INTERVIEW 
 
Dominique Savart
Vice-Président des Opérations
American Express
Dominique Savart
"Les chiffres du voyage d'affaires en ligne vont exploser en 2006"
La croissance du marché des réservations du voyage d'affaires en ligne, attendue depuis plusieurs années, devrait avoir lieu en France en 2006, selon Dominique Savart, vice-président des opérations France, Bénélux et Espagne d'American Express Voyages.
(13/03/2006)
 
JDN. Voici plusieurs années que le marché du voyage d'affaires est censé décoller sur Internet. Qu'en est-il exactement ? Ce boom a-t-il eu lieu au cours de l'année 2005, ou l'attendez-vous plutôt sur 2006 ?
  Le site
American Express Voyage d'affaires
Dominique Savart. Nous ne disposons pas encore des chiffres sur 2005, mais nous constatons un réel décollage des taux de réservation en ligne de voyage d'affaires, et notamment sur le marché français. Cette croissance impressionnante touche plus particulièrement les PME, pour lesquelles les réservations en ligne représentent un changement de moindre ampleur, étant donné qu'elles sont réalisées via un portail sur Internet. Mais depuis le début de l'année, nous assistons également au démarrage des grandes entreprises. Celles-ci avaient pourtant anticipé cette évolution vers les réservations en ligne, dès fin 2003 et début 2004, mais les projets informatiques mis en œuvre touchent beaucoup de métiers, l'implémentation de ces outils et la gestion du changement est plus longue à mettre en place. Les grandes entreprises qui ont lancé leurs projets en 2004 voient ces projets arriver à maturité.

Pour ces grandes entreprises quel peut être le niveau moyen des réservations en ligne de voyages d'affaires ?
L'application des processus va leur permettre de passer rapidement à un taux de réservations en ligne de 30 à 40 % des réservations en six mois. Mais ce chiffre peut bien entendu être variable en fonction des voyages effectués : si la majorité des voyages d'affaires sont du point à point, c'est-à-dire des allers-retours, ces réservations sont plus faciles à basculer en online. En revanche, si ce sont des voyages qui passent par plusieurs villes et qui impliquent des réservations d'hôtels, les réservations en offline primeront.

Les réservations en ligne sont souvent présentées comme un moyen de réaliser des économies importantes pour les entreprises. Sur quels points plus particulièrement ?
Nous estimons le coût de l'agence entre 3 à 5 % du montant, selon la complexité du voyage. Réaliser des économies sur ces 3 à 5 % ne représente bien évidemment pas l'essentiel. Il est préférable de s'attaquer aux 95 à 97 % restants. Le online constitue notamment un canal privilégié pour réaliser des économies sur le coût de transport. Cela passe notamment par ce que nous appelons une "culpabilité visuelle" qui n'existait pas par téléphone. En affichant en ligne les prix des différents voyages en commençant les moins chers, le voyageur a tendance à choisir les trajets les moins coûteux.

On attribue souvent au online l'avantage de faire respecter la politique de voyage en interne. Quelle est votre position sur ce point ?
La baisse des coûts via Internet n'est pas seulement due à une capacité de contrôle de la politique de voyage. Le respect de l'application de la politique de voyage fait également partie du rôle des agences en offline. L'avantage des moteurs de réservation en ligne en matière de politique de voyage porte plus sur le fait que cette politique est vivante et qu'ils permettent de la mettre à jour rapidement et sur l'ensemble des sites d'une même société.

La fin des commissions aériennes a été un accélérateur."
La fin des commissions aériennes appliquée en France depuis le printemps 2005 a-t-elle accéléré le déport des réservations vers Internet ?
Le changement de modèle économique a constitué un accélérateur important, notamment auprès des sociétés qui hésitent encore à s'attaquer aux 95 % des économies possibles sur le montant des voyages d'affaires. En consultant les grilles de frais facturées par les agences offline et les coûts réduits sur Internet, les entreprises ont privilégié les réservations online.

Ce déport des réservations vers le online ne fait-il pas craindre des difficultés en ce qui concerne le métier même des agents de voyage en offline ?
Internet constitue un des canaux importants dans le monde de la distribution, mais les agences classiques ont toujours leur rôle à jouer. C'est une évolution que nous devons accompagner ensemble. Le 100 % de réservations de voyage d'affaires réalisées en ligne n'est pas possible, certains voyages sont trop complexes. Cela entraîne évidemment une évolution du métier en lui-même, mais l'expertise d'un agent de voyage en offline est un passage obligé. On ne peut pas s'improviser agent de voyage, cela impose une technicité et une culture client, même pour réaliser de l'assistance du client en ligne. Ce n'est pas un métier qui part de zéro, ce sont seulement les processus qui ont changé. Aujourd'hui dans nos agences, cette évolution vers le monde du online est complètement admis, et est même perçue comme potentiellement positive à moyen terme. Dans monde du offline, ce déport des réservations de voyages point à point vers Internet va permettre aux agents de se consacrer à des voyages complexes, ce qui est en réalité la partie noble du métier. Par ailleurs, nous inventons des nouveaux métiers tous les jours.

Nous assurons un suivi hebdomadaire de la montée des réservations en ligne."
Comment accompagnez-vous cette évolution dans votre propre société ?
Nous accordons une attention toute particulière pour adapter nos ressources. En ce qui concerne nos plateaux d'affaires, cette évolution ne pose pas de réels problèmes, les agents pouvant être réaffectés à d'autres postes. En revanche, nous travaillons notamment sur nos "implants", qui désignent dans notre jargon les agents de voyage qui travaillent dans les locaux des entreprises clientes. Nous devons régler les effectifs en fonction de la montée des réservations en ligne. Il existe néanmoins des solutions variées : nous réalisons dans ces cas une virtualisation des petits "implants", afin de constituer des équipes d'une dizaine de personnes et gérer une certaine répartition du trafic. Nous suivons donc ces progressions de très près, via un suivi hebdomadaire, pour nous assurer une véritable réactivité.

Quels sont les partenaires du marché du voyage d'affaires avec lesquels vous travaillez ?
Nous travaillons principalement avec Amadeus, mais nous pouvons travailler avec d'autres GDS, comme Sabre. En ce qui concerne les moteurs de réservation en ligne, nous travaillons avec l'ensemble des moteurs, tels que KDS, eTravel, Traveldoo. En ce qui concerne les portails sur Internet, nous proposons notre outil en ligne Easy Res Corpo, basé sur un moteur KDS.

Internet simplifie les choses mais ne gomme pas la complexité."
Qu'en est-il de votre nouvel outil Easy Travel Services que vous avez lancé en juillet dernier (lire l'article du 01/07/05) ?
Nous avons reçu des échos extrêmement positifs de la part des clients. Cette solution intéresse plus particulièrement le segment de marché des entreprises au-delà de la PME, des sociétés qui comptent 1.000 à 2.000 voyageurs. Elles ont en effet besoin d'un process structuré et apprécient le fait que notre solution permette la gestion des ordres de mission. Sur ce premier semestre d'activité, nous avons tenus les objectifs que nous nous étions fixés. Cette solution vient compléter le panel d'outils que nous proposons, ce qui nous offre une palette complète. Mais bien entendu, de nouvelles versions, des nouveautés verront toujours le jour, car le monde en ligne constitue un véritable paradoxe : c'est un canal de distribution qui simplifie les choses, mais la complexité n'en est pour autant pas complètement gommée. Un exemple parlant est celui du e-ticket SNCF. Il a été lancé en agence de voyage, en offline, avant qu'il ne soit proposé sur les portails en ligne.

La France est au coeur de notre cible."
L'année 2005 a également été marquée par une concurrence qui devient plus forte sur ce marché du voyage d'affaires. Comment American Express Voyage fait-il face ?
La concurrence est forte et les entreprises réalisent des comparaisons entre les différents portails. Mais en réalité, la technique ne fait pas tout. Nous avons par exemple le cas de clients qui ont fait le choix de changer de portail, mais nous avons constaté que le taux de réservations en ligne n'avait pourtant pas diminué, car l'enjeu réside dans le fait que la commande en ligne puisse passer dans la culture d'entreprise. Nous avons ainsi mis l'accent sur notre capacité à accompagner nos clients dans cette évolution vers la culture online. En amont, nous disposons d'une équipe spécialisée dans le conseil en technologie. Une seconde intervient depuis la définition de la cible jusqu'à la phase pilote du projet. Depuis le début de l'année 2005, nous avons créé une équipe d'intégration qui peut prendre le relais en fin de phase pilote pour assurer le déploiement complet de la solution à destination des entreprises qui ne souhaitent pas réaliser ce travail en interne. La mise en place d'un moteur de réservation online impose une méthode très structurée. Enfin, une équipe spécialisée sur le "usage management" et la communication accompagnent les entreprises sur un plan d'évolution qui prend en compte le potentiel de réservation en ligne, mais également les freins et les contraintes interne.

La France constitue-t-elle pour American Express Voyage un marché phare pour les réservations en ligne ?
Si le Royaume-Uni s'avère très en avance du fait d'un rythme d'évolution et d'une facilité d'adoption des solutions américaines, la France est au cœur de la cible sur les réservations online, tout comme l'Allemagne et les pays nordiques. L'Espagne était jusqu'à ce jour relativement freinée par une spécificité locale du marché : un service de navettes entre Madrid et Barcelone n'était pas accessibles en online. Mais aujourd'hui cette contrainte est réglée, le marché online est en passe de décoller rapidement.

Quelles sont vos perspectives pour 2006 ?
  Le site
American Express Voyage d'affaires

Nous sommes aujourd'hui en ordre de marche. Nous sommes le premier opérateur online en France, et c'est l'aboutissement d'une démarche entamée depuis plus de 3 ans, et formalisée depuis deux ans. Nous avions lancé une "start-up" à l'intérieur même du groupe pour bâtir les fondements du online. Mais en 2005, le canal online s'est suffisamment répandu, et nous nous rendons compte que tout seul, il n'a pas de sens. Nous avons donc réintégré cette division au sein des opérations. Notre démarche commerciale est dorénavant en alignement, ce qui représente un paramètre important. Les produits sont disponibles, les agences ont une stratégie claire, et les clients sont de plus en plus convaincus de l'importance du canal Internet. Les chiffres vont exploser, j'en suis intimement convaincu et j'espère même pouvoir aller au-delà des objectifs.

 
 
Propos recueillis par Solveig Emerard-Jammes

PARCOURS
 
 
Dominique Savart, 46 ans, a obtenu en 1982 le diplôme d'Officier première classe de la marine marchande et a travaillé de 1982 à 1984 en tant qu'Officier.

Dès 1984, il bifurque vers le monde informatique et entre comme Chef de projet informatique chez STI, une SSII. En 1988, il devient responsable des études chez Diners Voyages, puis Scac Voyages.

De 1990 à 1997, il prend le poste de directeur informatique adjoint, puis celui de : Directeur des systèmes d'information, sociétés chez Havas voyages, American Express Voyages.

Depuis 2004, Dominique Savart est Vice Président Opération Benelux - France - Espagne.

   
 
 
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