Bitcoin : jusqu'où ira la chute ?

Le JDN a interrogé traders, économistes et conseillers financiers : certains estiment que le cours du bitcoin atteindra les 80 euros. D'autres misent sur un plancher à 6 000 euros.

Branle-bas de combat sur le marché des crypto-monnaies. Le club des cinq premières en termes de capitalisation boursière - dans l'ordre : bitcoin, ethereum, ripple, bitcoin cash et cardano - a dévissé depuis les plus hauts historiques atteints en fin d'année dernière. Avec une baisse de 50% entre le 13 janvier et le 6 février, l'ethereum est celle qui limite le plus la casse. A contrario, le ripple, qui a perdu 82% depuis le 4 janvier 2018, dévale la pente la plus raide. Rien que sur les sept derniers jours, le bitcoin, lui, a perdu 32%, tandis que le bitcoin cash et le ripple chutaient de 41%... Alors, les monnaies virtuelles ont-elles touché le fond ?

"Le cours du bitcoin ne descendra pas sous les 1 000 dollars car toute une organisation s'est mise en place autour de ces marchés"

Elles peuvent encore tomber plus bas, prédit le PDG de la fintech Ibanfirst, Pierre-Antoine Dusoulier : "Le cours du bitcoin va encore descendre, mais pas à moins de 1 000 dollars, car toute une organisation s'est mise en place autour de ces marchés. Il y a un an et demi, c'était dur d'acheter des crypto-monnaies, aujourd'hui c'est devenu mainstream".

C'est peut-être ce qui sauvera le soldat bitcoin, mais c'est aussi, à écouter cet ancien trader et ex dirigeant de Saxo Banque, ce qui cause en partie son déclin et celui de ses congénères : "Lorsque la loi Sapin a interdit sa publicité, le Forex a connu, comme le bitcoin, une forte baisse. Mais contrairement au bitcoin, le Forex est un marché drivé par les professionnels, ce qui a limité la baisse". Seconde comparaison, guère plus flatteuse : "Il s'est passé le même phénomène avec la bulle Internet. Les particuliers ont déserté le marché une fois que les actions ont dévissé". Le dirigeant anticipe une stabilisation du cours du bitcoin entre 2 000 et 3 000 dollars.

Le bitcoin a connu de telles évolutions que l'échelle du Nasdaq est 10 fois inférieure pour que la courbe soit lisible. © JDN

L'économiste et crypto-enthousiaste Philippe Herlin se montre quant à lui plus optimiste : "Le seuil de 6 000 dollars a l'air de tenir. Est-ce que ce sera toujours le cas dans les jours qui viennent ? Je le vois mal descendre plus bas… A moins que la Chine n'interdise les transactions sur les plateformes étrangères ou que Bitfinex ne ferme". Deux événements dont la réalisation n'a rien d'improbable : la Banque populaire de Chine a fait savoir ce dimanche 4 février qu'elle bloquerait l'accès à toutes les plateformes de crypto-monnaies, chinoises et étrangères, et aux sites d'ICO. Les inquiétudes qui planent sur la plateforme Bitfinex sont quant à elles dues aux assignations à comparaître devant le régulateur américain qu'ont reçues ses dirigeants. Ces derniers sont également les créateurs du tether, une crypto-monnaie supposément indexée sur le dollar mais qui, en réalité, ne disposerait pas des réserves de change pour la soutenir. "Je pense que le tether est une fraude complète, confie Philippe Herlin. S'ils avaient le nombre de dollars correspondants au nombre de jetons émis, ils l'auraient dit."

Le crash terminé, le cours du bitcoin pourrait-il remonter ? Julien Maldonato, associé industrie financière chez Deloitte, répond par l'affirmative. "Le marché repartira à la hausse quand on aura trouvé la résistance du point bas. Cela peut être 800 dollars ou dans un scénario catastrophe 80 dollars. Personne ne sait le prix qu'il atteindra". Mais pour Pierre-Antoine Dusoulier, si rebond il y a, celui-ci aura été organisé. "Je ne suis pas un partisan de la théorie du complot, se défend le dirigeant, mais il y a certainement plusieurs personnes qui ont des gros intérêts dans le bitcoin et qui cherchent à avoir un impact sur le cours. On sait que la majorité des bitcoins est dans les mains de très peu de personnes."

"En cas d'interdiction de la Chine des transactions sur les plateformes étrangères ou de fermeture de Bitfinex, le cours pourrait s'effondrer"

Et s'il remonte, le cours du bitcoin flirtera-t-il avec les sommets qu'il a côtoyés en fin d'année dernière ? "Cela pourra monter à 40 000 dollars… comme baisser à 800 dollars. Je n'écarte aucun scénario, car il n'y a rien de rationnel sur la valeur du bitcoin", lance Julien Maldonato, pour qui les mouvements risquent d'être brutaux dans les deux sens.

Pour sa part, Louis de Froissard, fondateur du cabinet de conseil Montaigne Patrimoine, ne croit pas à un retour, à court ou moyen terme, des crypto-monnaies à leur niveau de 2017. Ce conseiller en gestion de patrimoine, à l'origine de Bordeaux Fintech, croit pourtant dur comme fer dans la technologie sous-jacente, la blockchain. "Mais est-ce que cette technologie vaut le prix qu'on est prêt à lui attribuer ? Je n'en suis pas du tout convaincu", confie-t-il. L'économiste Philippe Herlin croit au contraire que, "dans les six mois, ou en tout cas cette année, le bitcoin pourrait retrouver ses lauriers et connaître une forte croissance". "Certes, concède-t-il, le bitcoin s'est fait dépasser sur le côté paiements, car ceux-ci sont devenus coûteux suite à l'engorgement du réseau mais, le lightning network, avec ces canaux dérivés qui permettront des milliers de paiements par seconde pour un coût quasi nul, peut lui permettre de reprendre du terrain."

"Si RSK et le lightning network se mettent en place, on peut revenir aux niveaux de la fin d'année dernière"

Et de poursuivre : "Le bitcoin a aussi perdu du terrain au niveau de la blockchain, puisque 90% des ICO se font sur la blockchain Ethereum. Mais en proposant des services sur la blockchain bitcoin avec des coûts comparables aux autres blockchains, RSK est en train de changer les choses". Cette start-up a en effet lancé la première plateforme permettant de générer des smart contracts pour le réseau bitcoin. "Peut-être que dans quelques mois les ICO se feront sur bitcoin, espère Philippe Herlin. Je pense que le bitcoin connaîtra une seconde partie d'année plus favorable que la première. Si RSK et le lightning network se mettent en place, on peut revenir aux niveaux de la fin d'année dernière. Voire même plus."