La transposition cet été
de la Directive 2001/115 du 20 décembre 2001
"en vue de simplifier, moderniser et harmoniser
les conditions imposées à la facturation
en matière de TVA" est passée inaperçue.
Cela se comprend un peu, le sujet est aride. Pourtant,
sans avoir l'air d'y toucher, l'administration fiscale
a commis quelques textes qui, en plus de définir
les modalités de transmission des factures dématérialisées,
vont peut être enfin permettre au marché
moribond des applications de la signature électronique
de décoller.
Expliquons-nous. La directive
précitée permet aux Etats Membres d'échanger
les factures dites "dématérialisées",
c'est-à-dire sans aucun support papier, selon
deux modalités :
- L'EDI ("
Electronic Data Interchange "), qui permet l'échange
de messages structurés entre les systèmes
d'information des entreprises émettrices et réceptrices,
et qui se pratique en France depuis plus de dix ans
;
- La signature électronique des factures,
au moyen d'une "signature électronique avancée"
au sens de la directive signature électronique.
La
France a transposé la Directive du 20 décembre
2001 dans des dispositions comprises dans la loi de
finance rectificative pour 2002, qui sont entrées
en vigueur le 1er juillet 2003.
Nous ne nous attarderons
pas sur les modalités relatives à l'EDI,
qui sont proches de celles déjà connues
en France depuis plus de dix ans. Nous rappellerons
simplement que l'EDI se définit comme un échange
de "messages structurés", selon une
norme convenue entre les parties, qui encadre l'ensemble
de la chaîne tant chez l'émetteur que chez
le récepteur des factures (émission, réception,
contrôle, archivage, restitution des factures
émises et reçues). La grande force de
l'EDI est qu'elle permet une excellente automatisation
du processus et son intégration avec le système
comptable de l'entreprise. Sa faiblesse, si c'en est
une, est son caractère quelque peu "fermé"
puisque sa mise en uvre suppose que l'ensemble
des clients et des fournisseurs concernés utilisent
exactement les mêmes applications logicielles.
Nous souhaitons plutôt
ici insister sur la façon dont l'administration
fiscale a interprété le texte communautaire
au regard des textes qui régissaient en France
la signature électronique, et qui dépasse
largement le simple cadre de la facturation.
On se souvient en effet
que la loi du 13 mars 2000, qui modifiait en profondeur
notre droit de la preuve en reconnaissant à l'écrit
numérique la même valeur qu'un écrit
papier, posait que le procédé technique
utilisé bénéficiait d'une "présomption
de fiabilité" dès lors que l'écrit
électronique signé était créé
et mise en uvre dans les conditions d'un décret,
qui devait être promulgué le 30 mars 2001.
On le sait, l'enfer est
pavé de bonnes intentions. Cette "présomption
de fiabilité", qui était sensée
faciliter le travail du magistrat lors de litiges, a
généré dans les esprits la plus
grande confusion et définitivement installé
le marasme dans lequel a sombré la signature
électronique. Car on a confondu "présomption"
et "existence". Et on en a déduit que
tant qu'il n'existait pas de signatures dites "sécurisées"
au sens du décret précité, et bien
il n'y avait pas du tout de signature électronique
! C'est bien dommage, car les exigences de ce décret,
et des textes qui ont suivi, étaient telles que
plus de deux ans après il n'existe toujours pas
de signatures "sécurisées" au
sens de ces textes.
Heureusement l'Administration
fiscale, dans son grand pragmatisme (dès qu'il
s'agit d'argent
), a décidé de mettre
fin à cette situation.
Il existe en effet d'ores
et déjà sur le marché des services
de certification électronique qui peuvent être
considérés comme fiables, du moins au
sens que donne à la "fiabilité"
le texte européen. Ces services sont délivrés
par des prestataires qui ne sont pas "qualifiés"
au sens du décret du 30 mars 2001, mais qui figurent
sur la liste des prestataires agréés par
le ministère des Finances pour la déclaration
de la TVA et qui tient lieu, finalement, d'une sorte
de label de qualité "de fait".
Les nouveaux textes fiscaux,
composés pour l'essentiel (hors l'article 289
nouveau du CGI), du décret n°2003-659 du
18 juillet 2003 et du Bulletin Officiel des Impôts
n°136 du 7 août 2003, disposent que :
- la signature électronique
utilisée pour signer les factures n'est pas
la signature électronique "sécurisée"
au sens du décret du 30 mars 2001,
- l'exigence requise est l'utilisation d'un certificat
électronique fourni par un prestataire de certification.
Il est précisé que ce certificat n'a
pas à être "qualifié"
au sens du décret précité, mais
doit présenter un degré de sécurité
suffisant.
Enfin, il est prévu
que les personnes morales puissent signer une facture,
ce qui correspond à un besoin fréquent
en matière commerciale qui n'était pas
couvert par les textes précédents sur
la signature électronique. Cette "signature"
de personne morale n'est donc pas un engagement personnel
signifiant le consentement d'un individu dûment
identifié à un acte, mais plutôt
un moyen de garantir que le document en question, en
l'occurrence la facture, émane bien de l'entreprise
émettrice et n'a pas subi d'altération
depuis sa création.
En
savoir plus
|
Le Cabinet August
& Debouzy organise le mardi 21 octobre
de 9h et 12h un atelier "facturation électronique".
Pour y participer, adressez votre demande par
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souhaitez plus particulièrement voir
traitées.
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En dernier lieu, les textes
de l'été insistent sur la nécessité
de conserver un "original" de la facture signée
électroniquement pendant un délai de trois
ans. Cet original doit permettre à tout moment
de procéder aux opérations de "vérification"
du document signé. En clair, cela signifie qu'il
convient pendant trois ans de conserver totalement opérationnel
tant chez l'émetteur que chez le récepteur
l'ensemble d'outils informatiques qui permettent de
signer les documents puis de vérifier leur authenticité.
Il s'agit là d'une obligation lourde, qui est
commune à toutes les opérations de dématérialisation
et ne doit pas être sous estimée lors de
la mise en uvre d'un tel projet.
Pour conclure, il faut doublement se féliciter
de cette prise de position de l'administration fiscale
:
- Tout d'abord parce
que, considérant la seule problématique
de la facture, elle adopte une approche simple et pragmatique
;
- Mais surtout parce
qu'elle permet maintenant d'affirmer qu'il n'est pas
nécessaire d'attendre (pour combien de temps
encore ?) l'avènement de ces fameuses signatures
"sécurisées" pour envisager
des projets visant à dématérialiser
des flux commerciaux dans de bonnes conditions de sécurité
juridique.
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