Juridique
La CNIL passe aux sanctions
 (Mardi 16 septembre 2003)
         

par Jérôme Martin
Avocat à la Cour
Cabinet Salans

En pleine force de l'âge (25 ans), la CNIL a décidé de passer à la vitesse supérieure. Une de ses missions premières étant de protéger la vie privée et les libertés individuelles ou publiques, elle n'a eu de cesse jusqu'à présent (sans néanmoins négliger son pouvoir de sanction) d'informer et d'éduquer. L'année 2002 marque toutefois un tournant.

Premièrement, le nombre de saisines (plus de 5.000) dont elle a fait l'objet a littéralement explosé. Par rapport à 2001, cela signifie une augmentation de plus de 38%, ce qui montre bien que les Français ont pris conscience du rôle de la CNIL qui a bien rempli sa mission éducative. La CNIL se doit de ne pas laisser ces saisines lettres mortes. Elle a ainsi multiplié ses décisions de contrôle par deux et a accentué sa politique d'investigations. Elle a semble-t-il donc décidé d'appliquer avec plus de systématicité l'arsenal répressif mis à sa disposition.

Secondement, le dispositif législatif français va se trouver remanié du fait de la transposition (avec retard) de la directive européenne 95/94 du 24 octobre 1995. La CNIL en a bien conscience, et a d'ores et déjà anticipé son nouveau rôle comme on a pu le voir avec la création de la "boîte à spam" et des conséquences tirées.

Il s'agit là d'une volonté d'anticipation délibérée puisque la transposition de la directive entraînera des contrôles a posteriori encore plus fréquents et que le pouvoir de sanction de la CNIL sera accru.

La volonté affichée de la CNIL de sanctionner les atteintes fait peser un risque sur l'activité même de certaines entreprises du secteur privé. Aussi, il n'est pas inutile de rappeler l'arsenal dont elle dispose pour sanctionner les contrevenants :
- Cinq ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende en cas d'utilisation de moyen frauduleux, déloyal ou illicite lors de la collecte de données (article 226-18 du code pénal) ;
- Cinq ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende en cas d'utilisation des données personnelles collectées à des fins étrangères à celles qui ont justifié leur collecte (article 226-21 du même code) ;
- Trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende en cas de conservation au-delà de ce qui est justifié par la finalité du traitement (article 226-20 du même code) ; - 1.500 euros en cas de défaut d'information des personnes quant (1) au caractère obligatoire ou facultatif des réponses, (2) aux conséquences du défaut de réponse, (3) aux catégories de personnes ou d'organismes pouvant avoir connaissance des données et (4) au lieu où s'exerce leur droit d'accès et de rectification (article 2 du décret du 23 décembre 1981) ;
- Cinq ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende en cas de collecte sans l'accord exprès (écrit) des personnes concernées (hormis la collecte pour des motifs d'intérêt public soumises à un régime d'autorisation préalable), de données sensibles (faisant directement ou indirectement apparaître les origines raciales, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, les appartenances syndicales ou les mœurs) (article 226-19 du même code).

Si ce dispositif est déjà impressionnant, il le sera encore plus après la transposition de la directive. En effet, alors que jusqu'à présent la CNIL ne pouvait qu'adresser des avertissements ou dénoncer au parquet les infractions à la loi qu'elle constatait, ses pouvoirs de contrôle sur place seront plus étendus et elle pourra désormais s'adresser directement aux frondeurs :
- en leur faisant injonction de cesser un traitement illicite ;
- en leur retirant l'autorisation de mise en œuvre du traitement illicite ;
- ou encore en ordonnant l'interruption du traitement de données pendant trois mois.

La CNIL pourra enfin infliger des sanctions pécuniaires ne pouvant dépasser 150.000 euros (300.000 euros sans dépasser 5% du chiffre d'affaire en cas de manquement réitéré).

Les collecteurs de données ou créateurs de fichiers ont donc tout intérêt, en raison de la nouvelle volonté affichée de la CNIL, à vérifier qu'ils respectent les obligations légales mises à leur charge et, le cas échéant, à se mettre en conformité. Ils auront également tout intérêt à désigner, si le projet du Sénat est définitivement adopté, un interlocuteur privilégié de la CNIL : lors de l'examen du projet de loi de transposition, le Sénat a décidé que les entreprises pourront être dispensées des formalités de déclaration si elles désignent auprès de la CNIL un ou plusieurs correspondant(s) chargé(s) de la protection des données collectées. Ce nouveau dispositif n'est pas inintéressant puisqu'il complète la mission de conseil et d'éducation de la CNIL. Encore faudra-t-il que les collecteurs de données ou créateurs de fichiers disposent en interne des ressources humaines nécessaires pour affecter un employé à cette tâche. A défaut, il leur reviendra de s'adresser à des spécialistes.

Il faut également que les entreprises utilisatrices des fichiers de collecte et de traitement aient à l'esprit que les nouveaux pouvoirs de la CNIL (notamment l'interruption du traitement de données pendant une durée de trois mois) risquent de les pénaliser lourdement puisqu'elles verront, pendant ce temps, leurs concurrents les doubler. Ces entreprises doivent donc immédiatement réagir et prendre les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec la loi de 1978 et prévoir les aménagements indispensables lorsque la directive sera transposée.

Cette attitude ne pourra d'ailleurs que les avantager dans leur secteur d'activité puisque le projet de loi prévoit que la CNIL pourra délivrer des labels à des produits tendant à la protection des données et avaliser des codes de déontologie professionnels. Ainsi, alors que les nouvelles technologies de l'information et de la communication génèrent des données de plus en plus nombreuses et de plus en plus précises, les clients de ces entreprises ne seront sans doute pas insensibles à de tels labels.

[jemartin@salans.com]

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[Rédaction, JDNet]
 
 
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