L'été et l'automne
2001 ont été ponctués par les mises
en faillite de plusieurs géants de l'hébergement
et des services IP, selon la formule américaine
de banqueroute dite du "chapitre 11". En juin,
c'était le tour du fournisseur de services Internet
aux entreprises PSINet Inc., et en septembre celui de
l'hébergeur "pure player" Exodus Communications.
Dans les deux cas, la majorité des activités
de ces deux poids lourds ont été rachetées,
plusieurs centres d'hébergement à travers
le monde ayant été parfois acquis séparément.
Dans le cas d'Exodus, l'on peut citer les reprises récentes
et séparées de trois datacenters aux Etats-Unis
par Dell, et d'un autre dans le New Jersey par la Deutsche
Bank.
Le rachat de Exodus Communications par Cable & Wireless
a été annoncé fin novembre 2001
pour 850 millions de dollars, avant d'être
finalisé au début du mois de février
2002 pour 100 millions de dollars de moins.
Plus
exactement, ce sont 30 des 44 centres de l'américain
que s'est payé l'opérateur, dont 26 aux
Etats-Unis, un à Tokyo, un à Francfort
et deux à Londres. Dans le même temps,
le britannique a avalé un autre grand de l'hébergement,
alias Digital Island, puis a réuni ces deux entreprises
derrière son pôle de services Internet
rénové et rebaptisé... Exodus.
Au passage, Cable & Wireless a consolidé
sa position au pays du Soleil Levant avec l'acquisition
de la filiale japonaise de PSINet.
Quant à ce dernier, sa maison mère outre-Atlantique
a été reprise la semaine dernière
de façon officielle par Cogent
Communications. Cet hébergeur-infogéreur
capitalisant sur le marché américain a
déboursé pour cela environ 10 millions
de dollars. Une broutille, quand on sait que les capitaux
de PSINet Inc. étaient estimés à
2 milliards de dollars en juin 2001, lors de son
retranchement derrière le chapitre 11.
PSINet
exclusivement mais temporairement européen
"Notre
groupe était constitué de deux sociétés
distinctes", déclare Christian Honoré,
directeur général France. "PSINet
BV (de droit suisse) en Europe, et PSINet Inc. aux Etats-Unis.
C'est seulement la structure américaine qui a
été mise en redressement en juin 2001
et qui vient d'être rachetée par Cogent.
En Europe, nous avons toujours pu nous auto-financer.
Nous avons gardé une destinée propre,
et nous sommes en phase de nous adosser à un
groupe très important. Plus exactement, nous
entretenons actuellement des discussions avec deux très
grands groupes mondiaux, et nous pourrions procéder
à une annonce dans les deux mois qui viennent."
D'après nos sources, ces deux sociétés
seraient issues du monde des télécommunications.
L'une pèserait quelque trois milliards de dollars
environ, et l'autre plus de 50 milliards de dollars.
Leurs noms ne sont pas encore officiellement dévoilés
en cette période de tractations.
Quand l'Europe tient mieux le
coup que les Etats-Unis
Dans le même temps, l'activité
de PSINet BV (Europe) a évolué. D'ISP-hébergeur,
la société a glissé vers un positionnement
plus proche de celui d'un fournisseur d'infogérance
applicative à la demande pour le compte de SSII
et de très gros clients. Selon Christian Honoré,
"L'an dernier, nous nous sommes tournés
vers l'hébergement applicatif avec des services
à valeur ajoutée comme le stockage, mais
aussi les grandes applications ERP (progiciels de gestion
intégrés) et CRM (gestion de la relation
client)."
Peu de clients semblent s'être envolés
malgré les soucis de PSINet Inc. aux Etats-Unis.
Parmi ces clients, des sociétés telles
que Kauffman & Broad, Carrefour, Sony, HSBC, le
fonds de pension américain Fidelity, la Deutsche
Post, l'opérateur Orange en Suisse et le groupe
Vivendi. Contrairement à sa soeur jumelle aux
Etats-Unis, PSINet Europe paraît avoir plutôt
bien tenu le coup.
Dans l'Hexagone, "nous avons environ 1 500 clients
(7 000 en Europe) dont 700 sur l'hébergement,
parmi lesquels une soixantaine de très grands
comptes", précise Christian Honoré.
"Nous avons réalisé 162 millions
de dollars de CA en 2001 au niveau européen,
ce qui est stable par rapport à 2000. Nous employons
environ 600 personnes réparties en huit
filiales avec cinq datacenters : Londres, Paris,
Berlin, Amsterdam et un au siège en Suisse. Et
en France, nous avons même recruté 20 personnes
de plus au début 2002."
Alors pourquoi PSINet BV cherche-t-elle un repreneur
? Pour le directeur général français,
"l'analyse de la bulle Internet a été
faite et refaite. Nous nous sommes trouvé avec
une offre de bande passante très supérieure
à la demande. Beaucoup de câbles et de
tuyaux ont été posés un peu partout
et donc les prix ont connu une baisse un peu drastique.
Il y avait une trentaine de 'super-carriers' dans le
monde en 2001 et il n'y en aura plus que quelques-uns
dont les activités de communication voix et mobile
permettront de financer l'activité d'accès
et de transport IP. Le marché Internet ne représente
que 5 à 7 % des revenus des opérateurs
au niveau mondial. Environ 50 % provient de la
voix, 25 % des communications mobiles, et le restant
des liaisons louées, Frame Relay, ATM..."
Exodus
France repris en silence par Spherion
Dans le même
temps, seuls trois centres d'hébergement d'Exodus
Communications sur le Vieux Continent ont rejoint Cable & Wireless.
Nous avons appris qui avait acquis le datacenter français
: un américain plutôt "ancienne économie"
du nom de Spherion.
Ce cabinet de conseil et société de services
spécialisé dans le recrutement (Michael
Page racheté en 1997 et revendu au marché
il y a un an), dans l'externalisation et dans les services
informatiques s'appelait Interim Services avant son
changement de nom au début de l'été
2000. Par ailleurs, il aurait aussi repris une bonne
partie des actifs européens restants d'Exodus,
ceux en tout cas qui n'ont pas été acquis
par Cable & Wireless.
Dans notre article de septembre 2001 intitulé
"Exodus
s'inscrit désormais au chapitre 11",
le directeur général de sa filiale française
Philippe Martraire nous avait déclaré
d'une part que la France et l'Europe n'étaient
pas impactées comme les Etats-Unis. Et d'autre
part, "nous augmentons continuellement le spectre de
notre offre qui s'oriente vers le managed web hosting
(infogérance web applicative, ndlr)", nous avait-il
affirmé. Toujours en poste, celui-ci n'a malheureusement
pas pu se libérer dans les temps pour répondre
à nos questions. Mais la tendance nous a été
confirmée par l'un de ses collaborateurs. En
Europe, Exodus dont le positionnement initial était
assez différent de celui de PSINet BV, a fini
par prendre la même direction. A la différence
du fait que le premier est parti rejoindre une société
de services traditionnelle, et que le second semble
plutôt regarder vers des opérateurs de
télécommunications tout en entretenant
des partenariats avec des SSII. Un acquéreur
dont le nom devrait être connu dans les deux prochains
mois.
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