ?
L'écrèmage a porté ses fruits. Restent les bons chefs d'entreprise, entreprenants et gestionnaires.

Quelles seront, selon vous, les faits marquants des prochains mois ?
Nous devrions assister au développement des LBO dans les NTIC"
Nous pensons que les opérations dans le domaine technologique vont être influencées par plusieurs facteurs. Tout d'abord, le Nasdaq est à son plus haut depuis quatre ans. En France, nous apprécions l'envol d'Alternext qui nous permet enfin de disposer d'un outil adapté. Inévitablement, les introductions en Bourse devraient s'enchaîner. Les sociétés high-tech vont pouvoir lever des fonds et assurer en partie leur liquidité. Pour bien se développer, Alternext devra néanmoins être sélectif. La valeur des entreprises technologiques et Internet devrait augmenter. Par ailleurs, nous devrions assister au développement des LBO dans les NTIC. Jusque-là, dans les NTIC, capital-investissement rimait avec capital-risque. Désormais, les entreprises technologiques seront éligibles au LBO et deviendront des cibles pour les acquéreurs financiers.

Les NTIC vont-ils redevenir l'un des secteurs privilégiés de votre société ?
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Dossiers Capital-risque
2005, l'année des IPO?
J'ai créé Intuitu Capital en 1998. Nous avons bénéficié de l'opportunité qu'offraient les NTIC dans cette période et jusqu'en 2001. Heureusement pour Intuitu Capital, nous nous sommes diversifiés depuis et sommes actifs dans de multiples secteurs et à l'échelle internationale grâce à notre réseau. Néanmoins, nous sommes ravis que le secteur se ravive. D'ailleurs, pour nous renforcer dans le domaine, nous venons d'accueillir un spécialiste des opérations de fusions-acquisitions dans le domaine des technologies avancées : Georges Hazan. Georges est spécialisé dans le domaine depuis 20 ans, en particulier sur le marché nord-américain. Il dirigera la Practice "Information and Communication Technologies" (ICT) de Clairfield, notre réseau, au niveau mondial.
 
 
Propos recueillis par Nicolas RAULINE, JDN

PARCOURS
 
 
Thierry Chetrit, 40 ans, est président-fondateur d'Intuitu Capital, société de conseil en fusions-acquisitions, placement privé et investissement. D'abord spécialisée dans le domaine des NTIC, Intuitu Capital s'est, depuis, diversifié et étendu ses domaines de compétence. Il a conseillé conseillé plus de 60 opérations d'acquisitions, cessions, levées de fonds ou LBO.

En 2002, Thierry Chetrit négocie la reprise de la représentation française du réseau international de M&A Translink. En 2004, il co-fonde Clairfield Corporate Finance, réseau international de conseil en fusions-acquisitions et corporate finance, qui possède 8 bureaux et 120 collaborateurs.

Avant de fonder Intuitu Capital en 1998, il était directeur général de BBDO France (Omnicom Group)

Thierry Chetrit a débuté sa carrière chez Price Waterhouse Coopers.

   
 
 
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