TRIBUNE 
PAR MICHEL ALBO
Système d'information financier : le prix de la complexité
Face à la complexité grandissante des systèmes à l'origine de l'information financière, le directeur financier supporte le risque d'irrégularités comptables engendrées par une mauvaise conception/intégration du système d'information financier.  (27/05/2004)
 
Directeur financier, Tir Groupé
 
   Le site
Tir Groupé

Une diminution du profit net de 100 millions de dollars, l’annonce d’un retard important dans la publication de ses prochains résultats et l’obligation de retraiter les données comptables de ses cinq derniers exercices fiscaux : voilà l’incroyable annonce faîte par le groupe américain Goodyear Tire & Rubber en fin d’année dernière à ses actionnaires. Dès le lendemain de l’annonce, le cours de bourse du groupe dévissait de 7%.

Un nouvel exemple de la cupidité des patrons américains et de leurs directions financières, me direz-vous ? Vous n’y êtes pas du tout ! Il s’agit d’un problème d’intégration entre l’ERP SAP et le reste du système d’information du groupe. Bien que l’éditeur SAP soit mis hors de cause, son progiciel a fait l’objet d’une implémentation déficiente à l’origine de ce nouveau scandale.

Ce scandale financier succède aux autres affaires qui ont rythmés les années qui viennent de s’écouler, remettant en cause la chaîne de contrôle et de validation des comptes des entreprises des deux côtés de l’Atlantique.

En réponse à ces scandales et à la dégradation du capital de confiance accordé aux professions financières, les comptes des sociétés passent maintenant au crible de nouvelles normes de transparence financière conçues par les législateurs (« Sarbanes-Oxley Act » aux Etats-Unis, « Loi de sécurité financière » en France). Ces nouveaux dispositifs s’accompagnent d’un renforcement de l’arsenal pénal à l’encontre des dirigeants. Aux Etats-Unis, la loi Sarbanes-Oxley engage la responsabilité des présidents et directeurs financiers en leur imposant de certifier personnellement le contenu et la véracité de leurs comptes. En France, les dirigeants sont depuis longtemps responsables de la gestion et des comptes qu’ils publient.

 
"Le système d'information financier est victime du foisonnement technologique"
 

Sous la pression des marchés, du législateur et de sa direction générale, le directeur financier doit faire face à cette crise de confiance en renforçant son contrôle sur l’information financière élaborée par ses équipes et sur les moyens (méthodes et outils informatiques) ayant permis de la produire.

La réalisation de cette tâche passe invariablement par la maîtrise du système d’information financier, victime du foisonnement technologique et champ de bataille favori des grands projets informatiques des dernières années (Euro, An 2000, IAS).

A l’image du système d’information dans son ensemble, le système d’information financier est rarement constitué d’une seule application opérant sur un ensemble de données homogènes mais plus souvent d’un enchevêtrement de progiciels financiers et de développements « maison » réalisés avec les technologies du moment (mainframe, puis client/serveur, et maintenant Web).

L’impression de confusion s’accroît si l’on tient compte des choix technologiques parfois désordonnés des différentes branches de l’entreprise et des fusions/acquisitions qui ont imposés l’agglomération de systèmes d’information souvent bâtis selon des logiques différentes.

Pour ajouter à la complexité, le projet de changement de référentiel comptable implique une coexistence des deux référentiels – IAS et national – au sein du système d’information financier pour plusieurs années.

Une grande partie du travail de production des comptes consiste aujourd’hui à interfacer, en s’appuyant sur des compétences informatiques internes et externes, les différents applicatifs en place et à normaliser les données financières afin de permettre leur consolidation, parfois au prix de concessions sur la qualité des résultats produits.

 
"Avec le temps, la rigueur comptable a dû consentir quelques arrangements avec les contraintes techniques"
 

Avec le temps, la rigueur comptable a dû consentir quelques arrangements avec les contraintes techniques et ces compromis plus ou moins répétés ont lentement émoussé la confiance du directeur financier envers son système d’information.

Dans la mesure où la confiance dans les comptes est indissociable d’une confiance dans le système d’information financier qui les a produit, douter de la pertinence des données produites est un luxe que le directeur financier ne peut se permettre en ce moment. Partant de ce constat, une remise en cause des compromis passés est plus que probable. Cette reprise en main, parfois sous la pression, du système d’information financier laisse présager d’un regain d’activité pour les équipes informatiques en charge du S.I. financier.

En tant que maître d’œuvre du système, elles ne pourront s’affranchir de la mise en place d’un cadre d’intégration robuste, évolutif et documenté permettant de garantir la cohérence et la fiabilité des règles de reporting et de consolidation des données financières en provenance des différents systèmes opérationnels de l’entreprise.

Dans l’hypothèse où le doute s’installe durablement dans la tête du directeur financier, il n’est pas impossible qu'il demande à son directeur informatique de co-signer les comptes de la société à ses côtés et d’assumer ainsi sa part de responsabilité dans la fabrication du reporting financier.


Michel Albo
Michel Albo est diplômé de l'Executive MBA de Paris-Dauphine et de l'UQAM-Montréal. IL est le directeur financier de la société Tir Groupé (Leader français de l'émission de chèques-cadeaux, CA 2003 : 171 M€). Il était précédemment en charge de l'offre "Décisionnel Financier"au sein de la division "Banque & Finance" de la SSII Steria.
 

Accueil | Haut de page

 

  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Auralog - Tellmemore | Publicis Modem | L'Internaute / Journal du Net / Copainsdavant | Isobar | MEDIASTAY

Voir un exemple

Voir un exemple

Voir un exemple

Voir un exemple

Voir un exemple

Toutes nos newsletters