Le
gouvernement a présenté le 11 décembre dernier en conseil
des ministres son plan d'encouragement à l'innovation.
Il prévoit d'importantes mesures d'ordre fiscal et social
intéressant aussi bien les entreprises que les "business
angels". Ce plan fera l'objet d'un projet de loi soumis
au parlement avant le fin du premier trimestre 2003.
D'ici là, une concertation est lancée en vue de recueillir
les observations des professionnels concernés.
Le constat
Les pouvoirs publics tirent les conséquences du retard accumulé
par la France en matière d'innovation. Notre pays n'investit
en effet que 2,2% de son PIB en R&D quand l'objectif affiché
par l'Union européenne est d'atteindre 3% en 2010. Au delà
de la simple croissance du PIB
de la France, nous sommes donc censés accroître l'effort
de recherche de 40% en huit ans.
Les
handicaps recensés sont les suivants : la France dépose moins
de brevets que les autres pays (9ème rang de l'Union Européenne),
les financements sont difficiles à trouver pour les entreprises
innovantes, la fiscalité et les charges pèsent sur la rentabilité
et pénalisent tout particulièrement les plus jeunes entreprises.
Dans le souci d'inciter et
stimuler le développement de l'innovation de façon complémentaire
à une politique économique libérale, l'Etat souhaite
intervenir pour aider les acteurs de l'innovation. Pour
prendre en compte leurs attentes il ouvre une concertation
nationale et évoque d'ores et déjà trois types de mesures
destinées à surmonter les handicaps évoqués plus haut.
La société
de capital risque unipersonnelle
Il s'agit de favoriser le développement des "business angels"
et de les inciter à investir dans des entreprises en création
en leur permettant de gérer leur portefeuille de participations
dans le cadre d'un véhicule juridique spécifique, bénéficiant
d'un avantage fiscal conforme au risque élevé de tels investissements.
Les caractéristiques de ce
véhicule juridique seraient les suivantes :
- Nature juridique : société unipersonnelle (SASU ou
EURL).
- Ratio prudentiel : la participation détenue ne devrait
pas dépasser 25% de son volume total, ce qui implique
que la société détienne au moins quatre participations.
- Ratio d'emprise : une
participation ne pourrait représenter moins de 5% du
capital de la société concernée (pour inciter à une
implication forte de l'investisseur) ni plus de 25%
de ce capital.
- Quota d'investissement : 80% au minimum des avoirs
devraient être au terme d'un certain délai investis
ou réinvestis dans des sociétés répondant aux critères
ci-dessus, le reste étant libre.
- Durée de l'investissement dans les sociétés : il n'y
aurait pas de durée minimale mais l'avantage fiscal
ne s'appliquerait plus au delà d'une certaine période.
- Durée du véhicule : elle serait d'au minimum de cinq
ans avec obligation de réinvestir les sommes placées
dans ce véhicule au sein de cette période.
Critères d'éligibilité des
participations :
- La société devra avoir été créée depuis moins de cinq
ans.
- Elle devra correspondre à une création d'activité
ou à une reprise en cas de redressement judiciaire.
o Elle ne pourra être une holding.
- Son capital devra comporter un minimum de personnes
physiques.
- Elle devra être issue de l'Union Européenne.
Avantages fiscaux :
- La SCR Unipersonnelle sera exonérée d'impôt sur les
sociétés.
- Pour son actionnaire, les dividendes et les plus-values
distribués par la SCRU seront exonérés d'impôt sur le
revenu.
La SCRU devrait constituer un avantage
fiscal sans équivalent pour les investisseurs privés qui ne
souhaitent pas fédérer leurs
investissements au sein d'une structure commune avec d'autres
investisseurs. En effet, les structures communes d'investissement
s'avèrent être difficiles à manuvrer lorsque se font jour
des divergences de vue stratégique sur la politique d'investissement
ou de désinvestissement. Le projet proposé par le gouvernement
consiste purement et simplement en une exonération d'impôt
des dividendes
et plus-values réalisés par les investisseurs privés. Il reste
à voir comment seront traités les investissements réalisés
jusqu'à l'entrée en vigueur de ce texte et dans quelles conditions
pourront être transférées ou apportées à la SCRU les participations
acquises avant cette date.
Un statut
pour la jeune entreprise innovante
L'objectif est de mettre en place, dans un cadre compatible
sur le plan communautaire, les avantages suivants pour
les "Jeunes Entreprises Innovantes" (JEA).
- Une exonération d'impôt sur les sociétés totale sur
les 3 premiers exercices bénéficiaires puis dégressive
(50%) sur les deux exercices suivants.
- Une exonération de charges sociales patronales totale
pendant 6 ans puis de 50% pendant quatre ans.
- Une exonération de taxes locales (taxe professionnelle,
autres taxes) compensée par l'Etat.
- Pour les investisseurs et les salariés détenant des
titres de ces sociétés, une exonération d'impôt sur
les plus-values sur les titres détenus depuis plus de
trois ans.
Pour être éligibles, les JEA
devront répondre aux critères suivants :
- Avoir été créée depuis moins de huit ans.
- Réaliser d'importantes dépenses d'innovation : leur
ratio R&D/charges totales devra être supérieur à 15%
en moyenne glissante.
- Etre détenue à 75% au moins par des personnes physiques
directement ou indirectement (y compris donc les SCR,
FCPR, FCPI).
On connaissait déjà l'exonération
d'impôt sur les sociétés accordées aux entreprises nouvelles
qui renaît ainsi de ses cendres pour les JEA. La véritable
innovation porte désormais sur l'exonération de charges
sociales pendant une durée significative (six ans).
Cet avantage devrait incontestablement permettre d'attirer
les talents idoines pour réussir le démarrage des jeunes
entreprises. Reste à savoir si la loi permettra aux
entreprises existantes de bénéficier dans les mêmes
conditions de ces mêmes avantages.
De nouvelles
aides ciblées en faveur de l'innovation
Outre les mesures réservées aux JEA décrites ci-dessus,
deux autres mesures bénéficieront à l'ensemble des entreprises
innovantes :
- L'exonération de taxe professionnelle sur les investissements
de R&D.
- Accélération de l'amortissement
dégressif : le taux d'amortissement des immobilisations
liées à la recherche scientifique et technique redeviendrait
de 40% pour la première année.
- Le Crédit d'impôt Recherche dont l'efficacité n'est
pas contestée mais jugé contraignant pour les entreprises,
serait rénover et amélioré. .
Une
concertation nationale des acteurs de l'innovation
Au delà de ces premières orientations et des mesures
annoncées, le gouvernement souhaite recueillir les attentes
des acteurs de l'innovation dans le cadre d'une large
concertation nationale. Cette consultation doit être
l'occasion de rapprocher les points de vue du monde
de la recherche de ceux du monde de l'entreprise afin
de développer les synergies entre ces acteurs. Les points
de vue exprimés à cette occasion serviront à la préparation
du projet de loi qui sera présenté au parlement au printemps
2003 et qui complétera les mesures déjà prises.
Conclusion
Les premières dispositions évoquées dans le Plan Innovation,
si elles sont confirmées par le Parlement, ne sont pas
des demi-mesures. Elles offrent de tels avantages fiscaux
et sociaux qu'elles doivent être sérieusement prises
en considération par les entreprises innovantes et les
investisseurs afin d'en retirer le meilleur bénéfice.
La principale incertitude porte sur la question de savoir
dans quelle mesure les entreprises existantes et les
participations détenues à ce jour par les "business
angels" pourront elles aussi bénéficier de ces avantages.
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