Facebook deviendrait il ringard ?

Premier réseau social en terme de membres et de fréquentation, Facebook, qui vient de fêter ses dix ans, doit faire face à l’évolution de ses communautés.

À la suite d’une entrée en bourse mouvementée, les études sur les comportements des internautes sur les réseaux sociaux de masse se sont multipliées [1]. Lors d’une télé-conférence avec des analystes le 30 octobre 2013, David Ebersman, directeur financier de Facebook, reconnaissait avoir observé “une baisse de l’utilisation quotidienne, spécialement parmi les plus jeunes adolescents” [2].

Le colosse aurait-il des pieds d’argile ?

Pourquoi ses premiers ambassadeurs abandonnent-ils le navire ? Plusieurs pistes sont évoquées, la désaffection des jeunes ferait écho à leur maîtres mots : liberté, intimité, rapidité et nouveauté.
En proie à la rébellion et en quête d’indépendance, les adolescents regardent d’un mauvais œil l’arrivée en masse d’adultes sur Facebook, plus encore la pression d’accepter leurs parents comme amis.
Hyper connectés et bavards, leurs ainés découvrent les impacts souvent négatifs de leurs publications prétendument privées. Souvenirs encombrants et inamovibles, nombreux sont ceux qui ont fait face au problème de la confidentialité, notamment dans le milieu professionnel. Parce qu’une mode passe mais ne vieillit pas, les faveurs du jeune public sont éphémères par nature et le goût du moment est à l’instantanéité et l’innovation, comme l’illustrent les incroyables réussites de SnapChat [3] et ses photos qui s’autodétruisent ou de Ask.fm et ses questions-réponses d’anonymes.
À la tête d’un CA de 8 Mds, Facebook doit se réinventer sur le marché de l’innovation et des technologies [4]. On y joue, on y partage des instants, des avis... comment adopter son potentiel et cultiver ses richesses ? Conscient de son rôle dans l’ère numérique [5], Facebook peut innover en exploitant l’intelligence collective, co-créative, multidevice et mobile de ses communautés, notamment pour assurer l’engagement de la génération Mission impossible.
Réunion au sommet des équipes digitales des entreprises, surtout BtoC, doit-on investir ou continuer d’animer la page Facebook ?
Les deux pourraient-on dire car d’un côté, Facebook est un formidable outil d’analyse des internautes, il permet de « profiler » chaque membre très précisément, de connaitre ses goûts, ses centres d'intérêts. C’est une véritable mine d’or, ayant une valeur marchande considérable pour les entreprises cherchant le "prospect" le plus ciblé possible. Ainsi l’entreprise peut proposer à l’internaute en fonction de ses recherches, une offre en adéquation parfaite avec ses besoins.
Depuis quelques temps, on assiste par exemple à des tentatives d'interconnexion de données comme l'intégration de Branchout et Stepstone dans Facebook [6]  afin de proposer aux utilisateurs de Facebook de poster leur cv, faire des recherches d'emplois... sans quitter le site. « Captif numérique », l’internaute reste ainsi sur le site, avec la possibilité de cliquer sur une publicité et donc pour Facebook et les annonceurs de gagner de l’argent.
L’objectif est d’anticiper et de répondre aux besoins de ses utilisateurs et de les empêcher de sortir du site. Dernière innovation de la firme de Menlo Park (Californie) : Paper, "la meilleure app Facebook jamais créée" selon le site américain spécialisé The Verge, qui permet de créer son journal personnel. Inspirée de Flipboard, elle permet d'associer les dernières actualités et son contenu privé publié sur les réseaux sociaux, liker et partager...

Le petit frère du géant Facebook vient peut-être de voir le jour ?

En revanche,  d’un autre coté, si le réseau social défend encore sa place de leader en terme de viralité [7], Twitter le talonne en gagnant en efficacité et en notoriété. Alors que Facebook déçoit les marketeurs, Twitter lui de son côté, les convainc doucement mais sûrement. D’après les deux rapports réalisés par Forrester [8], le bilan est plus favorable pour Twitter, qui « se dirige dans la bonne direction ».  Aujourd’hui 60% des entreprises sont présentes sur Twitter, avec l’évolution du comportement consommateur, ce dernier est devenu l’un des meilleurs outils de relation client et SAV. Cependant, en souhaitant avant tout atteindre une reconnaissance de marque, les professionnels du marketing font erreur selon l’analyste Nate Eliott, car en effet les attentes marketing et le comportement des consommateurs ne correspondent pas. C’est donc en se fixant de bons objectifs relatifs à ce réseau social, que les retombées ne peuvent qu’être satisfaisantes.  Twitter pourrait donc récupérer le flambeau de Facebook.
D’autre part, un autre réseau social est à surveiller de très près, il s’agit de Pinterest, un outil de curation tendance auprès des jeunes et surtout des femmes qui représentent 80% des utilisateurs. 
La presse anglaise l’a annoncé [9], Pinterest a profité du ralentissement de croissance de Facebook pour réaliser une belle augmentation de revenue par visiteur ce dernier trimestre (+50%), ce qui lui a permis de dépasser le réseau social de Marck Zuckerberg en Angleterre. Pinterest et Twitter nous démontrent ces derniers temps de manière spectaculaire, leur capacité à créer du trafic vers les sites de vente en ligne alors que le géant Facebook lui, continue de nous décevoir. Les intégrer efficacement dans une stratégie de communication est donc dès aujourd’hui indispensable.        
Néanmoins, Facebook n’a pas dit son dernier mot, puisqu’il vient de racheter Whatsapp pour la somme de 16 milliards de dollars [10]. Les applications de messagerie, qui génèrent peu de revenus, sont très convoitées ces temps-ci. Pourquoi ? Parce qu'elles sont en train de concurrencer les SMS mais aussi les réseaux sociaux, avec de nombreuses fonctions multimédia. La stratégie de Mark Zuckerberg est donc de multiplier les applications mobiles, afin de s'imposer comme le centre des communications sur smartphones et tablettes. Facebook continue malgré tout à tenir une place forte dans l’univers des réseaux sociaux.
Toutefois, plus qu’une question de réseau de diffusion, les marques réalisent aujourd’hui combien leur valorisation dépend avant tout du contenu qui peut répondre plus aisément à la règle absolue de séduction des jeunes : sans cesse se renouveler.

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1. http://pewinternet.org/~/media//Files/Reports/2013/PIP_SocialMediaUsers.pdf
http://www.01net.com/editorial/605226/les-adolescents-americains-preferent-twitter-a-facebook/ http://www.ictjournal.ch/News/2014/01/15/Les-jeunes-Suisses-trouvent-Facebook-ringard.aspx
2. Propos repris par Sophie Estienne, Agence France Presse, http://affaires.lapresse.ca/economie/technologie/201310/30/01-4705525-facebook-avoue-moins-attirer-les-jeunes-internautes.php
3. http://techcrunch.com/2013/09/09/snapchat-now-sees-350m-photos-shared-daily-up-from-200m-in-june/
4. Geoffrey A. Moore, Crossing the chasm, Marketing and selling disruptive products to mainstream customers, Collins Business Essentials, 1991, 1999, 2014, 227 p.
5. Gilles Babinet, L’ère numérique, un nouvel âge de l’humanité, Le Passeur, janvier 2014, 240 p.
6. http://www.andlil.com/facebook-branchout-et-stepstone-lalliance-des-reseaux-sociaux-et-dun-jobboard-5126.html
7. http://www.socialbakers.com/facebook-statistics/france
http://techcrunch.com/2013/07/24/teens-on-facebook/
8. Rapport 2013" Why Facebook is Failing Marketers " par le cabinet d’études Forrester
9. http://econsultancy.com/blog/64216-pinterest-overtakes-facebook-for-uk-referral-revenue
10. http://www.theverge.com/2014/2/19/5427332/facebook-is-buying-whatsapp?utm_content=buffer3b899&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer