TRIBUNE 
PAR PIERRE LOMBARD
La France et la société de l'information
Internet a lancé la troisième révolution industrielle qui impactera la majorité des activités socioéconomiques: c'est ce qu'affirme le Conseil d'analyse économique dans son rapport "La société de l'information". Après l'enthousiasme déraisonnable créé par la bulle, l'heure est au bilan.
 
(03/11/2004)
 
Directeur associé, Benchmark Group

Maintenant que les effets de la bulle Internet sont définitivement retombés, il est peut-être temps d'analyser sereinement l'impact du réseau et de l'emploi généralisé des technologies de l'information sur la vie économique. C'est précisément ce qu'a réalisé le Conseil d'analyse économique dans son rapport La société de l'information*. Dans ce document imposant, on soutient que la révolution numérique n'est pas seulement une révolution de l'information et de la communication, mais bien une troisième révolution industrielle. Ainsi, le fonctionnement et les usages actuels du système Internet constituent une sorte de "laboratoire", préfigurant des phénomènes qui régiront à terme une part importante des activités socioéconomiques. Parmi ces phénomènes moteurs de la "révolution numérique", figurent notamment l'émergence de l'entreprise en réseau, l'autonomisation croissante du travail, le rôle accru des marchés financiers dans l'innovation, la recomposition de la gestion des savoirs et de la connaissance.

La principale qualité de ce document officiel est d'établir un bilan objectif des "grandes idées" lancées dans les années 1990. Ainsi le concept - utopiste - d'entreprise virtuelle s'est progressivement affiné pour tenir compte du fait que l'Internet, les intranets et les places de marché électroniques pouvaient concrètement servir de base à des services d'interaction. Finalement, comment peut-on schématiser le fonctionnement de cette économie de l'information ? Les auteurs du rapport estiment qu'elle exerce son influence sur trois types de marché :
Un marché final reposant moins sur des échanges d'informations entre l'offre et la demande que sur l'apprentissage réciproque obtenu par des interactions entre les consommateurs et organisé par des "infomédiaires", plus ou moins liés aux producteurs-assembleurs ; les consommateurs acquièrent une représentation de l'offre nouvelle en participant à sa définition, ainsi qu'à sa distribution (sous la forme d'échanges gratuits ou faiblement payants du type MP3 pour la partie purement informationnelle) ;
Un marché intermédiaire sur lequel, à partir d'une représentation de la demande et de l'état des techniques, se coordonnent trois types d'acteurs : les assembleurs, cherchant à définir les "écosystèmes" de la demande ; les producteurs de commodités tirant parti d'économies d'échelle fortes ; et les équipes chargées de l'innovation, travaillant en contact avec la recherche scientifique et participant de sa logique d'information ouverte ;
Un méta-marché, déjà sensible pour les biens informationnels purs, comme les logiciels ou les contenus (images animées, jeux, musique, etc.), qui réalise le couplage entre la recherche et l'élaboration des prototypes d'une part, et les premiers consommateurs (en quelque sorte, des "bétatesteurs") d'autre part ; ce couplage ouvre la voie à une économie où les phases de consommation et de production ne seraient pas aussi clairement distinctes qu'elles le sont aujourd'hui.

 
Révolution industrielle certes, si l'on parvient à réduire la fracture numérique
 

Loin de se lancer dans une apologie de la technologie, les auteurs du rapport La société de l'information sont bien conscients que ces modèles économiques fonctionneront à plein uniquement si l'équipement des entreprises et des foyers est conséquent. Pour réduire l'écart entre ceux qui ont accès au Web et ceux qui ne l'ont pas, ce que l'on appelle la fracture numérique, les auteurs du rapport avancent différentes propositions :
Ils estiment tout d'abord que la politique actuellement poursuivie en France pour introduire les TIC dans le système éducatif, notamment à l'école primaire, reste encore très insuffisante, et ils demandent que soit amplifié et soutenu l'effort des collectivités locales en matière d'équipement des écoles, afin de réduire les disparités existantes et se rapprocher des meilleures pratiques européennes;
En matière de formation des adultes, les auteurs préconisent, outre l'ouverture des classes informatiques des écoles et lycées aux parents, le développement de la politique déjà engagée "d'espaces numériques publics", en labellisant et en subventionnant les initiatives locales qui émanent de différentes associations et institutions (bibliothèques, MJC, centres sociaux…) ;
S'agissant du développement de l'équipement des ménages, ils recommandent que l'État invite les grands distributeurs à proposer une offre intégrée d'entrée de gamme, comprenant micro-ordinateur, accès à l'Internet et maintenance, et qu'il accompagne cette offre d'une subvention publique ciblée vers les ménages modestes ayant des enfants scolarisés.

L'intention est louable. Mais elle n'est pas sans rappeler le plan Informatique pour tous des années 1980. Espérons que l'histoire ne se répétera pas car ce dernier s'était soldé par un échec cuisant.

*La société de l'information, Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet, Rapport du Conseil d'analyse économique, édité par la Documentation française, 312 pages. Document au format pdf téléchargeable.

 

 


Pierre Lombard
 
 

Accueil | Haut de page

 

  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Auralog - Tellmemore | Publicis Modem | L'Internaute / Journal du Net / Copainsdavant | Isobar | MEDIASTAY

Voir un exemple

Voir un exemple

Voir un exemple

Voir un exemple

Voir un exemple

Toutes nos newsletters