JDN.
Le DESS de gestion des télécommunications
et des nouveaux médias, que vous dirigez, organise
une conférence intitulée "L'internet nouveau
est arrivé". Qu'entendez-vous par "Internet nouveau"?
Dominique
Roux. L'Internet
nouveau, c'est le résultat des nouveautés
dans les modèles éconmiques et dans les
tarifs. Ce changement des comportements est essentiellement
dicté par l'émergence du haut débit,
et qu'il change en termes techniques et tarifaires..
Estimez-vous
que la France est en progrés en matière
d'Internet?
La première chose que l'on constate,
c'est que le marché de l'Internet est en pleine
expansion en France. Il y avait plus de 8 millions d'abonnés
payants à la fin 2002, 5 milliards de minutes
sont collectées chaque mois sur l'accés
bas débit, la France compte désormais
1,7 millions d'abonnés haut débit, dont
1,4 million pour l'Adsl et 300.000 pour le câble,
qu'il ne faut pas oublier.
Donc
à vos yeux, il n'y aurait plus de retard français
en la matière...
On disait que la France était
en retard, mais aujourd'hui, on l'est moins. Notamment
parce qu'on a désormais des tarifs qui doivent
faciliter la croissance du marché. En quatre
ans, ceux du bas débit ont été
divisés par trois, et on a aujourd'hui un Adsl
parmi les plus bas d'Europe. Donc si la France a longtemps
été en bas, elle se rapproche du sommet.
Quel
rôle attribuez-vous à l'ART dans ces progrés?
L'ART a pris des décisions importantes.
D'une part en prenant position en novembre 2001 sur
l'interconnexion forfaitaire. Ensuite en favorisant
en avril 2002 le dégroupage option 1 [NDLR
: les opérateurs tiers maîtrisent l'ensemble des éléments
permettant de fournir un service, sauf la paire de cuivre
mise à disposition par France Telecom et qui reste sa
propriété], dont on voit les résultats avec
l'apparition de nouveaux opérateurs. Enfin, en
donnant un avis favorable en juillet 2002 sur l'option
5, qui a facilité une concurrence accrue entre
les opérateurs. Par ailleurs, l'ART a rapidement
libéré le Wi-Fi et nous voyons arriver
un nombre croissant de dossiers de demande d'autorisation,
qui ne sont cependant pas toujours d'une qualité
optimale.
Quels
sont les chantiers prioritaires à présent?
Je vois deux sujets en suspens. Le premier
est l'arrivée de l'UMTS, qui peut donner un autre
souffle à l'Internet. D'autre part, l'avenir
du câble. Nous attachons beaucoup d'importance
à ce dernier, car il est important que l'Adsl
ait un concurrent. Or si on ne fait rien, le secteur
du câble va droit dans le mur. La seule solution,
c'est de parvenir à une fusion des acteurs. Encore
faut-il régler le problème de France Telecom,
qui est présent partout mais qui ne peut pas
se retrouver majoritaire dans le câble alors qu'il
domine déjà l'Adsl.
Que
retenez-vous de la discussion à l'Assemblée
nationale du projet de loi numérique?
Je retiens surtout l'amendement sur la
contribution des fournisseurs d'accés au service
universel [NDLR : elle sera désormais calculée au
prorata de leur chiffre d'affaires versus et non du
volume de connexion]. Alors qu'ils contribuent à
hauteur de 10% actuellement, ils ne le feront plus qu'à
hauteur de 1%, ce qui fait quand même passer leur
apport de 100 millions à 10 millions d'euros.
C'est autant qu'ils pourront consacrer à leur
développement.
Par ailleurs, je retiens les mesures qui concernent
les collectivités locales [NDLR : elles sont
autorisées à à se substituer aux opérateurs
de téléphonie mobile pour améliorer la couverture du
territoire]. On ne sait pas encore dans quelle mesure
elles joueront véritablement un rôle, car
il faut attendre que le Sénat se penche à
son tour sur le projet, mais je pense qu'il est normal
qu'elles puissent intervenir en la matière. Je
rappelle juste qu'il ne faut pas qu'elles se retrouvent
en concurrence avec les opérateurs. Il ne faut
pas créer un nouveau plan câble en France...
La
dernière version du texte fait de la communication
en ligne un "sous-ensemble" de la communication audiovisuelle.
Ce point a donné lieu à de nombreux débats,
qui se poursuivent aujourd'hui. Quelle est votre position
en tant que membre de l'ART?
La définition de la communication
électronique que donne le texte ne me semble
pas juste. Il faut savoir ce qu'on entend par communication
audiovisuelle mais je préfère ne pas m'exprimer
sur ce sujet en attendant que le Sénat se soit
prononcé.
L'un
des sujets chauds du moment, la télévision
sur Adsl, est justement au confluent des deux secteurs,
les télécoms et l'audiovisuel. Quelle
analyse en fait l'ART?
L'Adsl est encore en plein développement,
mais dans le monde des télécoms, on n'a
en général pas fini d'installer une technologie
qu'on commence déjà à ne parler
que de la suivante... Donc je pense qu'il faut être
prudent. Cela dit, on étudie évidemment
ce dossier, car c'est une nouveauté technique
qui est susceptible de modifier le paysage. L'ART a
un avantage en la matière, c'est son expérience
et le fait qu'elle a déjà connu des engouements
technologiques qui n'ont rien donné. Rappelez-vous,
il y a deux ans, certains disaient que la BLR [NDLR
: boucle locale radio] allait tout révolutionner.
Cela n'a pas vraiment été le cas.
En
novembre 2001, dans une interview au JDN, vous annonciez
une année 2002 "excessivement difficile"
pour le secteur des télécoms mais une
"sortie par le haut" en 2003. Quel diagnostic
faites-vous à présent?
Je prévois une sortie par le haut
à la fin de cette année, à condition
que la question de l'Irak soit vite résolue.
L'imminence de la guerre en Irak génère
un phénomène d'attentisme dans le monde
et tous ceux qui voulaient investir préfèrent
patienter. Certes, la consommation s'est maintenue l'an
dernier, mais l'économie ne peut croître
que si l'investissement arrive. Si la guerre est rapide,
je maintiens qu'il y a un marché pour les télécoms,
des besoins et des projets d'investissement. On devrait
en voir les résultats en fin d'année.
Les exemples du mobile ou de l'Adsl montrent à
quel point un marché peut se développer
vite.
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