INTERVIEW 
 
Eric Cremer, secrétaire général de e-Tf1,
et
Pierre Brossard

PDG de
TF1 Vidéo
Eric Cremer et Pierre Brossard
"La France est le laboratoire européen de la TV sur Internet et de la VOD"
Depuis un an, TF1 Vidéo et e-TF1 travaillent à l'élaboration d'une plate-forme de vidéo à la demande en ligne. Lancement prévu en novembre. Détails de l'offre avec les responsables des filiales du groupe audiovisuel.
(20/09/2005)
 
(Article modifié le 20/09/05 à 12h00) JDN. Depuis quand le groupe TF1 travaille-t-il sur un service en ligne de vidéo à la demande ?
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Dossier Télé et vidéo sur haut débit
Eric Cremer. Rappelons que TF1 fait de la VOD depuis 1995. Les hôtels Latitude, à l'époque propriété du groupe Bouygues, furent les premiers à proposer à leurs clients des films des catalogues TF1 et Warner à la demande. Plus sérieusement, le projet de VOD sur Internet est en maturation depuis une bonne année. Nous avons commencé à mener des tests auprès d'un échantillon d'internautes français depuis mars 2005. Nous avons été très discrets, nous avons simplement diffusé un bandeau d'annonce sur TF1.fr. Nous avons reçu plus de 5.000 candidatures parmi lesquelles nous en avons retenu 500, sur deux critères : représentativité de l'ensemble du territoire national et représentativité de tous les fournisseurs d'accès Internet, ADSL et câble. L'objectif était de tester les réseaux en charge et bien sûr la performance de la plate-forme commerciale.

Quels sont les résultats de ces tests ?
Notre volonté est d'offrir une qualité d'image proche de celle du DVD, en pleine résolution. Pour cela, le débit minimum nécessaire est de l'ordre de 1,5 à 2 Mbits/s. A ce débit, les tests se sont révélés sans problème dans 80 % des cas. Les 20 % sont des problèmes de ligne généralement irrémédiables. A l'internaute de consulter son fournisseur d'accès dans ce cas. Ce que nous appelons un problème, c'est plus de trois interruptions de la diffusion.

Quand allez-vous lancer officiellement l'offre ?
Actuellement, nous sommes en phase de finalisation de l'offre et de la plate-forme. Nous souhaitons que le player intègre toutes les fonctions d'un lecteur de DVD : choix de la langue, chapitres, pause, lecture... Nous finissons de numériser des films et continuons toujours de négocier avec les ayants droit. La commercialisation est prévue pour novembre.

Avez-vous fait appel à des prestataires pour développer ce service ?
Nous nous avons bien sûr travaillé avec des prestataires extérieurs pour toutes les opérations d'encodage, de numérisation et de streaming. Mais l'offre de VOD de TF1 n'est pas un produit clé en main. C'est une solution en interne qui combine l'expérience Internet de chacune des entités du groupe partie prenante, à savoir TF1 Vidéo et e-TF1. L'outil de gestion du back office est entièrement internalisé.

Miser sur les nouveautés comme locomotive des ventes."
A quoi va ressembler le catalogue ?
Pierre Brossard. Nous allons nous appuyer sur le catalogue de TF1 Vidéo ainsi que sur les droits cinématographiques acquis par TPS. L'offre va favoriser les nouveaux films qui sortent trois mois après la sortie en vidéo, soit neuf mois après leur sortie en salles. Entre 50 et 100 films seront disponibles dès novembre. Bien sûr, cette offre va s'enrichir progressivement. Mais au départ, le but est de créer un équilibre entre les coûts de stockage et d'encodage et les ventes. Cet équilibre se situe à plusieurs centaines de films.

N'est-ce pas couper les ailes du potentiel de la VOD que de ne pas offrir des films difficilement accessibles sur le marché locatif ?
Rappelons que le marché de la VOD est encore inexistant. Pour démarrer, il est nécessaire de partir sur des nouveautés comme locomotive au décollage des ventes. Notre ambition est bien sûr de répondre à toutes les envies du marché, mais avant, il faut susciter l'envie chez le consommateur. L'écueil serait de numériser et de stoker plusieurs milliers de films et de ne réaliser des ventes que sur quelques centaines. L'offre de VOD ne serait alors pas viable.

Quel est le budget investi par TF1 dans ce projet ?
Les coûts de développement ont été inférieurs à la dizaine de millions d'euros. Ce qui coûte cher dans la VOD, c'est le stockage des données et surtout la bande passante. Le coût de la bande passante nous coûte environ un euro par film. Mais ces frais devraient diminuer avec le développement de l'activité.

Quelle sera la politique tarifaire de l'offre ?
Nous avons arrêté un prix de 4,99 euros par film. C'est un paiement à l'acte qui s'effectue par carte bancaire sur le site. Les droits de visionnage sont ouverts pour 24 heures. Il s'agit d'une réception en streaming, sans possibilité de téléchargement. La copie, et donc le piratage, est rendue impossible par l'utilisation du système DRM de Microsoft. Les DRM nous permettraient par ailleurs de restreindre le nombre de séances vues en 24 heures. Mais nous ne souhaitons pas utiliser cette option pour le moment.

Une fenêtre d'exploitation ouverte à 9 mois."
Quelle est la position de TF1 sur la place de la VOD dans la chronologie des médias ?
Nous participons activement aux discussions entre tous les acteurs du marché sur les fenêtres de la VOD. Pour notre offre, nous nous conformons aux accords en vigueur, à savoir une fenêtre ouverte à neuf mois après la sortie en salles. Bien sûr, si demain la fenêtre se réduit, nous nous adapterons. Mais ce n'est pas ce que veulent les producteurs. Or TF1 est également producteur. Nous sommes le deuxième acteur audiovisuel qui finance le plus le cinéma français. Notre intérêt n'est pas d'être en désaccord avec les ayants droit.

Quel barême avez-vous fixé pour la rémunération des auteurs [lire l'article du 12/01/05] ?
Nous partons du principe du partage équitable des recettes. La rémunération des ayants droit se fera donc sur la base d'un partage à 50/50. Mais les négociations se font au cas par cas, en fonction des exigences des producteurs, du succès commercial du film, etc.

Allez-vous diffuser des encarts publicitaires sur la plate-forme de VOD ?
Non, nous ne vendrons pas d'espace publicitaire sur le site de l'offre de VOD. Les producteurs pourraient considérer cela comme du détournement de revenus et nous reprocher de mettre plus en avant tel film plutôt qu'un autre pour augmenter le nombre de pages vues avec publicité.

La profitabilité se situe autour d'un million de ventes par an."
A quel volume d'activité situez-vous la profitabilité du service ?
Eric Cremer. Selon nos plans d'activité, la profitabilité se situe autour du million de ventes par an. Mais pour être honnête, ce chiffre n'est pas très significatif. En effet, 500.000 ventes entre 20h et minuit nous coûtent plus cher, en termes de bande passante, que 500.000 ventes réparties en une journée. Difficile donc de modéliser le coût et les profits d'une offre de VOD.

Quel est le plan marketing prévu pour accompagner le lancement du service ?
La boutique sera hébergée sur un site dédié, avec une URL et une marque commerciale propres. En termes de marketing, nous allons promouvoir l'offre sur les sites de TF1.fr et de Tf1video.fr. Mais nous n'allons pas communiquer au-delà, car l'objectif n'est pas de créer un afflux de visites les deux premiers mois d'exploitation. Nous préférons attendre que l'offre gagne en efficacité et en performance. Nous allons privilégier une approche CRM via une newsletter mettant en avant les nouveaux films disponibles. En effet, lors de l'inscription, l'internaute devra entrer son adresse e-mail, ceci afin de tester la configuration de sa bande passante réellement disponible.

Avez-vous conclu des accords d'affiliation avec des fournisseurs d'accès Internet ou des grands portails Internet ?
Aujourd'hui, nous sommes dans une phase de lancement. Nous n'annonçons aucun partenariat, mais nous ne sommes fermés à aucune proposition. Néanmoins, la spécificité de l'offre de VOD de TF1 est d'être ouverte à l'ensemble des internautes. Or les FAI travaillent sur un réseau fermé. Leur parc de clients est restreint. Mais si à l'avenir nous trouvons un intérêt commun avec l'un de ces acteurs de l'Internet, nous sommes prêts à envisager des partenariats.

Envisagez-vous de commercialiser ce service sur mobiles en partenariat avec Bougues Telecom ?
Pour le moment, nous n'avons aucun projet commun avec Bouygues Telecom. L'heure n'est pas encore à la commercialisation de films sur mobile, les écrans des terminaux sont beaucoup trop petits. Même au Japon, pays où le marché des services multimédias sur mobile est très dynamique, les temps de cession des offres de télévision sur mobile ne dépassent pas vingt minutes.

Plus généralement, TF1 envisage-t-il de renforcer les synergies entre les programmes de la chaîne et son portail Internet ?
Pierre Brossard. La liaison avec l'antenne paraît logique. Ces développements vont se faire naturellement, en accord, et non contre, la stratégie d'antenne.

Eric Cremer. S'il est démontré que le Web peut soutenir et accompagner l'audience de TF1, nous irons dans ce sens. Si en revanche Internet pollue l'audience de la chaîne, ce n'est pas dans notre intérêt. Par exemple, le live de a Star Academy 5 marche très bien sur TF1.fr. Les temps de session se sont considérablement rallongés. Nous ressentons une réelle migration vers le haut débit depuis trois ou quatre mois. En 2004, TF1.fr a enregistré près de 100 millions de vidéos streamées. Un cap quasi atteint sur les six premiers mois de l'année 2005. Cela nous conforte sur la VOD. Néanmoins, il ne serait pas raisonnable économiquement de diffuser l'intégralité d'une chaîne de télévision sur le Web.

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Les Etats-Unis sont-ils un modèle d'inspiration pour le groupe TF1 pour tout ce qui concerne les développements de la télé sur ADSL ?
La VOD sur Internet n'est pas encore développée aux Etats-Unis. Le paysage est différent puisque la télévision s'est développée en grande majorité sur le câble, ainsi que les offres de vidéo à la demande. Je crois que TF1 est l'un des premiers acteurs lourds de l'audiovisuel à se lancer sur ce marché. La France est le laboratoire européen de la TV sur Internet et de la VOD. C'est pourquoi nous attendons plus d'enseignements de six mois d'exploitation en France de la VOD que du marché américain.
 
 
Propos recueillis par Emilie LEVEQUE, JDN

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