Pas dautomatisation sans analyse préalable
A force de se focaliser sur les composantes technologiques du management des processus, on aurait tendance à faire passer au second plan les processus métier. Certes, et lévolution des discours marketing en la matière est éloquente depuis un ou deux ans, il est de bon ton de souligner quune solution de BPM doit sappuyer sur les processus métier, que lurbanisation du SI doit intégrer une cartographie des fonctions métier. La terminologie "modélisation des processus métier" est ainsi apparue dans la plupart des présentations des dernières manifestations consacrées au BPM.
Mais la finalité de cette modélisation reste le plus souvent lautomatisation (lintégration) dudit processus.
Si lon cherche à faire les choses dans lordre, ce qui devrait être le cas de lentreprise susceptible de mettre en place ce type de solution, lautomatisation, qui est un des axes doptimisation du processus (parmi dautres) devrait faire suite à une analyse préalable des processus métier.
Cest précisément lobjectif premier des référentiels dentreprise (Enterprise Architecture) que de fournir ces éléments dappréciation au sein dun contexte global que les modules de modélisation des outils dorchestration (BPM), quels quils soient, sont loin de couvrir.
Analyse des processus dun côté, modélisation en vue dautomatiser de lautre, nous sommes face à deux catégories doutil : Enterprise Architecture dun côté, Business Process Management de lautre, si lon retient lacception anglo-saxonne quelque peu restrictive de ce terme.
On peut regretter la nécessité de devoir se doter doutils différents pour couvrir les besoins danalyse et dautomatisation mais force est de constater que les profils dutilisateurs (plus métier dun côté, plus techniciens de lautre) et même la granularité - le niveau de détails - des modèles (plus fine côté technique) diffèrent. Il faut bien entendu pouvoir sassurer de la cohérence des modèles techniques par rapport aux modèles métier mais la nécessité de les faire cohabiter au sein dun même outil et même de les représenter de manière identique (partage dune même notation) ne va pas de soi.
Tout chantier dintégration de processus devrait donc intégrer une première phase danalyse organisationnelle qui, dune part, justifiera le périmètre à automatiser, dautre part prendra en compte les aspects non informatiques de loptimisation (impact sur lorganisation, adaptation des procédures, risques réduits mais aussi induits par le nouveau chantier, définition des indicateurs de performance,
).
Quelles informations gérer au sein du référentiel ?
Au départ, une plateforme darchitecture dentreprise se présente comme une boîte à outils : cest un ensemble de moyens, qui permet de construire, reste à savoir quoi et comment.
Le contenu du référentiel pouvant prendre des formes très diverses, il importe dès la phase de lancement du projet de délimiter avec précision ses objectifs et son périmètre. La variété potentielle du contenu découle dune part des multiples prismes du processus, dautre part des finalités du projet. Le premier point concerne la nature des informations que lon veut gérer au sein du référentiel, le second le niveau de détail requis.
La vision relativement répandue - du "modèle unique"attaché à un processus ne résiste guère à lépreuve du terrain. En réalité, le modèle est une vision simplifiée dune réalité complexe et protéiforme : le niveau de détail de la formalisation dépend directement de lusage qui est fait du modèle.
Prenons lexemple dun processus " traiter une commande à lexport » auquel on attache trois objectifs - qui le plus souvent ne seront pas adressés en parallèle - : industrialiser la production de procédures, analyser les coûts, et automatiser sa mise en uvre. Le niveau de détail sera relativement fin pour la production de procédure, plus macro pour lanalyse de coût (faute de disposer déléments de mesure plus fins) et plus détaillé pour les besoins informatiques (règles de synchronisation, finesse des éléments en entrée et sortie
).
Le même processus est décrit via trois modèles correspondant à ces trois objectifs au sein du même référentiel : non seulement ce nest pas aberrant mais cest même souhaitable. Le fait que ces trois modèles cohabitent au sein du même référentiel leur permet de partager les éléments quils ont en commun. Au niveau supérieur, ces modèles seront rattachés au même processus.
En fonction de leur profil, les intervenants accéderont à lun ou lautre des modèles dans loutil ou sur le référentiel Intranet. On peut même imaginer quils ne partagent pas les mêmes règles de représentation, les modèles métier (organisation et costing) partageant une notation métier que le modèle informatique ne retiendra pas. Le modèle peut parfaitement être représenté sous divers aspects sans être démultiplié pour autant et sans que cela pose de problème de cohérence, la représentation graphique nétant que la partie visible dune réalité.
Létendue des données possibles rejoint les multiples visions que lon peut avoir dun même processus : vu sous langle organisationnel, on sintéressera aux tâches et rôles des différents acteurs, mais on peut tout aussi bien y rajouter les logiciels utilisés à chaque étape (vue applicative), les informations manipulées, les risques opérationnels associés, la contribution aux objectifs stratégiques de lentreprise, les indicateurs de performance, les compétences requises
Bref, il est rare que lon soit intéressé par toutes ces informations,et que lon puisse matériellement mener de front les analyses permettant de couvrir simultanément tous ces aspects. Finalement un modèle ayant malgré tout cette vocation universelle serait trop encombré pour rester un instrument de travail pratique. Il est donc nécessaire de définir les objectifs du projet et den déduire la nature des informations à intégrer dans le référentiel. Compte tenu de loutil de modélisation choisi, cette liste sera déclinée en un ensemble de modèles, objets, relations et attributs à gérer, formalisé dans un document incontournable du projet, la convention de modélisation.
Quel que soit lobjectif visé, la modélisation nest pas une fin en soi. Cest particulièrement vrai dans le cas dun projet doptimisation où elle se situe très en amont. A partir de ce point de référence, on pourra simuler des alternatives, identifier des ruptures de charge organisationnelle ou informatique et éventuellement délimiter le périmètre du projet dautomatisation. Dans une optique doptimisation, on sassure ainsi que toutes les pistes damélioration sont explorées et non pas seulement celles fournies par le SI. Car ce nest pas tout dautomatiser, encore faut-il automatiser un processus efficient. Et pour cela, avoir une vue densemble de limpact des améliorations envisagées sur les processus amont ou aval, mesurer les risques minorés par, ou au contraire, inhérents au processus cible est indispensable. Pour autant, si cette étape met en évidence la nécessité daméliorer lautomatisation du processus, il sagit dassurer un bon passage de témoin avec la phase informatique du projet.
Assurer la coordination avec la maîtrise duvre
Les outils dorchestration de processus disposent tous dun module de modélisation. Dans la présentation faite de ces outils, il est fréquent de le faire apparaître comme lespace de travail à lusage des utilisateurs métier pour définir leur besoin en prélude à lautomatisation de celui-ci.
Si ce module doit servir de réceptacle au référentiel dentreprise, il lui manquera probablement des fonctions danalyse (comparaison, simulation, analyses dimpact) ainsi que la capacité à réaliser les autres cartographies (SI, risques,
). Lidéal est de se servir de ce module comme réceptacle dun modèle défini dans loutil darchitecture dentreprise. Le modèle importé sera alors complété par les éléments techniques nécessaires à son automatisation, notamment les points de connexion avec les bases de données et applications.
Dès lors que la cohabitation de deux outils spécialisés apparaît nécessaire, la question de léchange dinformations entre ces outils se pose. Dans ce domaine, force est de reconnaître que linteropérabilité des outils est
améliorable, même si avec lavènement de BPEL, ce point progresse. En cas dincompatibilité et compte tenu de ce qui a été dit précédemment sur les niveaux de détail distincts des deux modèles, on se résoudra à initier le modèle technique dans loutil dorchestration alors que le modèle métier sera dans loutil darchitecture dentreprise. Mais on perd la cohérence sur les éléments quils partagent, qui est un point clé de réduction des risques de distorsion entre maîtrise douvrage et maîtrise duvre.
Un usage qui va sétendre rapidement
Certes la notion de référentiel dentreprise fait encore peur. La variété des apports potentiels dun tel outil ne facilite pas sa perception par les entreprises. Comme pour tout type de projet, les success stories les plus convaincantes côtoient des échecs retentissants. Dans ce domaine aussi, la réussite du projet tient autant à loutil choisi quà la méthode appliquée.
Létude BPMS sur la réalité du marché français (mars 2005) a - entre autres comparé les projets de mise en place de référentiel aux autres types de projet menés en matière de gestion des processus. : ils devancent dune courte tête, en proportion, les projets de type plus technique (orchestration, urbanisation), répondent le plus souvent aux objectifs assignés et concernent potentiellement tous les secteurs dactivité.
Cest un fait, les projets darchitecture dentreprise se multiplient, même si cest à des rythmes et avec des ambitions très variables dune organisation à lautre. La France, dans ce domaine comme dans dautres, a pris le train avec un certain retard sur ses voisins anglo-saxons. Mais elle tente de le rattraper et, progressivement, lidée fait son chemin quune analyse métier complète préalable à un projet dautomatisation nest ni une perte de temps ni un gaspillage de ressources mais au contraire un facteur clé de succès.
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