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Zeljko Tanasic
Responsable marketing Internet
Outremer Télécom |
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Zeljko Tanasic
"Une
véritable bataille s'annonce entre Wanadoo et OOL"
En
deux ans, la filiale Internet d'Outremer Télécom a grignoté
22 % de parts de marché à Wanadoo dans les Dom. Zeljko
Tanasic, responsable marketing d'Outremer Online, analyse
les raisons de ce succès.
(12/01/2005) |
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Opérateur
de télécommunications privé présent notamment à
la Martinique, à la Guadeloupe, à la Guyane
et en Réunion, Outremer Télécom apparaît aujourd'hui
comme le principal challenger de Wanadoo pour l'accès
Internet sur ces territoires. En deux ans, la marque Internet
de la société, OOL, a grignoté 22 %
de parts de marché à France Télécom.
Zeljko Tanasic, responsable marketing Internet d'Outremer
Télécom, revient sur les clés de
ce succès : une approche marketing ciblée
par territoire et une stratégie de dégroupage
de la boucle locale.
JDN. Pourquoi un opérateur
de téléphonie fixe comme Outremer Télécom
a-t-il fait le choix de devenir fournisseur d'accès
Internet ?
Zeljko Tanasic. Outremer Télécom
a débuté ses activités en 1998 en
tant qu'opérateur privé de téléphonie
fixe. En 2000, Outremer Télécom a également obtenu
une licence de téléphonie mobile. Mais très rapidement,
le groupe s'est aperçu que le marché de
la téléphonie fixe était en stagnation,
et que la source de croissance résidait désormais
dans l'Internet. Nous avons lancé la filiale Internet
Outremer Online (OOL) en janvier 2003, avec une gamme
de forfaits bas débit tout d'abord. Nos offres
ADSL ont été lancées en octobre 2003,
avec des débits de 128 Kbits/s et 512 Kbits/s essentiellement.
A quoi ressemblait le marché
de l'Internet dans les départements et régions
d'outremer lors de votre arrivée ?
Le parc Internet était constitué essentiellement
de connexions bas débit. C'est d'ailleurs toujours
le cas aujourd'hui, puisque sur un total de 162.000 foyers
connectés en Guadeloupe, Martinique, Guyane et
à la Réunion, 78 % possèdent
un abonnement bas débit. Le marché était
également très monopolistique, contrairement
à la métropole, avec comme principal acteur
Wanadoo. Sinon il existe de petits FAI, avec une clientèle
très localisée sur des villes ou des provinces.
Une situation qui bloquait les tarifs vers le haut, notamment
ceux de l'ADSL. L'arrivée de OOL dans les DOM a
permis de faire jouer la concurrence et donc de faire
baisser les tarifs.
Quelle
est la part de marché d'OOL aujourd'hui ?
En deux ans, OOL a acquis 22 % de parts du marché
de l'Internet outremer, soit un total de 35.250 foyers
dans les quatre zones d'activités, dont 10.500
sont connectés haut débit.
Comment expliquez-vous ce succès ?
Grâce à notre positionnement : OOL joue
beaucoup sur la proximité et sur l'accessibilité,
contrairement à Wanadoo qui n'a pas d'approche
locale. Dès notre lancement, nous avons constaté
une forte attente des foyers domiens vis-à-vis
d'un nouvel acteur. Chaque département d'outremer
possède ses propres spécificités,
tant en termes de population que d'usages et de culture.
La spécificité et la force d'OOL, c'est
son approche multiculturelle adaptée à chaque
marché. Par exemple, les photos sur les visuels
de communication sont différentes en fonction de
chaque population. Une autre caractéristique importante
du marché des Dom est l'approche plurigénérationnelle.
Au sein d'un même foyer coexistent plusieurs générations.
Il faut donc être capable de proposer une offre
Internet et d'apporter des réponses aussi bien
au petit-fils qu'à la grand-mère. Seul un
opérateur avec une approche locale peut comprendre
ces enjeux.
Quels sont vos autres atouts
face à Wanadoo ?
Notre grande réactivité : nous disposons
de techniciens et d'ingénieurs sur l'ensemble des
sites, et notre hotline est internalisée sur notre
zone d'activité. Enfin, notre politique tarifaire
agressive.
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Nous
sommes moins chers que Wanadoo." |
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C'est-à-dire ?
Outremer Télécom emploie une centaine de
commerciaux sur les quatre zones
desservies qui font du porte-à-porte auprès
des Domiens afin de leur expliquer le contenu de nos offres
Internet. Il est également possible de souscrire
aux offres d'OOL par téléphone ou sur notre
site. Enfin, dernièrement, OOL a conclu des partenariats
avec la grande distribution pour la commercialisation
des offres. Notre message : nous sommes moins chers
que Wanadoo.
Quelle est votre marge en termes de coûts d'exploitation
par rapport à Wanadoo ?
Comme beaucoup de FAI en métropole, nous avons
optimisé la gestion de notre réseau Intenet.
Grâce à notre présence locale, nous
dimensionnons le réseau en fonction de la demande.
Notre taille nous permet d'être très réactifs.
Par ailleurs, nous n'avons pas eu à répercuter
des coûts initiaux de déploiement de réseau,
puisque nous achetons la boucle locale à l'opérateur
historique. Nos coûts d'investissements de départ
sont donc moindre que Wanadoo. Néanmoins, à
plus long terme, ces charges d'achat de réseau
de desserte locale à France Télécom
représenteront des coûts. D'où l'intérêt
de déployer notre propre réseau en dégroupage.
Quand OOL s'est-il lancé
dans le dégroupage ?
En septembre 2004. C'est très récent. Aujourd'hui,
nous avons dégroupé entre 15 % et 20 %
des zones éligibles en ADSL, notamment dans les
grandes villes de chaque département ou région
d'outremer. Il s'agit essentiellement de dégroupage
partiel. Même si OOL est en mesure de dégrouper
totalement, nous ne proposons pas d'offres commerciales
de ce genre à l'heure actuelle. Comme en métropole
pour les opérateurs alternatifs, OOL rencontre
des difficultés par rapport aux procédures
de dégroupage total, notamment pour ce qui concerne
les délais d'activation de la ligne. Fin 2005,
nous devrions avoir dégroupé entre 65 %
et 80 % des zones éligibles en ADSL.
Quel est le coût du dégroupage
pour la société ?
Outremer Télécom prévoit d'investir
au total quelque 27 millions d'euros dans le dégroupage.
Quels sont les avantages liés
au dégroupage pour OOL ?
Nous allons pouvoir augmenter les débits, donc
baisser les tarifs de nos offres. Le dégroupage
nous permet d'économiser entre 15 % et 20 %
sur nos coûts d'exploitation. Cette baisse devrait
se répercuter sur l'ensemble de nos offres Internet,
même pour les lignes non dégroupées.
En outre, le dégroupage va nous permettre de maîtriser
d'un bout à l'autre la qualité du service
fourni au client et de lui proposer des services à
valeur ajoutée.
Pensez-vous à des offres
de VoIP
ou triple
play ?
De nombreux projets sont actuellement en cours de développement.
Les offres triple play sont, à terme, un objectif.
Mais c'est encore prématuré si l'on considère
le niveau de maturité du marché Internet
dans les départements et régions d'outremer.
Ce que je peux dire, c'est que nous avons opté
pour des DSLAM compatibles avec la technologie ADSL2+.
Sur notre propre réseau, nous sommes aujourd'hui
en mesure d'offrir un débit maximal de 24 Mbits/s.
Mais ce n'est pas rentable pour le moment.
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Le
coût du transport de données
est vingt fois supérieur dans les DOM." |
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Les prix de l'Internet haut
débit dans les départements d'outremer pourront-ils
un jour égaler ceux des FAI en métropole
?
Le dégroupage va certes nous permettre de réduire
nos coûts d'exploitation de 15 % à 20 %,
ce qui va faire mécaniquement baisser les prix
des offres. Mais ce qui nous différencie des FAI
de métropole, c'est le coût du transport
des données, quinze à vingt fois supérieur
en raison de la distance. Le coût des liaisons intercontinenetales
entre la métropole et les Dom, via les câbles
sous-marins Safe (pour la Réunion) ou Americas
II (pour les Antilles) pèse pour plus de 50 %
dans notre coût d'exploitation. Le prix moyen du
mégabit sur l'ensemble des réseaux des départements
et régions d'outremer est d'environ 3.000 euros.
Les économies d'échelle ne sont donc pas
les mêmes.
Quelle serait la solution ?
La seule solution serait que les collectivités
locales prennent à leur charge l'achat de bande
passante sur les câbles en grande capacité,
et qu'elles la revendent directement aux opérateurs
à un prix équivalent à celui de la
métropole. Mais cela reviendrait à dire
que l'Etat subventionne des opérateurs privés.
Le débat est épineux. Nous sommes donc encore
loin des offres Internet de la métropole. Cela
exige d'ailleurs de notre part, opérateurs privés,
un énorme travail d'évangélisation
et d'explication des tarifs auprès des Domiens
qui ne comprennent pas toujours ce décalage qui
existe entre eux et la métropole.
Pourquoi, à votre avis,
les principaux FAI de la métropole ne sont-ils
pas présents dans les départements
et régions d'outremer, excepté France Télécom ?
L'ensemble des Dom constitue un marché d'environ
2 millions de clients potentiels. C'est un micro-marché.
En outre, les DOM, ce sont quatre territoires distincts,
donc quatre problématiques réseaux différentes
à gérer. En résumé, le déploiement
d'un réseau dégroupé dans les Dom,
seule alternative viable en termes de coûts d'exploitation,
exige beaucoup d'investissements et de travail pour des
résultats non significatifs en termes de part du
chiffre d'affaires pour un grand opérateur.
Quels sont les résultats
financiers d'OOL en 2004 ?
Le chiffre d'affaires prévisionnel 2004 d'OOL est de 6
millions d'euros, soit 10 % du chiffre d'affaires
d'Outremer Télécom. C'est trois fois plus
qu'en 2003.
Quels sont les projets d'OOL
pour 2005 ?
2005 va être une année charnière pour
nous. Le dégroupage va nous permettre d'être
plus agressifs, tant au niveau des prix que des débits.
Nous visons 30 % de parts de marché de l'Internet
sur l'ensemble des Dom à la fin 2005. Je pense
que France Télécom ne va pas se laisser
faire et qu'une véritable bataille s'annonce entre
Wanadoo et OOL. Mais nous avons l'avantage d'être
réactifs et souples. |
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Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN |
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PARCOURS
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Zeljko Tanasic, 33 ans, est responsable marketing Internet d'Outremer Télécom depuis 2002, opérateur privé pour lequel il travaille sur le développement de projets Internet innovants et la mise sur le marché des offres pour les particuliers et les entreprises.
Zeljko Tanasic travaille depuis sept ans dans le secteur des télécommunications et Internet. Il a notamment été chef de produits Internet sur les offres d'accès, d'hébergement et VPN chez Siris (Deutsche Telecom), et responsable marketing Internet chez Kaptech, avec pour objectif de lancer l'activité de FAI pour les entreprises.
Il est diplômé de l'Institut Supérieur Européen de Gestion de Paris (ISEG).
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