JURIDIQUE 
PAR ARNAUD DIMEGLIO
La prospection politique en ligne : oui, mais sous condition
Selon la loi informatique et liberté, la prospection politique sur Internet est licite. Mais sur le Web, elle doit respecter des règles strictes. Détails avec Arnaud Dimeglio.  (27/06/2006)
 
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La prospection politique peut se définir comme le fait d'adresser un message à caractère politique à une personne qui ne l'a pas demandée. Sur Internet, cette prospection se fait généralement par courrier électronique, et poursuit diverses finalités : communication, invitation à une réunion, adhésion à un parti.

Divers partis ou hommes politiques ont déjà utilisé ce type de communication en ligne. En septembre 2005, l'U.M.P (Union pour un Mouvement Populaire) avait procédé à une telle prospection, en adressant plus de 300.000 courriers électroniques. Une centaine d'internautes s'était alors plaint auprès de la CNIL d'avoir reçu ces courriers sans avoir préalablement donné leur consentement à la réception de tels messages.

Une prospection licite
La CNIL a examiné la conformité de cette prospection. Selon la Commission, le mailing de l'U.M.P n'est pas a priori illicite. La loi de 1978 dite "Informatique et Liberté", n'interdit pas en effet la prospection politique, mais le fait d'utiliser, sans le consentement des personnes intéressées, des données relatives à leurs opinions politiques (article 8 de la loi de 1978). Ce qui, en cas de prospection politique, n'a pas lieu, puisque la prospection vise justement à forger l'opinion des personnes destinataires des messages, sans connaissance de leurs opinions initiales.

Par ailleurs, la licéité de la prospection politique ressort d'une interprétation a contrario de la Loi pour la Confiance dans l'Economie Numérique (LCEN), laquelle interdit uniquement la prospection commerciale, et non la prospection politique, ou toutes autres formes de prospection : religieuse, informative, sportive etc.….

Après avoir effectué une table ronde avec les partis politiques le 9 mai dernier, la CNIL a prévu de rendre prochainement une recommandation sur la prospection politique, laquelle viendra actualiser celle du 3 décembre 1996. En toute logique, elle devrait par conséquent confirmer la liberté de la prospection politique tout en l'adaptant aux techniques modernes de communication que constitue l'Internet. Néanmoins, cette prospection n'en demeure pas moins fortement règlementée.

Une prospection règlementée
La prospection politique par courrier électronique implique l'utilisation automatisée de données nominatives : les adresses de courriers électroniques.

En principe, cette utilisation oblige la personne traitant les données, à effectuer une déclaration à la CNIL. Notons à ce sujet, que la déclaration pourra le plus souvent être simplifiée. En effet, la CNIL a rendu en 1991, une délibération relative aux traitements automatisés à des fins de communication politiques. Dans cette délibération, la CNIL précise les conditions pour bénéficier de la déclaration simplifiée. Et ces conditions, ne s'opposent pas à une telle déclaration pour l'e-mailing politique.

Outre la déclaration à la CNIL, les prospecteurs devront informer les personnes dont les données ont été utilisées. Cette information doit notamment porter sur la finalité politique du traitement, et du droit d'opposition des personnes concernées. Une information, qui doit s'exercer dès la collecte des données, sans que, de notre point de vue, contrairement à un arrêt du 14 mars dernier de la Cour de cassation, elle doive être préalable à cette collecte (lire l'article du JDN du 13/06/06).

Néanmoins, pour être conforme à la loi de 1978, cette information devra être effectuée dès l'enregistrement des données, soit juste après leurs collectes (article 32 de la loi de 1978).

La loi de 1978 impose d'autres obligations à la personne traitant les données : obligation de sécuriser le fichier, de respecter la finalité du traitement déclaré, de respecter la durée de la conservation des données etc… En dehors de la loi de 1978, la personne effectuant de la prospection politique devra veiller au Code électoral, et notamment la réglementation de la durée de la campagne électorale.

Enfin, le prospecteur ne devra pas abuser de la communication politique. Autrement dit, il ne devra user qu'en "bon père de famille" de l'e-mail politique, et ne pas asséner de manière répétée et régulière les futurs électeurs.

Une obligation qui découle des principes de la responsabilité délictuelle classique. Néanmoins, à partir du moment où les internautes sont informés de leur droit d'opposition, peut t'on encore parler d'abus ? Vaste question qui mérite réflexion et débat, et qu'il appartiendra alors, si ce n'est aux politiques, aux tribunaux de trancher

 
 

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