JURIDIQUE 
La facturation électronique, ou la révolution tranquille de la signature électronique par l'administration fiscale
par Isabelle Renard
Avocat associé, August & Debouzy (08 octobre 2003)
         
 

La transposition cet été de la Directive 2001/115 du 20 décembre 2001 "en vue de simplifier, moderniser et harmoniser les conditions imposées à la facturation en matière de TVA" est passée inaperçue. Cela se comprend un peu, le sujet est aride. Pourtant, sans avoir l'air d'y toucher, l'administration fiscale a commis quelques textes qui, en plus de définir les modalités de transmission des factures dématérialisées, vont peut être enfin permettre au marché moribond des applications de la signature électronique de décoller.

En savoir plus

Benchmark Evénements
Les applications de la signature électronique
(14 octobre), animé par Isabelle Renard et Stéphane Molère (consultant associé chez Amacom).

Expliquons-nous. La directive précitée permet aux Etats Membres d'échanger les factures dites "dématérialisées", c'est-à-dire sans aucun support papier, selon deux modalités :

- L'EDI (" Electronic Data Interchange "), qui permet l'échange de messages structurés entre les systèmes d'information des entreprises émettrices et réceptrices, et qui se pratique en France depuis plus de dix ans ;
- La signature électronique des factures, au moyen d'une "signature électronique avancée" au sens de la directive signature électronique.

La France a transposé la Directive du 20 décembre 2001 dans des dispositions comprises dans la loi de finance rectificative pour 2002, qui sont entrées en vigueur le 1er juillet 2003.

Nous ne nous attarderons pas sur les modalités relatives à l'EDI, qui sont proches de celles déjà connues en France depuis plus de dix ans. Nous rappellerons simplement que l'EDI se définit comme un échange de "messages structurés", selon une norme convenue entre les parties, qui encadre l'ensemble de la chaîne tant chez l'émetteur que chez le récepteur des factures (émission, réception, contrôle, archivage, restitution des factures émises et reçues). La grande force de l'EDI est qu'elle permet une excellente automatisation du processus et son intégration avec le système comptable de l'entreprise. Sa faiblesse, si c'en est une, est son caractère quelque peu "fermé" puisque sa mise en œuvre suppose que l'ensemble des clients et des fournisseurs concernés utilisent exactement les mêmes applications logicielles.

Nous souhaitons plutôt ici insister sur la façon dont l'administration fiscale a interprété le texte communautaire au regard des textes qui régissaient en France la signature électronique, et qui dépasse largement le simple cadre de la facturation.

On se souvient en effet que la loi du 13 mars 2000, qui modifiait en profondeur notre droit de la preuve en reconnaissant à l'écrit numérique la même valeur qu'un écrit papier, posait que le procédé technique utilisé bénéficiait d'une "présomption de fiabilité" dès lors que l'écrit électronique signé était créé et mise en œuvre dans les conditions d'un décret, qui devait être promulgué le 30 mars 2001.

On le sait, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Cette "présomption de fiabilité", qui était sensée faciliter le travail du magistrat lors de litiges, a généré dans les esprits la plus grande confusion et définitivement installé le marasme dans lequel a sombré la signature électronique. Car on a confondu "présomption" et "existence". Et on en a déduit que tant qu'il n'existait pas de signatures dites "sécurisées" au sens du décret précité, et bien il n'y avait pas du tout de signature électronique ! C'est bien dommage, car les exigences de ce décret, et des textes qui ont suivi, étaient telles que plus de deux ans après il n'existe toujours pas de signatures "sécurisées" au sens de ces textes.

Heureusement l'Administration fiscale, dans son grand pragmatisme (dès qu'il s'agit d'argent…), a décidé de mettre fin à cette situation.

Il existe en effet d'ores et déjà sur le marché des services de certification électronique qui peuvent être considérés comme fiables, du moins au sens que donne à la "fiabilité" le texte européen. Ces services sont délivrés par des prestataires qui ne sont pas "qualifiés" au sens du décret du 30 mars 2001, mais qui figurent sur la liste des prestataires agréés par le ministère des Finances pour la déclaration de la TVA et qui tient lieu, finalement, d'une sorte de label de qualité "de fait".

Les nouveaux textes fiscaux, composés pour l'essentiel (hors l'article 289 nouveau du CGI), du décret n°2003-659 du 18 juillet 2003 et du Bulletin Officiel des Impôts n°136 du 7 août 2003, disposent que :
- la signature électronique utilisée pour signer les factures n'est pas la signature électronique "sécurisée" au sens du décret du 30 mars 2001,
- l'exigence requise est l'utilisation d'un certificat électronique fourni par un prestataire de certification. Il est précisé que ce certificat n'a pas à être "qualifié" au sens du décret précité, mais doit présenter un degré de sécurité suffisant.

Enfin, il est prévu que les personnes morales puissent signer une facture, ce qui correspond à un besoin fréquent en matière commerciale qui n'était pas couvert par les textes précédents sur la signature électronique. Cette "signature" de personne morale n'est donc pas un engagement personnel signifiant le consentement d'un individu dûment identifié à un acte, mais plutôt un moyen de garantir que le document en question, en l'occurrence la facture, émane bien de l'entreprise émettrice et n'a pas subi d'altération depuis sa création.

En savoir plus

Le Cabinet August & Debouzy organise le mardi 21 octobre de 9h et 12h un atelier "facturation électronique". Pour y participer, adressez votre demande par e-mail à cette adresse, assortie des questions que vous souhaitez plus particulièrement voir traitées.

En dernier lieu, les textes de l'été insistent sur la nécessité de conserver un "original" de la facture signée électroniquement pendant un délai de trois ans. Cet original doit permettre à tout moment de procéder aux opérations de "vérification" du document signé. En clair, cela signifie qu'il convient pendant trois ans de conserver totalement opérationnel tant chez l'émetteur que chez le récepteur l'ensemble d'outils informatiques qui permettent de signer les documents puis de vérifier leur authenticité. Il s'agit là d'une obligation lourde, qui est commune à toutes les opérations de dématérialisation et ne doit pas être sous estimée lors de la mise en œuvre d'un tel projet.


Pour conclure, il faut doublement se féliciter de cette prise de position de l'administration fiscale :
- Tout d'abord parce que, considérant la seule problématique de la facture, elle adopte une approche simple et pragmatique ;
- Mais surtout parce qu'elle permet maintenant d'affirmer qu'il n'est pas nécessaire d'attendre (pour combien de temps encore ?) l'avènement de ces fameuses signatures "sécurisées" pour envisager des projets visant à dématérialiser des flux commerciaux dans de bonnes conditions de sécurité juridique.

 
 Rédaction
 
 

  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International

Voir un exemple

Voir un exemple

Voir un exemple

Voir un exemple

Voir un exemple

Toutes nos newsletters