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19/09/01

L'Europe ligotée par le prix des liaisons louées

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Intranet multimédia, vidéo temps réel... les exemples du retard européen en matière d'exploitation des nouvelles technologies sur Internet face à l'Amérique du Nord ne manquent pas. Mais il est une explication, persistante, qui tend à constituer la véritable clef de l'écheveau. "Les liaisons spécialisées (LS) de 2 à 155 Mbps sont de trois à six fois plus chères en Europe par rapport aux Etats-Unis", déclare Christophe Lahaye, directeur Europe du Sud d'Ebone, l'opérateur issu de GTS et qui détient le backbone historique européen. "Lors d'un petit déjeuner cette semaine à Sophia-Antipolis devant 50 entreprises, l'une d'elle a expliqué que son métier était d'élaborer des plans en trois dimensions avec de très gros fichiers à déplacer. Aujourd'hui, elle repose sur deux liens RNIS de 64 Kbps et voudrait profiter d'une liaison à 10 Mbps. Mais les prix de France Télécom sont tels qu'elle ne peut même pas investir dans 2 Mbps.[...] Si nous comparons avec les chiffres du commerce électronique, nous observons que ce marché pèse six fois plus outre-Atlantique."

Même si cette comparaison reste pour le moins hasardeuse, les internautes n'ayant pas forcément les mêmes comportements d'achats de chaque côté de l'océan, "les chiffres parlent" selon Christophe Layahe. Du reste, d'autres données viennent appuyer ces propos, comme la récente étude de Yankee Group qui vient nourrir le plaidoyer d'Ebone et d'un certain nombre d'opérateurs alternatifs.

L'Europe à haut débit pâtit des opérateurs historiques

D'après le résumé fourni par le cabinet d'études, "sur un circuit transfrontalier européen de 750 km, les sections locales coûtent 75 fois plus cher, au kilomètre, que la partie internationale du circuit". En clair, les opérateurs historiques continuent de faire de la résistance malgré la règlementation en vigueur (directive européenne de 1997, décret d'application en France au 1er janvier 2001). Selon Yankee Group, les prix pratiqués pour les liaisons spécialisées sont encore beaucoup trop élevés en Europe, et leurs délais de livraison atteignent parfois plus de douze semaines.

Mais des disparités subsistent d'un pays à l'autre, que le rapport d'études aggrège dans un tableau de comparaison sur huit critères notés de 1 (très défaillant) à 5 (excellent) par les acheteurs et les utilisateurs. Parmi ces éléments clefs, le prix et le délai de livraison de LS de courte distance par les opérateurs historiques, mais aussi l'accès dégroupé aux réseaux de télédistribution qui suscite le mécontentement général (1/5 dans neuf des dix pays étudiés).

La France, pas la pire mais peut surtout mieux faire
Sur la moyenne des critères, les deux contrées les plus avancées sont les Pays-Bas (à 2,1/5 seulement) et le Danemark (à 2/5), suivis de la Suède et de l'Allemagne (à 1,8/5). L'Europe entière affiche le même résultat que la France et le Royaume-Uni, soit un tout petit 1,6/5. En général, la satisfaction apparaît rarement au rendez-vous, seules six notes étant égales ou supérieures à 3/5 dans un tableau de 80 cases. Or, la plupart des critères considérés sont du ressort de l'opérateur historique dans chaque pays. Peu prompt à développer sa propre concurrence, celui-ci rechigne à dégrouper, c'est à dire faire de la place dans ses infrastructures aux câbles des opérateurs alternatifs.

En France, le tableau reste moins noir globalement qu'en Belgique, en Suisse, et surtout qu'en Italie et en Espagne. Mais si l'Hexagone n'est jamais dernier sauf ex-aequo avec neuf autres pays concernant l'accès dégroupé aux réseaux de télédistribution, il reste presque toujours proche de l'être. Seule la question des délais de livraison des liaisons louées récolte une satisfaction moyenne de 2,5/5.

Des rebondissements peu encourageants
Déjà, au printemps (lire interview), Ebone avait engagé une convention bilatérale avec France Télécom. "Nous lui avions demandé de baisser le tarif des liaisons louées", rappelle Christophe Lahaye. "En août, l'ART (Autorité de régulation des télécommunications) a émis une recommandation lui intimant d'offrir ses LS à des prix en direction des coûts. France Télécom a alors dit qu'il que la recommandation n'avait pas de valeur applicable. En septembre, les négociations ont été rompues sur un constat d'échec. Et fait aggravant, les conditions sur les liaisons spécialisées ont été durcies unilatéralement, en réduisant les pénalités sur les contrats existants." De fait, ces dernières ne seraient plus automatiques, et le délai pour les réclamer serait passé de trois à un mois. Sur ce, "Worldcom a déposé une demande d'arbitrage auprès de l'ART et il n'est pas exclu qu'Ebone le fasse également." Une démarche est engagée par l'Aforst (fusion entre l'Afopt et l'Aost). Et Cegetel aurait intenté une action auprès du tribunal de commerce.

Et pourtant, il apparaîssait déjà clair auparavant que cette résistance laisserait des acteurs sur le bord de la route. "C'est très clair pour Mangoosta et Subiteo qui avaient basé leur business sur la boucle locale qui n'a pas été débouclée à temps", affirme Christophe Lahaye. "Au printemps 2001, une étude du Bureau International du Travail (BIT) a prévu que le dégroupage permettrait de créer entre 75 000 et 150 000 emplois et participerait à générer de 0,5 à 1 % de croissance en plus." Or, l'Etat est encore actionnaire à 51 % de France Télécom. Le plan grouvernemental prévoit cependant que le haut débit sera sur tout le territoire en 2005. "Trop tard", réplique Christophe Lahaye.


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