JURIDIQUE 
PAR MARIE-ANNE GALLOT-LE-LORIER
Droits et devoirs de la Charte contre la piraterie numérique
FAI, plate-formes musicales, pouvoirs publics... Quels sont leurs devoirs et à quels engagements ont-ils souscrits en ratifiant la Charte de lutte contre le piratage ? Explication.  (12/10/2004)
 
Marie-Anne Gallot-Le-Lorier, Avocate spécialiste en propriété intellectuelle, responsable du département Droit des créations, Flecheux & Associés
 
   Contact
Ecrire à Marie-Anne Gallot-Le-Lorier
Pour protéger l'industrie du disque contre le piratage, les fournisseurs d'accès à l'Internet et l'industrie du disque ont signé, à l'Olympia le 28 juillet dernier, une "Charte d'engagements pour le développement de l'offre légale de musique en ligne, le respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique" (1), sous l'impulsion des ministères de l'Economie, de l'Industrie et de la Culture.

Cette Charte vise deux objectifs, délicats à concilier : d'une part, encourager le développement de l'économie numérique et de l'Internet haut débit pour la diffusion de la création artistique et d'autre part, lutter contre les échanges illicites d'enregistrements et d'œuvres protégés sur les réseaux qui génèrent un préjudice majeur pour les ayants droit. A cette fin, elle prévoit des mesures de sensibilisation, de prévention, de dissuasion et de répression à l'égard des utilisateurs de réseaux et met des obligations à la charge des parties signataires.

1. Les devoirs des FAI
Les fournisseurs d'accès sont ainsi tenus à une obligation d'information : mettre en place une campagne de communication auprès de leurs abonnés pour les informer du caractère illicite des échanges non autorisés de fichiers protégés par le droit d'auteur, apposer une mention visible indiquant que la piraterie nuit à la création artistique, adresser un message personnalisé à tout abonné offrant ou téléchargeant illégalement des fichiers protégés, ne référencer sur leurs portails que des offres de musiques en ligne légales.

Au-delà, les FAI sont également tenus de stopper les campagnes publicitaires vantant le téléchargement illégal et encourageant les échanges de fichiers musicaux protégés. Enfin, au niveau contractuel, ils doivent insérer systématiquement dans leurs conditions générales des clauses indiquant qu'en cas d'atteinte au droit d'auteur l'abonnement à l'Internet sera résilié ou suspendu et l'accès au réseau coupé.

2. Les engagements des producteurs et plate-formes musicales
De leur coté, les producteurs et plates-formes de distribution en ligne s'engagent principalement à faire passer le nombre de titres de 300.000 à 600.000 avant fin 2004, dans le respect du droit de la concurrence, et à proposer une tarification claire et compétitive. Les campagnes publicitaires de promotion des artistes doivent ainsi mentionner visiblement la disponibilité, sur les sites légaux de musique en ligne, des contenus en question.

Enfin, les deux parties signataires de la Charte s'engagent à poursuivre en justice, avant fin 2004, au civil ou au pénal, les pirates et à donner à ces procés la publicité souhaitable pour sensibiliser le public aux problèmes de piratage et à leurs conséquences néfastes.

3. Un combat mené également par les pouvoirs publics
Ce même objectif d'information sera poursuivi par les pouvoirs publics qui doivent organiser des campagnes de sensibilisation avec les jeunes (projection de films illustrant les effets de la piraterie, rencontres avec des producteurs, créateurs et artistes…) et faire de la lutte contre la piraterie sur Internet une priorité de l'action politique, policière et judiciaire. Le rôle du juge s'avère ici prééminent : c'est lui seul, en effet, qui pourra ordonner la déconnexion.

Enfin, sur les traces de Bruxelles, les pouvoirs publics envisagent de prendre des mesures fiscales favorables : baisser la TVA sur le disque et sur les services de distribution en ligne d'enregistrement ainsi qu'engager une étude sur la TVA relative aux tarifs d'accès à l'Internet.

4. Un suivi bimestriel
Pour apprécier les effets de la Charte, les différents signataires se réuniront tous les deux mois au sein d'un Comité de suivi qui dressera le bilan de la coopération. Au vu des premiers résultats, pourront être envisagés quelques corrections ou compléments en vue d'assurer un véritable respect de la propriété littéraire et artistique. Cette Charte constitue ainsi le point de départ de différents chantiers, comme l'a précisé le ministre de la Culture et de la communication.

Des travaux sont, par exemple, en cours sur la mise en place d'un possible filtrage du peer-to-peer (s'apparentant à ce qui existe pour le contrôle parental) et une reflexion menée sur l'amélioration de l'interopérabilité des systèmes de gestion des droits et des formats de compression des fichiers (2).

5. Une Charte qui pourrait être déclinée contre le piratage de films et de séries
Cette Charte semble aussi avoir inspiré le monde du cinéma qui envisage la rédaction d'un tel document, fondé sur la concertation avec les autorités, pour définir l'attitude à adopter face aux offres en ligne. Pour les professionnels du cinéma et de l'audiovisuel, la Charte du 28 juillet répond, en effet, à une préoccupation commune à l'ensemble des industries culturelles : "créer les conditions du respect des règles fondamentales de la propriété intellectuelle dans le nouvel environnement numérique". 

1. La Charte est visible à cette adresse.
2. Gilbert Kahn, président de l'Inria, et Antoine Brudigou, cabinet Accenture.

 
 

Accueil | Haut de page

 
  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International