Infrastructure & Chantiers
Réaction Lecteur: "Le manque de compétences Linux est plus un mythe qu'une réalité
L'article consacré à l'enquête sur le logiciel libre a suscité réactions et commentaires. Nous publions ici l'un de ces courriers. Un point de vue pertinent sur le non-dit qui entoure le libre dans les entreprises. (Lundi 21 janvier 2002)
     

L'article consacré à l'enquête sur le logiciel libre (75% des entreprises satisfaites de l'utilisation du libre) menée par Benchmark Group ne vous a pas laissé indifférent. Jean-Marie Gouarné, directeur technique de la SSII Genicorp, nous a envoyé un courrier particulièrement pertinent. Le voici.

Par Jean-Marie Gouarné, directeur technique de Genicorp

"Bien que ne disposant d'aucun indicateur statistique sur ce sujet, et bien que le secteur des logiciels libres ne représente qu'une petite partie de l'activité de mon entreprise, j'ai été intrigué par certains détails de votre conclusion sur l'étude Benchmark Group relative à l'audience des logiciels libres.

Pour l'essentiel, les résultats sont bien en phase avec ce que nous ressentons: le logiciel libre semble effectivement perçu avant tout comme une boîte à outils d'infrastructure remarquablement fiable et pérenne, et donne généralement satisfaction dans ce rôle. En revanche, je suis étonné de voir figurer les délais de mise en oeuvre et la pénurie des compétences en première place parmi les raisons qui font adopter ou rejeter les logiciels libres. D'après notre "vécu" sur le terrain, les motifs de premier plan sont plutôt de deux autres sortes:

1) Les attitudes (favorables ou défavorables) envers le logiciel libre découlent avant tout, dans les grands comptes, de positions de principe généralement établies a priori. Ces attitudes déterminent l'accord ou le désaccord à l'égard d'un certain cadre contractuel, d'un certain modèle de développement, de distribution et de service, indépendamment de toute considération opérationnelle, technique ou financière. Il arrive même parfois (je l'ai constaté) que le logiciel libre soit expressément proscrit par le schéma directeur informatique, tout en étant utilisé de manière non officielle dans certains services.

2) L'élément central de l'offre libre est le système d'exploitation Linux, un système dont l'origine est liée au monde du PC, et qui n'a pas de références significatives dans les applications de production lourdes (l'offre Linux sur mainframe, portée par IBM, et les nouveaux outils libres de haute disponibilité, telles que le système de fichiers Coda, sont encore trop jeunes et trop peu répandus). Cette situation historique exclut encore largement le logiciel libre du coeur des systèmes d'information.

Enfin, plusieurs remarques sur ce que vous avez identifié comme des restrictions à l'usage du libre :

J'ai déjà entendu citer le manque de compétences mais à mon sens il s'agit plus d'un mythe que d'une réalité, d'un "fredon" qu'on se répète sans avoir vraiment cherché. Si cette pénurie était réelle, on se demande pourquoi il y aurait des spécialistes Linux sur le carreau (car il y en a !). D'ailleurs, derrière le folklore verbal de l'open source, une compétence Linux n'est autre qu'une compétence Unix. Et, en tant que recruteur, je constate quotidiennement que la plupart des jeunes diplômés sortis des filières informatiques depuis deux ou trois ans connaissent Linux. D'ailleurs, si la pénurie conjoncturelle de savoir-faire (réelle ou supposée) était suffisante pour motiver le rejet d'une technologie, Microsoft.Net n'aurait aucune chance de s'imposer en 2002; or nous savons que ce problème n'a pas empêché le boom de Windows et du client-serveur autour de 1990.

Quant aux délais de mise en oeuvre, je n'ai jamais senti de différence majeure qui puisse être imputée au choix du logiciel de base. Quand il s'agit de mettre en route un PC serveur, le fait qu'il s'agisse de Novell, de Windows NT/2000, de Linux ou d'autre chose n'entre pas en ligne de compte dans nos chiffrages.

Il y a d'autre part un aspect sociologique du problème que (volontairement peut-être) votre étude n'a pas abordé. Les investissements en licences logicielles représentent l'un des domaines de responsabilité essentiels des DSI et des directions des achats. L'adoption du logiciel libre, tout en accélèrant le déplacement du centre de gravité économique des projets vers les services, rend les licences d'utilisation budgétairement transparentes, ce qui donne une plus grande autonomie de choix aux équipes informatiques opérationnelles, voire aux utilisateurs, et remet en question les circuits traditionnels de décision, provoquant éventuellement des réactions défavorables de ces derniers. De ce fait, quand le logiciel libre arrive quelque part, c'est souvent sur la pointe des pieds, et un long délai peut s'écouler entre l'adoption effective et la reconnaissance officielle.

Un dernier point, enfin, mérite d'être signalé parmi les cas de rejet d'un produit libre. Il s'agit de l'absence de partenaire commercial responsable envers l'utilisateur. Bien que le contenu des contrats de licence, étudié avant tout pour protéger les éditeurs commerciaux contre les exigences de leurs clients, n'aille pas franchement dans le sens des intérêts de l'utilisateur, et que les voies de recours légales contre les éditeurs soient incertaines et inexplorées, l'existence d'un lien commercial procure au décideur une sorte de parapluie psychologique. C'est d'ailleurs pour cela que, en cas d'adoption de Linux, l'entreprise porte plus volontiers son choix sur une solution commerciale (telle que Red Hat ou Mandrake) permettant de s'adresser à un vendeur (responsable de la distribution sinon du contenu), que vers une offre coopérative comme Debian qui n'est supportée par aucune entité juridiquement définie. C'est encore pour cela que la suite bureautique StarOffice (gratuite, mais qui n'est pas juridiquement une solution libre, bien que citée comme telle dans la liste du Benchmark Group), est la seule susceptible d'être éventuellement prise en considération comme alternative à Microsoft Office, le support officiel de Sun étant plus rassurant que tout autre argument.

Après toutes ces remarques, je reconnais qu'il est très difficile à l'heure actuelle de prendre une mesure fiable de l'attitude des entreprises à l'égard du logiciel libre. C'est l'un des domaines où l'essentiel est encore dans le non-dit...

[Rédaction, JDNet]
 
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