JURIDIQUE 
PAR MARC D'HAULTFOEUILLE ET FLORENCE ZAUDERER
Contrats informatiques : la rupture des pourparlers
La rupture des pourparlers ou des négociations obéit à un régime de "liberté surveillée". Tant que le contrat n'a pas été conclu, les parties disposent d'une entière liberté...  (31/03/2004)
 
Marc d'Haultfoeuille (photo) et Florence Zauderer sont avocats, cabinet Clifford Chance
 
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La rupture des pourparlers ou des négociations obéit à un régime de "liberté surveillée" (1). Tant que le contrat n'a pas été conclu, les parties disposent d'une entière liberté : elles peuvent décider de conclure ou non le contrat envisagé. Toutefois, une rupture fautive des pourparlers constitue une source de responsabilité et peut donner lieu à réparation.
En l'absence d'avant-contrat, cette responsabilité sera de nature délictuelle et nécessite donc la preuve d'une faute, d'un dommage réparable et d'un lien de causalité. Il n'existe pas de définition unique de la rupture fautive ou abusive. Néanmoins, la jurisprudence a dégagé certains critères qui permettent de juger, au cas par cas, du caractère abusif ou non d'une rupture.
Les contrats informatiques complexes (ex : ERP, outsourcing, contrat d'intégration) sont tout particulièrement soumis à ces principes généraux de responsabilité dans la mesure où ils nécessitent souvent de longues négociations, la réalisation de différentes études par chacune des parties et un échange d'informations stratégiques.

I. L'appréciation du caractère fautif de la rupture des pourparlers
Sur la nature de la faute, les tribunaux sanctionnent une simple faute ordinaire. Ainsi, il n'est pas nécessaire de démontrer une quelconque intention de nuire, une mauvaise foi caractérisée ou un abus de droit de la part de l'auteur de la rupture.
Pour caractériser la faute, le juge s'attache à la fois aux circonstances de la rupture, mais également à ses justifications.
Ainsi, le caractère fautif ou non d'une rupture doit être apprécié sur les critères suivants, définis par la jurisprudence :

L'avancement des pourparlers
L'obligation "de conclure" s'intensifie alors que les discussions avancent et que les parties trouvent un accord sur un nombre de points de plus en plus importants. Ainsi, la rupture intervenant au cours de pourparlers qui ont duré un temps non négligeable peut ainsi être considérée comme fautive (2). Néanmoins, tout dépend de la nature et de l'objet du contrat envisagé : rompre des discussions qui s'enlisent peut bien entendu ne pas être fautif.

La rupture trop tardive ou la croyance légitime de l'autre partie
Rompre alors que l'autre partie pouvait légitimement croire en la conclusion probable du contrat peut être considérée comme fautive (3). Plus les discussions sont anciennes, moins la rupture devient admissible. Le fait de "laisser espérer" à son partenaire la conclusion d'un accord définitif pendant quatre années a ainsi été jugé abusif. Néanmoins, l'imprudence de la victime, qui, par exemple, a engagé des dépenses inconsidérées alors que la conclusion du contrat n'était qu'hypothétique, pourrait aboutir à un partage des responsabilités.

La rupture brutale
La brutalité de la rupture constitue un élément aggravant (4). Il a ainsi été condamné le fait de faire connaître à son partenaire son refus de contracter, la veille de la signature prévue, ou encore l'informer simplement par téléphone. Il est donc fortement recommandé de notifier par écrit son intention de mettre fin aux discussions et ce, dès que la décision est prise.

L'absence de motif légitime
Enfin, l'absence de motif légitime constitue un élément essentiel de la rupture abusive (5). La faute imputée à la partie qui se retire réside souvent dans le fait de rompre sans avancer de motif sérieux et objectif. Ainsi, le partenaire doit être informé des raisons qui motivent la rupture. Il a ainsi été jugé que le fait de se retrancher derrière des "considérations internes au groupe" (6) ne constituait pas un motif suffisant. La Cour de Cassation a également condamné l'auteur d'une rupture sur le fondement du caractère fallacieux du prétexte invoqué pour rompre les discussions (7) (en l'espèce, l'auteur de la rupture avait invoqué une réponse trop tardive de l'autre partie).

Quels peuvent être les motifs sérieux et objectifs justifiant une rupture des pourparlers ? A titre d'illustration, le blocage des négociations sur des points cruciaux (ex : la responsabilité, les droits de propriété, le prix des services, etc.) ou une modification importante du périmètre annoncé à l'origine (ex : dans le cahier des charges ou le RFP) peuvent justifier une telle rupture. De même, l'incertitude qui plane encore sur la conclusion du contrat permet une rupture des pourparlers sans sanction. Des discussions simplement ébauchées ne peuvent en effet faire naître l'espoir d'un contrat.

2. Le préjudice réparable
Selon le droit commun de la responsabilité délictuelle, le préjudice n'est réparable que s'il est direct et certain.

La perte subie par la victime (damnum emergens), tels que les frais occasionnés pour les études réalisées ou la mise au point d'un procédé, ou encore, les heures passées à négocier, peuvent être réparables.

Par ailleurs, le gain manqué (lucrum cessans) ou l'atteinte à son image du fait de la rupture des négociations peuvent également constituer un chef de dommage réparable.
Il convient d'observer que le comportement de la "victime" peut aboutir à un partage de responsabilité. Ainsi, le tribunal pourra prendre en compte l'empressement éventuel de la victime à s'exécuter ou à effectuer des dépenses alors que l'autre partie n'avait émis que des promesses. Le préjudice subi ne sera alors que partiellement réparé (8).

Dans une période où chacune des parties est particulièrement vigilante sur les termes et conditions des contrats négociés, il est donc fortement conseillé d'organiser les relations pré-contractuelles par la conclusion d'avant-contrats (lettre d'intention, Memorandum of Understanding, pré-contrat, accord de confidentialité).

Marc D'Haultfoeuile et Florence Zauderer

1) Denis Mazeau, La genèse des contrats: un régime de liberté surveillée"; Droit et Patrimoine. 1996, n°40, p. 44
2) Cass. 1ère civ. 14-6-2000, n°98-17.494
3) Cass. Com. 18-6-2002, n°99-16.488
4) Cass. Com 7-1-1997, n°9421.561
5) Cass. Com, 11-7-2000, n°97-18.275
6) Cass. Com. 7 avril 1998, n°95-20.361
7) Cass. Com. 22 avril 1997
8) Cass. Com. 15 octobre 2002, n°00-13-738
 
 

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