JDN.
Que retenez-vous de cette journée de réflexion autour
de la relation client sur le Web, quelle grande tendance
s'est dégagée ?
Henri Kaufman. De nombreuses marques et agences
étaient présentes, mais aussi, et c'est plus exceptionnel,
des universitaires. Ils possèdent une réflexion plus
globale sur les nouveaux paradigmes de l'Internet, contrairement
à nous qui avons beaucoup moins de recul. Mais c'est
vrai aussi qu'Internet est tout récent et donc nous
commençons seulement à entrevoir l'intérêt des études
typologiques des internautes, qui, pour un faible coût
donnent beaucoup d'informations.
Au cours de cette journée je me suis rendu compte qu'il
existait énormément de thèses universitaires sur les
clients qui ne sont pas exploités et dont les contenus
pourraient fortement nous intéresser. Je pense donc
que nous devrions nous pencher sur la possibilité de
nous inspirer du travail des chercheurs, et en retour
nous pourrions leur fournir des cas pratiques intéressants.
En fait, avec Internet on voit émerger un modèle de
marketing presque scientifique, comme le préfigure un
réseau tel que Petris. Un modèle auquel nous, les agences
traditionnelles, devrons nous adapter pour consolider
nos connaissances et remettre en question nos certitudes
pour proposer des concepts efficaces à nos clients.
Comment
envisagez-vous cette transformation ?
Le risque du e-marketing actuellement vient du spamming :
il y a un effet boomerang, car les clients reçoivent
beaucoup trop d'e-mails. Cela créé un effet de harcèlement
qui va à l'inverse du résultat escompté. A l'avenir,
la fidélisation doit donc être plus sophistiquée, il
faut réinventer les systèmes que nous utilisons actuellement
pour séduire en s'adaptant vraiment à la cible. La segmentation,
le one-to-one et l'analyse des CRM sont les clés qui
vont nous permettre de réduire la distance émotionnelle
entre le client et nous. Cette tendance se confirme
actuellement par l'émergence de marques et d'agences
vraiment spécialisées sur le media Internet.
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Les
ventes privées et le parrainage représentent
un nouveau modèle efficace" |
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Quels secteurs vous semblent
les plus avancés en matière de relation
clients online ?
Dans certains secteurs, comme celui du voyage, le marché
du Net est en train de devenir mature, en proposant de
nouveaux concepts adaptés au media Internet et aux consommateurs.
Le démarrage a été lent pour Voyages-sncf et Expedia par
exemple, mais une fois en route on voit qu'ils avaient
choisi le bon modèle. Les ventes privées et leurs systèmes
de parrainage représentent aussi un nouveau modèle efficace
qui se base sur la rareté, le privilège.
Comment les agences de publicité
traditionnelles peuvent-elles - et doivent-elles -
s'adapter à ces nouveaux modèles ?
Pour s'adapter aux modèles de relations émergeants, basés
sur le capital sympathie d'une marque ou d'un produit
et synonymes d'une transformation plus globale, les agences
de pub doivent changer en étant plus réactives et en proposant
des prestations moins chères et plus innovantes. Nous
devons créer des relations intelligentes avec les
clients. Le marketing viral, par exemple permet de toucher
des millions de personnes pour un investissement faible.
Le modèle d'agence à suivre c'est La Chose, une espèce
de mosaïque de talents qui après à peine deux ou trois
compétitions remporte le marché Ikea [lire l'interview
de La Chose du JDN].
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Les
marques ont tout intérêt à
construire leurs idées avec les clients" |
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Quelle est la place des communautés
d'internautes dans la construction de ces nouveaux systèmes
marketing ?
Les communautés font la tendance en dehors des marques,
elles créent le buzz autour d'un produit ou d'une marque
sur des forums ou des blogs. Les marques ont donc tout
intérêt à construire leurs idées avec les clients ;
en les impliquant dans la conception de leurs produits,
leur fidélisation devient ainsi naturelle. Le client achètera
facilement le produit issu de cette collaboration one-to-one
avec la marque. Pour la marque c'est une excellente façon
de se différencier que d'agir comme cela ; en proposant
un produit ou un mode de diffusion différent et intelligent
en collaboration avec son client, elle se positionne comme
pionnière : "early mover". A l'inverse,
si une marque n'est pas présente dans les discussions
des communautés, elle risque de ne pas être présente du
tout sur le Net. Une marque doit répondre aux questions,
elle doit être pédagogue avec les consommateurs en utilisant
un blog par exemple.
Pourtant beaucoup de marques
sont encore réticentes à l'idée d'animer un blog, non ?
Souvent elles ne connaissent pas les blogs,
donc comme tout ce qui est inconnu fait peur
D'ailleurs
la plupart d'entre elles ne savent pas ce qu'un blog pourrait
leur apporter. C'est pour cela que j'ai créé un blog :
en voyant ce qui se fait de l'intérieur, je peux en parler
comme de quelque chose que je connais et le conseiller
à mes clients. Les bloggueurs écrivent concrètement ce
qu'ils pensent d'un produit qu'ils ont en main, et non
d'une idée ou d'un concept, ils en font la communication
eux même. C'est ce qu'on appelle le buzz. Un buzz négatif
représente un risque important pour la marque concernée,
surtout si celle-ci n'est pas présente et ne réagit pas
aux attaques. Lorsque Leclerc a eu un problème de viande
hachée avariée par exemple, Michel-Edouard Leclerc a eu
le bon comportement en expliquant les raisons de l'erreur
sur son blog ; en ouvrant le dialogue il a repris la maîtrise
de sa communication. Le dialogue avec les consommateurs
devient un élément clé, et pour qu'il soit efficace les
marques doivent trouver la bonne distance avec les clients.
Mais tenir un blog est un investissement
en termes de temps que les marques n'ont peut-être pas
envie de faire ?
Oui c'est vrai que cela prend du temps,
mais à part ça, ça ne coûte rien. Moi par exemple, je
prends deux heures le soir pour mettre mon blog à jour
au lieu de regarder la télé. D'ailleurs je pense qu'il
y a un transfert d'occupation sur l'Internet par rapport
à la télé. Les chaines de télévision doivent
en tenir compte. C'est pourquoi d'ailleurs certaines d'entre
elles, comme TF1 s'intéressent de plus en plus aux situations
de mobilité.
La géolocalisation a également
été évoquée pendant la conférence. Que penser de cette
méthode proposant au consommateur des publicités
ciblées en fonction de l'endroit où il se trouve ?
Pourquoi pas mais il faut à tout prix
que le client soit d'accord, et donc pour cela lui demander
son avis, car cela reste intrusif, et le client n'est
pas aussi philanthrope qu'on aimerait qu'il le soit !
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