25/09/01
Attentifs
ensemble
Si
vous prenez le métro parisien, la formule " Soyons attentifs
ensemble " n'a pu vous échapper. Elle incite les voyageurs
à signaler tout événement ou colis "suspect". Faudra-t-il
en arriver à recommander ce type de conduite sur le
Net ? En appeler au sens civique des internautes ne
me semble pas une si mauvaise solution. Il faut bien
prendre conscience que si ce contrôle ne s'exerce pas
de lui-même, d'autres s'en chargeront. En effet, dans
la stupeur et l'émotion suscitées par les dramatiques
événements de New York et Washington le 11 septembre
dernier, des mesures légales prises vont être prises
in extremis, tant aux Etats-Unis qu'en Europe : elles
concernent la surveillance des courriers échangés et
la possibilité de chiffrer les messages.
Dans les heures qui ont suivi le drame, des agents du
FBI ont demandé aux grands fournisseurs d'accès à Internet
que sont AOL, Earthlink et Hotmail d'installer sur leurs
serveurs le logiciel Carnivore, qui permet d'intercepter
les communications électroniques de leurs clients. Un
système au nom évocateur et controversé depuis plusieurs
mois, à tel point qu'il a été rebaptisé sous le sigle
anodin de DCS1000. Pour faire court, le dispositif permet
d'analyser toutes les informations en provenance ou
à destination d'une adresse ou d'un ensemble d'adresses
IP, d'y repérer des chaînes de caractères spécifiques.
Serait-il efficace pour déceler des indices sur les
événements terribles du 11 septembre ? C'est ce qu'a
pensé le Sénat américain en votant, en une demi heure,
le surlendemain des attentats, un texte qui permettrait
au FBI d'installer chez des fournisseurs d'accès ce
système de surveillance pendant une durée de 48 heures,
sans qu'un juge ait à délivrer de mandat.
Un traité international bientôt achevé
En Europe, un traité international concernant la lutte
contre le crime dans le cyberespace est en voie de finalisation.
" Les ambassadeurs des 43 Etats membres du Conseil de
l'Europe ont approuvé le projet de convention sur la
cybercriminalité qui doit devenir le premier document
international contraignant dans le domaine d'Internet
", indique le Conseil de l'Europe. Le texte devrait
être soumis à la signature des Etats membres fin novembre
à Budapest. Les Etats-Unis, le Japon et le Canada seront
également invités à signer et à ratifier ce texte à
la rédaction duquel ils ont été associés.
Ce traité enjoint les Etats à poursuivre pénalement
un certain nombre d'infractions relatives à l'usage
des réseaux, telles que les accès illégaux, la falsification
de données, la diffusion de virus ou les atteintes à
la propriété intellectuelle, mais également aux contenus
lorsqu'il s'agit de pornographie enfantine. Il fixe
également aux fournisseurs d'accès des règles pour la
conservation et le stockage des données afin de permettre
un contrôle éventuel, par les autorités compétentes,
des opérations et des messages informatiques susceptibles
de constituer des délits.
Pour répondre aux critiques dont il avait fait l'objet
de la part des organismes de défense de l'Internet (en
particulier Global Internet Liberty Campaign), le texte
prévoit désormais que les Etats signataires doivent
s'assurer que leur législation nationale respecte les
dispositions du Conseil de l'Europe en matière de défense
de la vie privée, ainsi que celles des Nations unies
et d'autres organismes internationaux de défense des
droits de l'homme. Les Etats doivent également soumettre
leur législation à un contrôle judiciaire indépendant.
PGP bientôt réglementé ?
Les rédacteurs n'ont cependant pas répondu aux attentes
des fournisseurs d'accès Internet qui demandaient un
assouplissement de la mesure les obligeant à stocker
au moins soixante jours les données pouvant servir aux
enquêtes, indique le Conseil de l'Europe. Par ailleurs,
il y a fort à parier que les dispositifs de cryptage,
tel PGP (Pretty Good Privacy) que l'on peut se procurer
pour une cinquantaine d'euros, soit un jour réglementés.
Le Congrès américain en a déjà fait la demande. On commence
à prendre conscience qu'ils constituent un point de
blocage sérieux dans le déroulement d'une enquête judiciaire.
Evidemment, ces restrictions des degrés de liberté du
cyberespace hérissent les défenseurs de la liberté d'expression
inconditionnelle : " Si nos libertés fondamentales sont
brimées, alors les terroristes auront gagné ", s'indignent-ils.
Ne faut-il pas parfois renoncer à certains privilèges
pour assurer la sécurité de tous ? En faisant clairement
la différence toutefois entre surveillance et violation
des droits, entre protection et abus de pouvoir, comme
le faisait très justement remarquer Art Jahnke dans
Darwin
Mag. Internet sous surveillance ? Pourquoi pas,
si cela peut sauver la vie d'innocentes victimes. En
attendant que l'arsenal juridique se mette en place,
ouvrons un il plus que critique sur ce qui se passe
dans notre cyberespace. Soyons vigilants. Ensemble.
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