JURIDIQUE 
PAR THIBAULT VERBIEST
Pop-up : quelle légalité ?
Si les pop-ups sont de plus en plus souvent bannis des grands portails, leur utilisation reste encore très fréquente sur le web. Mais ces supports publicitaires tombent-ils sous le coup d'une législation particulière ?  (14/04/2004)
 
Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, chargé d'enseignement à l'Université Paris I (Sorbonne)
 
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Cabinet Ulys
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(Article modifié le 14/04/04 à 12h) Phénomène en constante progression, les pop-ups sont des fenêtres publicitaires qui apparaissent d'elles-mêmes en utilisant le système d'exploitation logiciel des ordinateurs. Dans certains cas, leur mode de fonctionnement repose sur l'usage d'un "espiogiciel", c'est-à-dire un logiciel qui génère automatiquement, et à l'insu de l'utilisateur, des fenêtres publicitaires lors d'un événement défini.

La fonction essentielle d'un espiogiciel est, sous couvert ou non d'un autre service, de transmettre ces données à son créateur, la plupart du temps à des fins de ciblage publicitaire et commerciale. Les espiogiciels sont fréquemment associés à des logiciels proposés en téléchargement gratuit sur l'internet, comme par exemple les logiciels d'échanges de fichiers peer-to-peer, mais également dans des produits phares de grands éditeurs.

Les pops-ups sont-ils des "courriers électroniques" soumis au régime de l'opt-in ?
En droit, les pop-ups constituent des messages à caractère commercial ou publicitaire. Une question demeure toutefois controversée : sont-ils assimilables à des courriers électroniques, et par conséquent soumis au futur régime de l'opt-in, qui requiert le consentement préalable de l'internaute ?

En effet, pour rappel, le projet de loi pour la confiance pour l'économie numérique, que le Sénat vient d'adopter en seconde lecture, transpose notamment certaines dispositions de la directive européenne "vie privée dans les communications électroniques", qui interdit l'utilisation du courrier électronique à des fins de prospection directe sans consentement préalable des destinataires des messages.

Or, la notion de "courrier électronique" est définie de manière très large par la directive : "tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d'image envoyé par un réseau public de communications qui peut être stocké dans le réseau ou dans l'équipement terminal du destinataire jusqu'à ce que ce dernier le récupère". Conséquence : il est parfois affirmé que les pop-ups sont assimilables à des "messages" stockés temporairement dans l'équipement terminal de l'internaute (la mémoire RAM de l'ordinateur).

La jurisprudence allemande a déjà eu l'occasion de se rallier à cette thèse, en considérant que les pop-ups violaient la "sphère privée" des internautes (Landgerecht Düsseldorf, 26 mars 2003). La Commission européenne est toutefois d'un avis contraire.

En effet, dans une réponse à une question parlementaire, la Commission européenne a estimé que la définition du courrier électronique ne couvre que les messages pouvant être stockés dans un équipement terminal jusqu'à ce qu'ils soient relevés par leur destinataire, et non les messages qui "disparaissent lorsque le destinataire n'est plus en ligne".

Dans sa réponse, la Commission a toutefois laissé sous-entendre que bien qu'aucune disposition de la directive ne règle ce problème de manière explicite, il appartient le cas échéant aux Etats membres de prendre les mesures appropriées, pour que, sans frais pour l'abonné, les communications non sollicitées par celui-ci et effectuées à des fins de prospection directe, dans les cas autres que ceux visés aux paragraphes 1 et 2 de la directive (notamment les e-mails), ne soient pas autorisées.

En Belgique, des parlementaires ont déjà saisi la perche, en déposant une proposition de loi visant à soumettre les pop-ups au régime de l'opt-in… Dans l'intervalle, à défaut de jurisprudence claire et uniforme, la prudence s'impose pour les annonceurs français…

Pop-ups et concurrence déloyale
Le 26 mars dernier, se fondant sur la législation allemande en matière de concurrence, le tribunal de première instance de Cologne a fait injonction à une société de marketing en ligne de cesser "de faire apparaître ou de permettre l'apparition systématique de publicité contrôlée par logiciel sur le site http://www.hertz.de sans le consentement de Hertz, en particulier sous forme de fenêtre publicitaire apparaissant en Pop-up ou Pop-under". La société Hertz se plaignait en effet de ce que des pop-ups apparaissaient à l'écran des internautes qui visitaient son site, en distillant des publicités pour des sociétés concurrentes.

Cette affaire n'est pas isolée : aux Etats-Unis : la société WhenU a fait l'objet de plusieurs poursuites sur le fondement du droit des marques. Dans la première affaire, après avoir été d'abord condamnée en première instance, la société WhenU a été autorisée à continuer la diffusion de pop-ups non autorisés qui surviennent lors de la consultation de certains sites. Dans une autre affaire postérieure, la même société a été à nouveau condamnée.

Aujourd'hui, l'incertitude juridique sur la légalité de ce type de publicités est si grande que seule la Cour suprême des Etats-Unis pourra trancher la question. Ainsi, après les noms de domaine, les metatags et les mots clés (ou liens payants) dans les moteurs de recherche, voici surgir un nouveau contentieux propre à l'internet marchand…  

 
 

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