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ACTEURS |
Communautés Open Source : que recouvrent-elles ? |
Une enquête menée auprès des principaux acteurs de ces communautés aux multiples visages mais qui gardent au final globalement la même philosophie... Typologies des membres, outils, modes de travail et de rémunération sont au programme.
(06/05/2004) |
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"La communauté Open Source". Voici l'un des termes les plus couramment
utilisés dans le domaine informatique mais qui englobe en réalité
une multitude de situations et de définitions.
Que désigne ce terme de communauté, qui sont précisément ses membres, quel est
leur mode de travail, de rémunération ? Comment s'organisent-ils
? Voici quelques réponses.
Première
mise au point, apportée par les membres de la FSF (Free Software Foundation)
- créée par Richard Stallman - qui réfutent le terme de communauté
Open Source, lui préférant celui de communauté du logiciel
libre. Le terme 'Open Source' possède, selon eux, une trop forte connotation
commerciale, contraire à l'esprit initial du projet GNU/Linux et de la
licence GPL.
La FSF France nous a néanmoins
répondu, par le biais de son trésorier, Loïc Dachary : "La
communauté des logiciels libres désigne des centaines de milliers
de personnes qui participent à des projets dont la notoriété
est le plus souvent quasi nulle. Ils se lancent, se passionnent pour un projet,
refont ce qui a été fait mille fois, parce que ça leur apprend
des choses, puis abandonnent ou gèlent le projet de fait".
Les
utilisateurs des logiciels jouent un rôle fondamental au sein de la communauté |
Jean-François
Donikian, directeur associé de StarXpert,
ajoute : "Ce sont des gens qui interviennent par passion, des enseignants,
des étudiants, des bénévoles, comme Sophie Gauthier, qui
anime la communauté OpenOffice. Un certain nombre d'autres personnes gravitent
autour : les prestataires et les utilisateurs".
Les utilisateurs des logiciels ainsi créés jouent en effet un rôle
fondamental au sein de la communauté : "Il faut distinguer les membres
du core team - en nombre restreint et généralement d'un excellent
niveau - des utilisateurs du logiciel, en grand nombre et qui apportent une précieuse
contribution par leurs retours (détection de bugs, suggestions d'évolutions,
etc.). Un rapport de 1 à 100 ou 1000 entre les codeurs et les utilisateurs
/ testeurs permet de générer un code d'excellente qualité",
note Patrick Bénichou, P-DG d'Open Wide.
Les membres de la communauté sont également des personnes morales
: "Dans le cas de Samba, projet de plus de dix ans d'âge, les participants
(réalisateurs) sont nombreux et variés. Le fichier "WHATSNEW.txt" placé dans
l'archive
officielle des sources - aujourd'hui version 3.0.2a - montre par exemple que l'on
y trouve aujourd'hui des personnels de SuSE, d'IDEALX et d'IBM, ainsi que des
membres du projet Debian et des universitaires", déclare Nat Makarévitch,
cofondateur d'IDEALX.
On peut également citer la communauté ObjectWeb,
orientée vers les professionnels et dont 35 sociétés sont membres
(entre autres, 1 700 contributeurs réguliers étant inscrits). Elle
travaille sur 80 projets, dont JOnAS, serveur d'applications J2EE 1.4 en cours
de certification.
Comme on l'a vu précédemment, les membres de la communauté
interagissent en permanence avec les initiateurs d'un projet. Les règles
de fonctionnement de ces échanges sont en règle générale
clairement définies.
Le
fonctionnement se fait souvent selon le mode du "bazar" |
"Le fonctionnement se fait souvent selon le mode du "bazar" [lire
notre article
du 03/07/03]. C'est une auto-organisation - ou parfois non-organisation -
qui va du projet individuel à des projets comportant des milliers de membres comme
la production du noyau Linux ou du système Mandrakelinux. Les modes d'organisation
sont également très divers, certains projets étant très structurés, d'autres ne
l'étant pas du tout. On notera cependant qu'il existe la plupart du temps un responsable
pour chaque projet - souvent l'initiateur ou le plus gros contributeur du projet
- qui a le dernier mot sur tout ce qui touche au projet. Il existe des projets,
comme Debian, où le responsable est élu par les membres du projet", précise
Gaël Duval, co-fondateur de Mandrakesoft.
Dans le cas de communautés Open Source financées par des organisations
à but lucratif, ce qui distingue les membres "normaux" de ceux
qui font partie du core team est l'accès au CVS, l'outil de gestion
des versions : "Si vous prenez le JBoss Group, le core team garde
le contrôle des sources, en normalisant les modifications qui y sont apportées.
Si nous voulons, en tant que prestataire, proposer une évolution, nous
soumettons une contribution au core team qui est libre de l'accepter ou
pas. Ce mode de fonctionnement est différent des autres communautés
- comme Apache ou Eclipse - où l'accès au core team est régi
par le principe de légitimité et par la cooptation", ajoute
Patrick Bénichou, P-DG d'Open Wide.
Les membres des communautés sont-ils rémunérés ? La
grande majorité des développeurs contribuant aux projets Open Source le font sur
leur temps libre, possédant une source de rémunération par ailleurs. Mais
ils sont de plus en plus nombreux à se faire sponsoriser - voire salarier
- par des SSII, des constructeurs ou des éditeurs.
Des
outils bien spécifiques sont couramment utilisés |
Le cas de Daniel Veillard, software engineer chez Red
Hat depuis 2001 mais membre actif de la communauté GNOME
depuis 1998, illustre cette situation où un membre de la communauté
est parvenu à intéresser un éditeur de distributions Linux,
ce qui lui permet d'allier passion et gagne-pain. "En 1994, j'ai cofondé
les premiers groupes d'utilisateurs Linux en France, à Grenoble. Depuis
1996, je travaille sur du code Open Source, au W3C, sur le client Web Amaya.
Je suis membre de GNOME, spécialisé en XML et je travaille la nuit
sur des outils Open Source. Mes activités sont en parallèle de mon
travail chez Red Hat", explique-t-il.
Pour travailler (le jour... ou la nuit), des outils bien spécifiques sont
couramment utilisés par les membres des communautés précédemment
décrites. "Les forums des sites Web spécialisés sont
très utilisés - plus que les newsgroups classiques d'ailleurs
- ainsi que l'outil CVS, le Bugtraq et le canal IRC, ce dernier permettant plus
de discuter que d'échanger du code. Sans oublier les incontournables sites
Web SourceForge, Gforge
et autres freshmeat.net",
précise Laurent Pierre, directeur de projet chez Linagora
et membre actif de la communauté.
"Depuis 1999 et l'apparition de SourceForge, un changement méthodologique
considérable s'est opéré car ce site a permis aux développeurs de
rassembler un ensemble d'outils de productivité indispensables aujourd'hui.
Cet "atelier de génie logiciel" fait d'ailleurs peur aux développeurs
de logiciels propriétaires qui le voient comme un énorme monstre. Ces outils
sont pour l'élite, c'est une avance méthodologique claire en termes notamment
de culture", conclut Loïc Dachary, de la FSF France. |
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