29/12/00
Yann Le Guellaf, Epicentric : "Le
souci du KM n'est pas le knowledge, mais le management"
Fondé
en septembre 1998 en Californie (Etats-Unis), l'éditeur
de portails d'entreprise Epicentric
est passé d'un effectif de 50 personnes en début
d'année 2000 à environ 300 aujourd'hui.
Après avoir bouclé son troisième tour
de table auprès d'Innovacom (filiale de France Télécom)
en mai dernier, la société déclare
avoir levé en tout près de 45 millions
de dollars. Sur une centaine de clients, 65 sont déjà
rentrés en production pour une valeur moyenne de
contrat entre
180 000 à 200 000 dollars. Il
y a un peu plus d'un mois, l'éditeur s'est implanté
en Europe de façon simultanée en France, en
Allemagne et en Grande-Bretagne. Prévoyant d'autres
ouvertures de bureaux sur le Vieux Continent, Epicentric
a nommé Yann Le Guellaf en tant que directeur France
et Europe du Sud. Afin de nous divulguer en partie ses plans
pour la zone dont il a la charge, ce dernier nous a accordé
un entretien dans lequel il revient sur les particularités
de son offre et la notion de portail d'entreprise.
JDNet
Solutions : comment votre implantation en France se déroule-t-elle ?
Yann Le Guellaf : Nous avons ouvert nos bureaux
place Vendôme à Paris depuis un peu plus de
5 semaines. Pour l'instant, notre effectif est de 5 personnes,
mais nous nous sommes fixé un objectif de croissance
de quatre à cinq fois ce chiffre dans les 6 prochains
mois. Si nous rencontrons le même succès en
Europe qu'aux Etats-Unis, cela ne devrait pas poser de problème.
Nous avons prévu de réaliser près de
35 % de notre CA en Europe d'ici 2003.
Avez-vous
déjà des clients européens ? Quels
sont vos plans pour le Vieux Continent ?
Pour l'instant, il ne s'agit que de
filiales de sociétés américaines comme
BankOne, JPMorgan et Hewlett Packard. Motorola et General
Electric sont également en phase de déploiement
de notre portail.
D'autre part, nous allons développer des solutions
propres à chaque marché en terme de syndication
de contenus. D'abord, il s'agira d'offres pour le marché
européen par rapport au marché américain.
Puis ensuite, nous fournirons des solutions propres à
chaque pays, dont la culture varie de l'un à l'autre.
Certains disposent par exemple d'une culture financière
plus importante que d'autres. Pour nous, cela implique aussi
de travailler avec des partenaires locaux en France, mais
également en Espagne, en Italie...
Quelle
est l'originalité de votre solution ?
Portal Server 3.0 correspond selon
les analystes à la nouvelle génération
de portails d'entreprises. Ceux-ci existent déjà,
mais sont historiquement en majorité orientés
vers des technologies C++ pour répondre à
des besoins intranet. Aujourd'hui, on parlerait plutôt
d'extranet, de place de marché b-to-b ou de communauté
d'utilisateurs. Avec notre solution, nous arrivons à
répondre à tous ces besoins, car les utilisateurs
clients, partenaires et employés ont
besoin de travailler sur les trois supports que sont Internet,
intranet et extranet.
Dans ce cadre, nous leur fournissons la structure d'intégration
permettant d'agréger et d'administrer un même
environnement d'accès aux applications, aux gestionnaires
de contenus et aux systèmes de transactions.
Selon
vous, qu'est-ce qu'un portail d'entreprise étendue
?
Il y a deux ans, je travaillais dans
le monde applicatif Oracle, et beaucoup de projets internes
d'e-procurement (gestion des achats) existaient sur des
fonctions précises. Or, jusqu'à aujourd'hui,
nous parlions de portails achats. Mais à présent,
nous nous sommes tournés vers des portails acheteurs
grâce auxquels nous arrivons bien au métier
même de l'individu. Les acheteurs expriment des besoins
semblables ou différents mais ont tous besoin d'administrer
leurs commandes, de gérer du contenu, de passer des
enchères classiques ou inversées, etc. Epicentric
fournit la structure d'accueil permettant de porter vers
l'individu l'ensemble de ces fonctions nécessaires
à la réalisation du métier.
Plus
concrètement, en quoi votre solution est-elle un
portail acheteurs et non un portail achats ?
Elle réside dans la typologie
de l'application et dans l'interaction avec le monde extérieur
des partenaires. Sur le terme "acheteurs", il
faut faire la distinction entre l'acheteur manager qui décide
de façon stratégique sur quelle place de marché
il faut être présent, et l'acheteur approvisionneur
qui travaille plus sur l'administration des commandes et
sur les aspects liés à la chaîne logistique.
Le premier rentre dans une fonction tactique et le second
est opérationnel. Epicentric offre des typologies
semblables pour gérer les options et les variantes.
Avec Portal Server, il est possible de générer
des sous-portails, sur-portails et combinaisons de portails.
En
fonction de quels critères les profils d'utilisateurs
sont-ils définis ?
Le profil peut être métier,
mais aussi culturel. A partir d'une même infrastructure,
il est possible de définir un portail d'accès
pour les Etats-Unis, un autre pour l'Europe et un troisième
pour une agence spécialisée au Japon. Après,
les responsables d'administration du sous-portail vont pouvoir
personnaliser en fonction de l'utilisateur. Derrière,
l'administrateur peut sélectionner les 10 intranets
de son entreprise dans son optique de personnalisation.
Simplement, le client et le fournisseur n'auront pas accès
aux mêmes informations, mais bénéficieront
de la même sécurité en travaillant dans
un environnement commun.
Portal
Server peut-il être utilisé comme Single Sign
On avec un seul mot de passe pour toutes les applications
de l'entreprise?
Notre portail dispose de points d'accès
avec les moteurs LDAP et nous travaillons sur leur renforcement.
Nous ne fournissons pas de SSO mais nous travaillons avec
des sociétés reconnues, comme Netegrity et
Securant, dont c'est le métier. Ces choix sont pour
nous stratégiques.
Quelle
est votre politique vis-à-vis des principaux standards
du marché, en particulier Java ?
Nous sommes 100 % Java, certifié
Sun. Certaines sociétés de services nous ont
sélectionnés sur ce critère. Comme
Portal Server est écrit en pur Java, il est tout
à fait portable et transportable d'un environnement
à l'autre Linux, Unix ou NT.
Au niveau des standards, nous supportons aussi XML, l'UDDI,
et nous avons signé avec Netegrity un accord portant
sur la norme S2ML. Celle-ci sera intégrée
dans la prochaine version de Portal Server. Il s'agit d'un
protocole permettant d'aller encore plus loin dans les systèmes
de sécurité en prenant l'initiative du contrôle
d'accès.
Selon
vous, quelle sera la prochaine génération
de portails d'entreprise ?
Nous irons de plus en plus vers la
mise en réseau de la structure de portail. Sinon,
les portails connaîtront surtout des évolutions
fonctionnelles, avec de plus en plus d'agrégation
ainsi qu'un développement du bureau virtuel de l'utilisateur
dans un contexte d'entreprise étendue. Quant aux
évolutions métiers, personne ne sait si elles
porteront d'abord sur le contenu, si elles intègreront
des notions de knowledge management ou autre.
Etes-vous
directement intéressés par la gestion des
connaissances ?
Nous nous interfaçons avec
les bases de connaissances des éditeurs qui disposent
d'une API. Sinon, nous ne sommes pas positionnés
là-dessus. En revanche, une fois l'interfaçage
mis en place, nous permettons aux utilisateurs d'accéder
aux systèmes de knowledge management dans le même
environnement de travail.
Aujourd'hui, le plus gros souci du knowledge management
n'est pas le "knowledge", mais le "management".
C'est une préoccupation importante qui transparaît
à travers différentes tentatives d'entreprises
qui ont dû revoir leur structure de management. Car
le fonctionnement en mode projet n'est pas facile à
mettre en place.
En fait, la gestion des connaissances est un domaine que
nous allons forcément favoriser avec du collaboratif
en mettant les gens en réseau et en leur apportant
des sources d'information communes. Mais Epicentric présente
une approche culturelle plus facile à résoudre
que la problématique du knowledge management.
Le
c-commerce, ou commerce collaboratif, fait-il partie de
votre stratégie de recherche et développement
?
Non. Mais nous allons aussi travailler
avec d'autres entreprises comme Rootset et Netcaution avec
qui nous avons signé récemment. Par exemple,
le site d'Autodesk (CAO/DAO) est basé sur Epicentric.
Leurs collaborateurs utilisent leur navigateur pour pratiquer
du collaborative engineering. Les personnes du génie
civil échangent des éléments d'information
en passant sur le site. Et si le concepteur mécanique
a besoin d'un composant électronique spécifique,
il rapatrie le modèle de CAO correspondant en vue
de l'incorporer suivant un mode de collaboration.
Quelles
sont alors les évolutions prévues de votre
offre ?
Je ne peux vous en parler car nous
n'avons pas le droit de geler le marché. Il y aura
bien sûr des évolutions fonctionnelles, notamment
en gestion de contenus et du côté des solutions
vers les "web services". Le développement
des services sur le Net devrait connaître probablement
un plus fort développement en Europe qu'aux Etats-Unis,
du moins en ce qui concerne la mobilité. Mais tout
est interdépendant. Avec l'UMTS, nous envisageons
des services web basés sur la mobilité.
Avant de rejoindre Epicentric, Yann Le Guellaff
était directeur des ventes d'Oracle pour la zone
EMEA. Il y était chargé de la commercialisation de solutions
CRM et e-business destinées aux opérateurs de télécommunications.
Parmi ses clients, il comptait notamment Vivendi, Suez/Lyonnaise,
Cegetel, BT, Michelin, Air Liquide, Sony, Havas et Atochem.
Avant de rejoindre Oracle, il a occupé des postes de responsable
commercial chez ASK/Ingres France, Computervision et IBM
France. Diplômé d'une licence d'ingénieur de l'Ecole Spéciale
des Travaux Publics de Paris et d'un certificat MRP II du
CNAM, Yann Le Guellaff est membre de l'Association d'Ingénieurs
ETP.
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