Une diminution du profit net de 100 millions de dollars, lannonce dun retard important dans la publication de ses prochains résultats et lobligation de retraiter les données comptables de ses cinq derniers exercices fiscaux : voilà lincroyable annonce faîte par le groupe américain Goodyear Tire & Rubber en fin dannée dernière à ses actionnaires. Dès le lendemain de lannonce, le cours de bourse du groupe dévissait de 7%.
Un nouvel exemple de la cupidité des patrons américains et de leurs directions financières, me direz-vous ? Vous ny êtes pas du tout ! Il sagit dun problème dintégration entre lERP SAP et le reste du système dinformation du groupe. Bien que léditeur SAP soit mis hors de cause, son progiciel a fait lobjet dune implémentation déficiente à lorigine de ce nouveau scandale.
Ce scandale financier succède aux autres affaires qui ont rythmés les années qui viennent de sécouler, remettant en cause la chaîne de contrôle et de validation des comptes des entreprises des deux côtés de lAtlantique.
En réponse à ces scandales et à la dégradation du capital de confiance accordé aux professions financières, les comptes des sociétés passent maintenant au crible de nouvelles normes de transparence financière conçues par les législateurs (« Sarbanes-Oxley Act » aux Etats-Unis, « Loi de sécurité financière » en France). Ces nouveaux dispositifs saccompagnent dun renforcement de larsenal pénal à lencontre des dirigeants. Aux Etats-Unis, la loi Sarbanes-Oxley engage la responsabilité des présidents et directeurs financiers en leur imposant de certifier personnellement le contenu et la véracité de leurs comptes. En France, les dirigeants sont depuis longtemps responsables de la gestion et des comptes quils publient.
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"Le système d'information financier est victime du foisonnement technologique"
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Sous la pression des marchés, du législateur et de sa direction générale, le directeur financier doit faire face à cette crise de confiance en renforçant son contrôle sur linformation financière élaborée par ses équipes et sur les moyens (méthodes et outils informatiques) ayant permis de la produire.
La réalisation de cette tâche passe invariablement par la maîtrise du système dinformation financier, victime du foisonnement technologique et champ de bataille favori des grands projets informatiques des dernières années (Euro, An 2000, IAS).
A limage du système dinformation dans son ensemble, le système dinformation financier est rarement constitué dune seule application opérant sur un ensemble de données homogènes mais plus souvent dun enchevêtrement de progiciels financiers et de développements « maison » réalisés avec les technologies du moment (mainframe, puis client/serveur, et maintenant Web).
Limpression de confusion saccroît si lon tient compte des choix technologiques parfois désordonnés des différentes branches de lentreprise et des fusions/acquisitions qui ont imposés lagglomération de systèmes dinformation souvent bâtis selon des logiques différentes.
Pour ajouter à la complexité, le projet de changement de référentiel comptable implique une coexistence des deux référentiels IAS et national au sein du système dinformation financier pour plusieurs années.
Une grande partie du travail de production des comptes consiste aujourdhui à interfacer, en sappuyant sur des compétences informatiques internes et externes, les différents applicatifs en place et à normaliser les données financières afin de permettre leur consolidation, parfois au prix de concessions sur la qualité des résultats produits.
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"Avec le temps, la rigueur comptable a dû consentir quelques arrangements avec les contraintes techniques"
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Avec le temps, la rigueur comptable a dû consentir quelques arrangements avec les contraintes techniques et ces compromis plus ou moins répétés ont lentement émoussé la confiance du directeur financier envers son système dinformation.
Dans la mesure où la confiance dans les comptes est indissociable dune confiance dans le système dinformation financier qui les a produit, douter de la pertinence des données produites est un luxe que le directeur financier ne peut se permettre en ce moment. Partant de ce constat, une remise en cause des compromis passés est plus que probable. Cette reprise en main, parfois sous la pression, du système dinformation financier laisse présager dun regain dactivité pour les équipes informatiques en charge du S.I. financier.
En tant que maître duvre du système, elles ne pourront saffranchir de la mise en place dun cadre dintégration robuste, évolutif et documenté permettant de garantir la cohérence et la fiabilité des règles de reporting et de consolidation des données financières en provenance des différents systèmes opérationnels de lentreprise.
Dans lhypothèse où le doute sinstalle durablement dans la tête du directeur financier, il nest pas impossible qu'il demande à son directeur informatique de co-signer les comptes de la société à ses côtés et dassumer ainsi sa part de responsabilité dans la fabrication du reporting financier.
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