INTERVIEW 
 
Jean-Fabrice Mathieu
PDG
Kelkoo
Jean-Fabrice Mathieu
"Nous allons lancer le pay-per-call en France début 2006"
En pleine période des fêtes, Kelkoo n'en oublie pas pour autant de regarder vers l'avenir. Pay-per-call, services mobiles, "social shopping", couverture internationale... Un an et demi après l'acquisition du shopbot par Yahoo, son PDG Jean-Fabrice Mathieu fait le point sur les chantiers du comparateur.
(07/12/2005)
 
JDN. A quelques jours des fêtes de fin d'année, quel regard portez-vous sur l'état de l'e-commerce ?
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 Kelkoo
 Jean-Fabrice Mathieu
Jean-Fabrice Mathieu. La croissance continue à être forte. Les secteurs historiques de l'e-commerce, l'électronique grand public, les voyages et les biens culturels, continuent de tirer les ventes. Mais, pour ce qui nous concerne, nous avons aussi pu constater l'émergence de secteurs nouveaux, comme l'automobile. Certains univers comme la santé-beauté, les loisirs, maison et jardin, ou la mode connaissent une croissance à trois chiffres.

La situation est-elle la même partout en Europe ?
Globalement, la croissance est forte partout, mais l'on a pu constater, avec notre implantation sur une dizaine de marchés européens, des particularités pour chaque pays. Ainsi, dans les 20 premières requêtes effectuées en Italie, 17 concernent des téléphones portables. En Allemagne, les objets pratiques, l'outillage et le bricolage sont très populaires. Et puis, il y a les classiques de ces fêtes de fin d'année : la X-Box et les consoles de jeux en général, l'iPod, les lecteurs MP3...

Comment gérez-vous le moteur de recherche spécial Noël que vous avez mis en place sur le site ?
Quasiment tous les marchands y figurent. En général, ils ont choisi d'y placer leurs têtes de gondoles. Mais au final, c'est notre équipe éditoriale qui a la main et qui tend à pousser les produits plébiscités par les internautes. L'équipe n'a, dans cette démarche, aucune idée du prix du clic payé par les différents marchands, s'il nous rapporte 20, ou 30 centimes... Il s'agit d'un service fourni à l'internaute, un outil de fidélisation, qui génère beaucoup de trafic. De toute façon, notre modèle économique est clair : il repose sur un équilibre maîtrisé entre la satisfaction du marchand et celle de l'internaute.

Où en est l'audience de Kelkoo ? Le mois de décembre est-il crucial pour vous ?
Nous sommes dans le top 2 ou 3 des sites d'e-commerce. Pour les fêtes de fin d'année, bien sûr, nous faisons face à une forte hausse d'activité, mais notre croissance est encore plus forte en janvier qu'en décembre. Cette année encore, l'activité devrait être très soutenue jusqu'à fin janvier, et notre dispositif "soldes" sera évidemment reconduit.

Un an et demi après l'acquisition de Kelkoo par Yahoo, quel bilan en tirez-vous ?
L'intégration s'est faite très rapidement, mais sans que cela ne soit trop brusque. Les dirigeants de Yahoo sont des gens intelligents, ils ont compris quel intérêt ils pouvaient tirer, par exemple, de la conservation de la marque Kelkoo, qui disposait d'une forte crédibilité et d'une image positive. Ensemble, nous avons pu bâtir des services en commun. Nous produisons ainsi la rubrique voyages de Yahoo en Europe, et la catégorie automobile a été le fruit d'une étroite collaboration entre nos équipes. Les équipes de Kelkoo réalisent également la chaîne shopping de Yahoo en Asie. A l'heure où l'on parle tant de délocalisations, nous faisons exactement l'inverse, puisque notre personnel de Grenoble travaille pour Taïwan !

Nous expérimentons un service sur mobile"
Sur quoi cette proximité peut-elle déboucher à l'avenir ?
Nous explorons en effet de nouvelles pistes ensemble. Nous avons déjà bien avancé du point de vue technologique et nous allons continuer à mettre nos forces en commun. L'une des vertus de Yahoo est de ne jamais tuer les capacités d'innovation, nous avons pu le constater. Ainsi, nous avons vocation à être multi plates-formes. Même s'il ne sert à rien d'être trop en avance sur le mobile, nous expérimentons cette voie. Nous allons tester un service sur i-Mode et expérimentons déjà un site Wap au Royaume-Uni, qui permet une convergence forte, avec par exemple la possibilité d'appeler directement un numéro proposé sur le site.

Justement, cette question de la mise en relation téléphonique est au coeur des préoccupations de plusieurs acteurs du marché. Est-ce le cas pour vous aussi ?
Oui, nous allons d'ailleurs lancer en tout début d'année 2006 le pay-per-call en France. Il est déjà en place au Royaume-Uni. Nous sommes partis du constat qu'il y avait un intérêt, sur certains produits, à passer du Web au téléphone. Cela peut améliorer le taux de transformation, notamment pour les produits financiers, les séjours, l'immobilier et l'automobile. Il s'agit tout simplement d'indiquer un numéro de téléphone au moment de l'achat, réservé aux clients de Kelkoo, et éventuellement de proposer le rappel par le marchand. Ce service ne sera pas généralisé, il faut que cela apporte vraiment quelque chose.

Est-ce que le pay-per-call va changer votre modèle économique ?
Cela ne révolutionnera pas notre modèle, car nous pensons que cela ne peut s'appliquer qu'à quelques cas. Mais il est certain que les marchands concernés étant prêts à payer plus cher pour un appel qualifié, ce type de liens sera beaucoup plus rémunérateur pour nous. On estime qu'ils représenteront de quatre à dix fois le prix d'un clic. Cela permettra deux choses : tout d'abord aller chercher des marchands qui, jusque là, étaient réticents à apparaître sur Internet, des petits commerçants par exemple, qui connaissent très bien les retombées d'un appel mais ont plus de mal à évaluer l'impact d'un clic. Ensuite, cela ouvre la voie à la recherche localisée. On devrait bientôt aussi pouvoir orienter l'utilisateur automatiquement vers une boutique physique.

2006 sera l'année du 'me-commerce' "
Quelles sont les autres grandes orientations pour Kelkoo dans les mois qui viennent ?
Nous sommes convaincus que 2006 sera l'année du "me-commerce". L'internaute recherche de plus en plus d'information, c'est à nous de lui offrir de plus en plus de contenu, sur les produits, sur les marchands, sur les tendances. Nous publions donc désormais les avis des consommateurs sur les produits que nous référençons. C'est aussi une nécessité avec l'explosion du nombre de marchands sur Internet. Certains sont connus, d'autres moins. Il est indispensable de s'y retrouver. Et les avis des consommateurs sont le meilleur moyen pour donner confiance ou non à un autre consommateur. Par ailleurs, nous assurons nous-mêmes un suivi de l'achat. Dix jours après une commande passée chez un marchand via notre site, nous envoyons un e-mail aux internautes qui nous en ont donné l'autorisation. Nous leur demandons s'ils sont satisfaits du produit, s'ils ont eu affaire avec le service clients du marchand, etc. Ces nouvelles fonctionnalités connaissent un démarrage foudroyant.

Quels sont les autres services "me-commerce" sur lesquels vous réfléchissez ?
On peut envisager plein de choses : il s'agit d'adapter au shopping le "Web 2.0", faire en quelque sorte du "social shopping". Cela peut prendre la forme de forums, de flux RSS, de blogs... Tous ces développements sont très excitants. A l'avenir, l'achat se fera dans un environnement social, au sein d'un réseau.

L'arrivée de Shopping.com et Shopzilla nous a forcé à nous remettre en question"
La publication des avis, la notation des marchands existent déjà chez Shopping.com ou Shopzilla. L'arrivée en Europe de ces concurrents américains vous a-t-elle incité à développer vous aussi les avis ?
C'est certain : dans ce domaine, les Etats-Unis nous ont montré la voie. Nous sommes bien sûr guidés par ces nouveaux concurrents, mais aussi par Yahoo Shopping, qui a déjà développé ce type de services. L'arrivée de Shopping.com et de Shopzilla nous a forcé à nous remettre de nouveau en question, mais chez nous, cela a toujours été le cas. Sur certains services, ils sont peut-être un peu en avance, mais avec le trafic que nous générons en Europe, nous sommes en mesure de combler ce retard.

Cette accélération soudaine de la concurrence ne vous inquiète donc pas, ni même le projet de Google, Froogle ?
Une étude récente de Hitwise indiquait que nous générions quatre fois plus de trafic qualifié que nos poursuivants. Nous avons donc encore de la marge. Les premiers retours sur le marché britannique, où Shopping.com s'est installé, nous sont plutôt favorables. Bien sûr, quand nous avons vu arriver Google, nous étions moins rassurés, ils ont une telle puissance de feu que l'on ne peut pas les ignorer. Mais finalement, Froogle pourrait engendrer un processus auto-limitatif. Ce n'est pas si rentable pour Google d'envoyer du trafic sur Froogle. Pour nous et Yahoo, la situation est différente puisque nous disposons déjà d'une identité forte, les gens viennent spontanément sur Kelkoo.

La concurrence n'a pas eu d'impact sur les prix"
L'arrivée de ces concurrents va-t-elle exercer une pression à la baisse sur le montant de vos commissions ?
Je ne pense pas. Les prix sont bien établis, nous fixons des planchers par catégorie et, au-delà, nous ne forçons personne à payer. Pour l'instant, en tout cas, l'accroissement de la concurrence n'a eu aucun impact direct sur les prix. La situation pourrait changer si l'un des nouveaux acteurs faisait une percée considérable au niveau du trafic, mais ce n'est pas le cas pour l'instant. Toujours est-il que cela fait une saine émulation, qui ne peut être que bénéfique. Et cela montre tout le dynamisme et l'intérêt du marché européen.

Le marché semble de plus en plus globalisé. Où en êtes-vous de la couverture internationale de Kelkoo ?
Nous avons lancé récemment Kelkoo en Australie et à Taïwan. Au premier trimestre 2006, nous allons nous implanter sur un autre gros pays.

Quels sont vos objectifs pour l'année 2006 ?
Nous devrions être en mesure de prendre une position de leader sur l'automobile en France et au Royaume-Uni, en termes d'offres en ligne, de chiffre d'affaires généré et de nombre de partenaires. C'est en tout cas notre objectif. Dans le secteur du tourisme, il s'agira de continuer à renforcer nos partenariats avec les agences de voyage en ligne, afin d'être les premiers en Europe. En règle générale, nous souhaitons continuer à apporter de la valeur ajoutée sur tous les secteurs, et à contribuer au développement de l'e-commerce. Nous allons également déployer toutes les fonctions de "social shopping".

Avez-vous lu le livre de Julien Codorniou sur Kelkoo ? (lire les bonnes feuilles) Qu'en avez-vous pensé ?
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 Kelkoo
 Jean-Fabrice Mathieu
Bien sûr, nous avons été les premiers à le lire et nous avons activement participé à l'aventure en ouvrant nos portes aux auteurs. Une petite critique néanmoins : l'ascension du Kilimandjaro n'est pas mentionnée. Nous nous étions promis de la faire si jamais nous réussissions notre entreprise. Et nous l'avons fait !
 
 
Propos recueillis par Nicolas RAULINE, JDN

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