DOSSIER
Juillet 2006
Manipulateurs
Des vers qui parasitent les sauterelles et les poussent à se jeter à l'eau, d'autres qui conditionnent des fourmis pour qu'elles escaladent certaines herbes et se fassent brouter par les moutons Non ce ne sont pas des délires de biologiste ! Certains parasites sont bien responsables, en plus de désordres mécaniques et métaboliques, de détournement de comportement. Ils sont devenus maîtres dans la manipulation de leur hôte. Rat, tu aimeras les chats !Certains mammifères sont les victimes de ces parasites manipulateurs. Toxoplasma gondii est le protozoiare responsable de la toxoplasmose qui a besoin du chat pour boucler son cycle de reproduction. Or, parfois, des rats sont infectés... Qu'à cela ne tienne, le parasite, qui doit absolument aller finir son cycle chez un autre chat, manipule son hôte. Il lui fait "aimer" l'odeur des chats. Les rats parasités, ainsi attirés par l'odeur des félins, (alors que les individus sains présentent une totale aversion pour ces odeurs) ne fuient pas devant le prédateur et se font dévorer. Fourmi, tu grimperas à la cîme d'un brin d'herbe !Par exemple, la petite douve (un ver). Ses oeufs sont d'abord ingérés par une fourmi. La forme larvaire se loge alors dans le collier péri- sophagien de la fourmi qui est une sorte de cerveau chez les insectes. Elle manipule son système nerveux de manière à ce que la fourmi monte au sommet d'un brin d'herbe et reste immobile. Cela se produit le matin. Les fourmis contaminées montent aux cimes des herbes pour s'y accrocher. Mais attention, pas n'importe quelles herbes : celles que préfèrent les moutons : luzernes et bourses-à-pasteur ! Lorsqu'un mouton mange cette herbe, il mange la fourmi et le parasite qu'elle contient. Bref, la douve a induit chez son hôte un comportement suicidaire. Grillon, tu te jetteras à l'eau !
Autres champions de la manipulation : les nématomorphes. Ce groupe de vers parasites d'environ 300 espèces, étudié par le laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses du CNRS, s'attaque particulièrement aux sauterelles et grillons. Leur particularité ? Ces vers ne sont parasites qu'au stade larvaire. Une fois adultes, ils sont en revanche libres et aquatiques. Problème : comment passer de l'insecte à la rivière ? Ces parasites manipulent le comportement des insectes hôtes obligeant ces derniers à se "suicider" en se jetant à l'eau. Une fois dans son milieu liquide, le ver sort de l'insecte et commence sa vie libre. Prise de contrôle protéiqueComment cette manipulation est-elle possible ? Les chercheurs ont mis en évidence le dialogue moléculaire qui s'instaure entre le parasite et son hôte avant, pendant et après le "suicide" de l'insecte. Des protéines sont modifiées, et certaines altérent,notamment, la perception visuelle du grillon. De plus, les nématomorphes sont capables de produire des molécules neuroactives mimétiques, c'est à dire comparables en structure à celles produites par les insectes eux-mêmes, et de les sécréter dans le système nerveux central de leurs hôtes. Ce qui aboutit à agir sur le fonctionnement du système nerveux de l'insecte. Des travaux similaires sont menés par l'équipe chez d'autres associations hôte-parasite. Les chercheurs pourront alors comparer les différentes voies moléculaires utilisées par différents parasites pour modifier le comportement de leur hôte. En savoir plus
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